Dans une petite ville du Kansas, un pique-nique annuel est organisé pour célébrer la fête du travail. C’est ce jour-là que débarque Hal Carter, ancien camarade d’université d’Alan Benson, dont le père est un riche céréalier de la région. Avant de retrouver son ami, Hal fait la connaissance des sœurs Owens : Millie, « Garçon Manqué » au tempérament bien trempé, et Madge, la plus jolie fille du coin et petite amie d’Alan. Le nouveau venu tombe immédiatement sous le charme. Le pique-nique sera pour les deux jeunes gens l’occasion de se rapprocher.
Pour son deuxième long-métrage, Joshua Logan (Arrêt d’autobus) ne fait pas dans la simplicité. Il nous propose l’adaptation d’une pièce de théâtre créée à Broadway par William Inge, l’une des figures majeures (avec Tennessee Williams) du théâtre américain. La pièce traite, sous couvert d’une romance acidulée, de la condition des américains profonds par la prisme d’une communauté refermée sur elle-même. Le film repose d’abord sur un duo saisissant :
William Holden (Le Pont de la Rivière Kwai) qui, même si son âge ne correspond pas vraiment à son personnage impose un charisme et une composition remarquable de naïveté et de nuances et
Kim Novak, la future star magnifiée par Hitchcock dans «
Sueurs Froides » qui s’accapare l’écran avec brio et force dans un jeu, certes un peu classique mais tout de même puissant. Ils forment à eux seuls l’un des couples les plus improbables et en même temps les plus justes que le cinéma ait connu. L’un et l’autre se complètent et profitent du jeu un peu trop théâtral et parfois hors sujet du reste de la distribution. Un décalage qui ne fait que servir un peu plus le couple qui va d’un seul coup prendre de la hauteur dans une relation mal contrôlée et un portrait de l’Amérique Rurale un peu acide.
Car évidemment la pièce de William Inge n’est pas une simple romance doucereuse sur fond de trahison c’est avant tout un portrait sans concession d’une Amérique Rurale qui se replie sur elle-même. On y découvre une campagne organisée dans ses traditions, et dans ses événements qui n’en sont pas mais réunissent les habitants pour le meilleur comme pour le pire. Le regard des autres et la proximité qui peuvent rapidement devenir étouffants pour les jeunes comme pour ceux qui n’auraient pas une vie comme les autres. Du coup, les situations s’enchainent et cette Amérique-là se déconnecte doucement des autres et porte un regard sur l’étranger qui n’est pas sans conséquences, ne laissant aucune place à la nuance.
Même si Le réalisateur adapte et transforme la pièce pour se fixer sur ses personnages et les rendre plus ouvert au monde que dans sa forme théâtrale, il profite de ses comédiens principaux pour transformer l’œuvre de Inge, en Mélodrame magnifique qui met en lumière les ravages de l’amour et le bonheur de ce sentiment. Préférant les plans simples aux plans compliqués, Joshua Logan se pose en témoin pour mieux faire transpirer la déchirure de ses héros et ce que l’amour leur apporte et leur manque. Parti d’un pari, jugé perdu d’avance, Joshua Logan a su insuffler ce qu’il manquait à la pièce pour pouvoir être adapté au cinéma. Le choix des mots, les éclairages discrets ou forcés mettant en valeur les sentiments des uns et des autres en sont autant de preuves que « Picnic » est une véritable réussite.
En conclusion : une œuvre remarquable dans le cinéma américain qui lança la carrière de Kim Novak et affirma le statut de Sex-Symbol de William Holden. Un parti pris osé pour l’époque de montrer des hommes à demi nu pendant une longue partie du film tout en appuyant sur le portrait sans concession d’une Amérique Rurale qui se referme sur elle-même.