Unanimement applaudie à travers le monde, à la fois, par la critique et le public, depuis sa création en juillet 2010, la série -de téléfilms, tiendrai-je à préciser, plus que d'épisodes (neuf aventures de 90 minutes et deux « spéciaux » de Noël dont celui-ci de mêmes durées composant, à l'heure actuelle, les trois saisons de 2010, 2012 et 2014)- de Steven Moffat et Mark Gatiss, scénaristes ayant évolué sur l'historique « Doctor Who », que les plannings de ses deux acteurs-stars, Benedict Cumberbatch et Martin Freeman (l'un multipliant les films à Oscar et cie, l'autre se remettant de son « Voyage Inattendu » de « Hobbit » dans l'un des blockbusters Marvel : « Civil War »), ne fait que retarder indéfiniment et avec lassitude, s'offre enfin un... retour, mais aux sources également.
Pour une raison, qui restera inconnue du public jusqu'à mi-parcours (90% de l'épisode se déroulant dans ce Londres victorien cher à l'écrivain et créateur du mythe Sir Arthur Conan Doyle, selon le staff), le brillant sociopathe d'enquêteur qu'est le Sherlock Holmes contemporain qu'incarne Benedict Cumberbatch se retrouve propulsé, alors que le jet l'emmenant en exil dans les pays de l'Est vient à peine de décoller (même si cet épisode spécial de janvier 2016 offre un cours résumé des événements depuis juillet 2010, je vous laisserai revoir les précédents volumes en DVD et Blu-ray pour ne rien vous spoiler), dans des rues éclairées au gaz de Baker Street encombrées de voitures à cheval et sous les MacFarlane (ou Inverness Cape pour les puristes) et deerstalker du héros du « Strand Magazine » : et tout d'y recommencer à zéro... ou presque.
De retour de la Seconde Guerre Afghane (entre 1878 et 1880), blessé et invalide, le médecin militaire John Watson a inévitablement traîné son pas handicapé vers le grand cloaque londonien dans lequel tous les oisifs et désœuvrés de l'Empire sont attirés, sa santé irrémédiablement ruinée et son avenir sombre... pour y rencontrer celui qui sera son futur colocataire et héros de ces nouvelles qu'il écrit pour le « Strand », s'inspirant de leurs enquêtes : Sherlock Holmes, le plus célèbre locataire du 221 B Baker Street (prononcez two-two-one-bee...). Mais, aucune n'aura poussé notre héros à de pires extrêmes mentaux et physiques que cette affaire de l'Effroyable Mariée !
Appelé à la rescousse par un effrayé Inspecteur Lestrade, le duo d'enquêteur et romancier doit tenter de résoudre l'effroyable mystère effectivement d'une morte-vivante qui, sous les voiles de sa robe de mariée, serait venue abattre en public son mari -sortant d'une fumerie d'opium : la disparue Emelia Ricoletti, souffrant de tuberculose avant de devenir publiquement folle, s'étant pourtant tiré une balle en pleine bouche après avoir tiré sur la foule, le matin même!!
Mais, ne parvenant pourtant pas à résoudre cette affaire, le célèbre détective passera à autre chose, affirmant que les mariées réapparues ces derniers temps pour abattre des hommes ne sont que de pâles imitatrices... jusqu'à ce que plusieurs mois plus tard, son obèse frère Mycroft lui demande d'accepter une nouvelle affaire, toute en lui demandant d'échouer face à leur ennemi : Lady Carmichael venant leur demander de l'aide pour sauver son mari d'une menace mortelle reçue sous la forme d'une enveloppe contenant cinq pépins d'oranges...
Quel secret, s'il en était un, pourrait relier cette vengeresse morte-vivante à cette menace « épistolaire » ? Et pourquoi devoir échouer ? Mais, surtout, comment le plus élégant et arrogant geek de Baker Street et son intègre et loyal acolyte souffrant de SSPT (qui n'hésite tout de même pas à lui en coller une en pleine face) sont-ils passés de récits diffusés régulièrement via un blog à d'attendues publications mensuelles illustrées par un « illustrateur qui n'en fait qu'à sa tête » et impose même la moustache au Dr. Watson ?!
Bien que reprenant en une version victorienne des scènes de « Une Étude en Rose » (comme cette première apparition du plus grand des sociopathes de talent frappant un cadavre dans une morgue), la première enquête de juillet 2010 qui nous permettra de découvrir le nouveau duo formé par les excellents Benedict Cumberbatch et Martin Freeman, les deux créateurs et scénaristes Steven Moffat et Mark Gatiss ne s'amusent pas à simplement répéter dans cet épisode spécial du Nouvel An leurs transpositions télévisuelles de cette « Étude en Rouge » (et du « Signe des Quatre ») littéraire de 1887 pour ici s'inspirer toujours aussi librement mais fidèlement soit-il de l'une des 56 aventures canoniques du personnage de Sir Arthur Conan Doyle : « Cinq Pépins d’Orange » (ainsi que « Le Rituel des Musgraves » et « Le Dernier Problème ») de 1891.
Car, depuis près de six ans, la force (et le succès) de cette addictive série a été de puiser au sein des écrits (canoniques) de Sir Arthur Conan Doyle -« Une Étude en Rouge », donc, « La Vallée de la Peur », « Les Hommes Dansants », « Les Plans de Bruce-Partington », « Le Traité Naval », « Un Scandale en Bohême », « Le Chien des Baskerville », « La Maison Vide », « Charles Auguste Milverton », « Son Dernier Coup d'Archet » et autres nouvelles à plusieurs reprises, comme « Le Traité Naval », « Les Cinq Pépins d'Orange » ou « Le Dernier Problème », et d'autres sur les 56 reconnues- sans strictement les adapter à notre époque au risque de sombrer dans de stupides anachronismes, mais toujours en sachant puiser ici ou là quelques et différentes sources d'inspirations pour ressusciter et ré-vitaliser le mythe holmésien projeté de nos jours dans d'inédites -ou presque- histoires.
Là où l'hollywoodienne (ou juste américaine) version CBS « Elementary » de Robert Doherty, avec ses 96 épisodes à l'heure actuelle sur ces quatre saisons qui se poursuivent, respecte les codes US du format sériel des procedural, aussi bien écrits soient les personnages, mais non sans réussir à éviter de tomber dans les scories et épuisements de ce genre télévisuel connu de tous aujourd'hui, quitte à rejoindre les incessantes « CSI : Les Experts », « Esprits Criminels » ou « Bones » (où les deux héros associés finissent par céder à leurs attirances communes, sans chercher à spoiler quoi/qui que ce soit), tout en parvenant à rebooter à la sauce ketchup l'émigration dans la Grosse Pomme de son bad boy tatoué d'ancien tox' de détective surdoué mais usé de Sherlock Holmes -incarné par un Jonny Lee Miller sur le retour- pour des intrigues inédites et feuilletonnantes, la virtuose et originale production luxueuse de la BBC (inspirée et à la scénographie particulièrement soignée) s'empare elle toujours des écrits originaux du XIXème siècle pour mieux les remixer, réécrire et restituer plus que recracher dans un tout autre format (90 minutes télévisuelles contre 42 minutes d'écritures sérielles où sont imposées d’innombrables coupures publicitaires), avec un tout autre style et non, sans oublier le caractéristique humour so british que l'on lui espérait inévitable.
Si ici n'est pas le débat de comparer une lourde machine américaine -sur laquelle travaille un staff d'une quinzaine de scénaristes rodés à l'exercice du travail de groupe depuis quatre ans- à une petite pépite « fait maison » encadrée par ses deux créateurs (Moffat et Gatiss) avec l'aide éventuelle du créateur de la toute nouvelle « Jericho » britannique, Steve Thompson, et surtout la bible littéraire du créateur Arthur Conan Doyle, on ne peut nier que le rythme bien moins effréné de la production anglaise sait lui être un de ces gages de qualité... tout en rendant la série aussi addictive qu'est la cocaïne pour le détective -même si l'incarnation de Benedict Cumberbatch use désormais de multiples patchs de nicotine pour arriver à un état de méditation propice à la concentration... quand il ne va pas jusqu'à se droguer pour recréer une simulation mentale dans son esprit, son palais mental.
Car, oui, il est bien question de dépendance aussi avec cette série « Sherlock », de la dépendance d'un public qui s'impatiente d'attendre une nouvelle saison (dont le tournage de la quatrième aurait débuté en mai 2016, pour, espérons-le, une diffusion outre-Manche des trois épisodes attendus autour des fêtes de cette même fin d'année, selon Martin Freeman) et que la diffusion de cet épisode spécial, au lendemain des fêtes de la fin de l'année 2015, n'aura su apaiser... qu'un temps, comme les derniers délires et hallucinations persistants d'une descente toxicomani(a)que suivant le fix' d'un accroc à la série, qui ne se serait rien injecté depuis le 12 janvier 2014 (date de la diffusion sur BBC One du précédent « Dernier Coup d’Éclat » ponctuant la troisième saison).
Et cette sortie française en Blu-ray et DVD de cet épisode quinze jours après sa diffusion sur France 4 (le 3 juin 2016) pourra vous permettre de re-découvrir ce superbe cadeau de la part de l'équipe, en versions française ou originale et avec les bonus qui vont bien.
Retrouvez Sherlock et son ami Watson sera déjà un premier plaisir, mais les retrouver dans un Londres victorien superbement reconstitué et plus proche de l'univers originel de l'un des plus célèbres écrivains britanniques qu'il soit (Sir Arthur Conan Doyle) reste le magnifique cadeau bonus et double effet kiss cool de cet épisode -qui devrait se hisser haut dans l'univers de la série- que tous ses accrocs de spectateurs pouvaient attendre et espérer.
Découvrir ou re-découvrir ces versions alternatives et « plus classiques » de ces personnages (Sherlock, Watson, Lestrade, Mycroft, etc, sans chercher à vous spoiler), que l'on avait adoré découvrir réécrits façon SMS, internet et entre Victoria Street (l'adresse du nouveau Scotland Yard en attendant son énième déménagement sur Victoria Embankment au bord de la Tamise) et Baker Street, ayant été attendus, je crois, de tous... depuis le début : le rêve... ou le cauchemar est enfin élémentairement réalisé, messieurs-dames les détectives et drogués.
Bon trip !