Le destin extraordinaire des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux États-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale, grâce à la mise en orbite de l’astronaute John Glenn. Maintenues dans l’ombre de leurs collègues masculins et dans celle d’un pays en proie à de profondes inégalités, leur histoire longtemps restée méconnue est enfin portée à l’écran.
La NASA, symbole de l’avenir de l’être humain, symbole de notre regard porté vers l’espace, de cette course effrénée que se menèrent les russes et les américains dans une odyssées spatiale qui vit son point d’orgue lorsque Neil Armstrong posa le pied sur la Lune. Mais qui sait que derrière John Glenn, derrière Appollo, et derrière les premiers pas sur la Lune des Américains, il y a eu des femmes, et Afro-Américaines de surcroit.
Car derrière la façade du rêve et de l'évolution spéciale que véhicule la NASA, il y avait une réalité tout autre dans l’Amérique des années 60 qui était très loin de tourner le dos à la ségrégation. Une société dans laquelle les femmes, en général, avaient un rôle secondaire, un rôle de secrétaire ou de second couteau, laissant la place libre aux hommes. Seulement la peine était double, dès lors que la femme était noir. Il aura fallu attendre plus de 50 ans pour qu’une journaliste décide de se pencher sur cette histoire que personne ne connaissait, y compris les plus fans de la société spatiale américaine, celle où trois femmes afro-américaines ont su trouver leur place et se rendre indispensables, allant même jusqu’à surpasser les ingénieurs masculins de la NASA.
Au-delà d'un film, sur la ségrégation, le scénario s'applique surtout à montrer cette société des années 60 qui n'avait pas encore tourner le dos à son idéologie machiste, et qui ne laissait encore qu’une place très minime aux femmes qui acceptait sur le marché de l’emploi et qui ne laissait qu’à des tâches ingrates, comme on pouvait le voir dans des studios de cinéma comme Disney, où les femmes étaient majoritairement cantonnées au travail de peinture des celluloïds ou encore la Nasa où elles étaient simplement dédiées au recalcul des formules, sans avoir l’autorisation d’apposer leur nom. Avec une certaine intelligence et dotée d'une grande finesse, la scénariste fait non seulement un parallèle entre l'histoire de ces femmes noires qui subissent en permanence l’humiliation de porter leur couleur comme un fardeau mais qui au final, les rendra plus fortes, plus déterminées, et encore plus impressionnantes dans le résultat qu'elles apportent et les solutions qu'elles parviennent à trouver pour que l'Amérique entière puisse se glorifier d'avoir gagné la bataille spatiale. Mais le scénario va plus loin, et montre également à quel point cette société pouvait utiliser les femmes pour le même travail que les hommes mais les payer deux à trois fois moins, une honte lorsque l'on sait que ces femmes, qui sont restés dans l'ombre aussi longtemps, avaient réussi à les surpasser et de loin, notamment en faisant fonctionner la machine IBM, ou en modifiant les trajectoires dont le calcul était faussé.
Et la mise en scène de Théodore Melfin (Braquage à l’Ancienne), ne cherche pas à faire dans l'extraordinaire mais au contraire dans la reproduction la plus fidèle possible d'une époque qui se brillait et se voyait dans l'avenir, mais qui avait encore beaucoup de mal à tourner le dos à son passé et à faire face à son présent. Jamais dans la caricature, le réalisateur cherche avant tout à mettre en lumière ces femmes qui sont restées dans l'ombre pendant près de cinq décennies et qui pourtant ont porté les couleurs de leur pays au firmament des stars et leur ont permis de pouvoir mener à terme une bataille qui semblait bien mal partie. Bien sûr comme bon nombre de films sur la ségrégation, le réalisateur n’hésite pas à mettre en scène, mais de manière subtile, toutes ces aberrations nées de la ségrégation en nuançant le jeu de ses personnages, qui ne se sentent pas contre les populations Afro-Américaines, mais ont été élevés dans un univers hostile aux gens de couleurs. Le réalisateur l’a bien compris et ne cherche en aucun cas à montrer la violence qu'il pouvait y avoir à l'extérieur qu'elle soit physique ou autre, mais il s'évertue simplement à montrer la violence psychologique que cette ségrégation avait sur ces personnes de couleur qui ne demandait qu'une seule chose : exister et être reconnu.
Côté distribution Taraji P. Henson, la redoutable Cookie de la série « Empire », signe une prestation redoutable de fierté et de souffrance contenue et rend un hommage remarquable Katherine Johnson, même chose pour Octavia Spencer qui nous avait déjà touché dans sa composition de femme humiliée dans « La couleur des Sentiments » fait encore mouche dans celui de Dorothy Vaughn la femme qui fit marcher la machine IBM.
En conclusion « Les figures de L’ombre » est, une fois de plus, un film très réussit sur une histoire méconnue de l’aventure spatiale américaine, dans laquelle les femmes étaient exploitées, mais encore plus si elles étaient noires.