Après Richard Jackson, Simon Oakes et Brian Oliver qui ressuscitèrent en 2012 avec succès (près de 128 millions de dollars au box-office) les vieux films de la Hammer en (re)donnant les clefs de cette horreur gothique au réalisateur James Watkins pour nous emmener dans la Eel Marsh House de « La Dame en noir » (le second volume étant un demi-échec confidentiel en 2014), les fossoyeurs Chris Morgan de la saga « Fast & Furious », Alex Kurtzman et son habituel complice Roberto Orci, producteurs de J.J. Abrams entre autres, réussissent à convaincre Sean Daniel, producteur de la récente trilogie revival -en plus de toute une armada de producteurs délégués (Sarah Bradshaw, Jason F. Brown, Bobby Cohen et Barbara Muschietti)- de tenter de ressusciter à leur tour tous les célèbres monstres de studio Universal.
Si, en 2010, l'ancien directeur artistique Joe Johnston offrait au public le remake du film « The Wolfman » de 1941 (sous label Universal), avec Benicio del Toro dans ce domaine familial de Blackmoor en 1891, et Gary Shore proposait en 2014 une origine au plus célèbre des vampires avec le médiéval « Dracula Untold » (toujours sous label Universal), le futur univers horrifique partagé (à l'instar du MCU des super-héroïque « Avengers » mais surtout du récent succès sériel « Penny Dreadful », qui comme « La Ligue des Gentlemen Extraordinaires », réunissait différents monstres de la littérature gothique et fantastique), Dark Universe, imaginé par Kurtzman et Morgan pour le compte d'Universal, et qui sera plusieurs fois évoqué, était encore loin.
Ne désirant pas le rattacher à la trilogie avec Brendan Fraser qui remplit les salles (et les comptes d'Universal) entre 1999 et 2008, et accusant l'échec plus critique que commercial (le film vampirique cumula tout de même 217 millions de dollars à travers le monde -pour 70 de budget) du film de Shore d'avoir perturbé leurs plans de jonction de tous ces futurs films (cette « Momie » ici critiquée, Frankenstein -incarné par Javier Bardem- et sa fiancée -qui devrait être tournée par Bill Condon, un Homme Invisible incarné par Johnny Depp sous la direction d'Ed Solomon, mais aussi un Fantôme de l'Opéra et Quasimodo!), Kurtzman et Morgan décident donc de faire finalement de cette future « Momie », annoncée dès 2012, leur future clef de voûte... de ce Dark Universe, revival ou nécrophile...
Alors que déjà à l'époque le script de Jon Spaihts (à qui on doit l'horrible « Prometheus » se voulant à l'origine du monstrueux « Alien » de Ridley Scott) pour le réalisateur lycanthropique et vampirique Len Wiseman (sous la tutelle d'Universal, le producteur initial Sean Daniel et leurs partenaires Alex Kurtzman et Roberto Orci de K/O Paper Products) prévoyait de transposer cette nouvelle aventure dans notre époque contemporaine -pour coller à la réalité le plus possible et perdre ce monstre dans un univers lui étant complètement étranger, tout en s'amusant à faire croire aux spectateurs que l'histoire pouvait également leur arriver. - et que le casting n'est même pas finalisé voire entamé, voilà que, comme un signe du destin, la valse des scénaristes et des réalisateurs commence, apportant au projet son lot de changements et de contradictions : février 2013, le réalisateur mais aussi scénariste Billy Ray (à qui on doit le scénario du récent succès « Hunger Games » alors) est chargé de réécrire le scénario (pour que celui-ci puisse avoir des points communs avec un futur projet de reboot parallèle de « Van Helsing », le chasseur de vampires) et durant l'été l'Argentin plusieurs fois primé pour son premier film, « Mama », Andrés Muschietti vient remplacer Len Wiseman partit s'occuper du développement de la série « Sleepy Hollow » (et ayant été abordé pour un cinquième « Die Hard »), avant de lui-même quitter le projet pour des différents artistiques (et finalement s’atteler à la relecture du roman de Stephen King, « Ça », comme chroniqué de ce coté-ci par votre serviteur) en mai 2014, alors qu'enfin Jon Spaihts peut livrer sa version finale du truc -les duettistes Kurtzman et Morgan allant essayer, à partir de l'été, d'y rattacher tous les futurs projets de reboots (la fiancée du monstre de Frankenstein et celui-ci, l'étrange créature du Lac Noir, Le Loup-Garou, Van Helsing -et l'éternel Dracula pour ennemi?- et un Homme-Invisible déjà greenlighté avec Johnny Depp) !
Pilleur de tombes (préférant se présenter comme un « libérateur d'objets d'art et d'antiquités précieuses »), le Sergent Nick Morton (Tom Cruise), éclaireur des forces spéciales de l'armée américaine, aime entraîner dans ses (més)aventures son fidèle associé, le Caporal Vain (Jake Johnson), comme sauver de prétendus otages dans un village reculé d'Irak des méfaits d'insurgés (comprendre de fanatiques terroristes de Daesh qui y tentent de faire disparaître méthodiquement 5000 ans d'Histoire)... mais celle-ci pourrait bien être la dernière, puisque après avoir volé à l'archéologue Jenny Halsey (Annabelle Wallis) une carte devant leur permettre de découvrir un trésor -« haram »- quelque part dans cet ancien berceau de la civilisation (autrefois la Mésopotamie), cet aventurier sans scrupules et ne connaissant que le profit va libérer le sarcophage d'une antique princesse Égyptienne mortelle : Ahmanet (Sofia Boutella), qui a fait de lui son Élu... pour faire (re)venir sur Terre Seth, le Dieu de la Mort!
Imposée par celui qui s'est retrouvé du jour au lendemain réalisateur du film (Alex Kurtzman, producteur voire scénariste de nombreux blockbusters hollywoodiens comme les reboots de « Star Trek » ou le diptyque « Insaisissables » et ce projet de « Momie », mais réalisateur plus ou moins débutant après le dramatique « People like us » en 2012), après qu'il ait rencontrée la mortelle bodyguard dépourvue de jambes de « Kingsman » (2015), l'actrice et danseuse de hip-hop franco-algérienne Sofia Boutella hérite, donc, de la lourde tache de devoir succéder à un grand nom comme Boris Karloff (qui incarna la momie en titre du film de Karl Freund en 1932) et prendre la suite d'Arnold Vosloo, qui poursuivit de ses pouvoirs le héros Rick O'Connell incarné par Brendan Fraser dans la précédente trilogie évoquée.
Mettant ses talents de danseuse urbaine aux services des chorégraphies orchestrées par Wade Eastwood (l'un des collaborateurs réguliers de Tom Cruise sur ces derniers films d'action) et Don Thai Theerathada (athlétique étoile talentueuse du cinéma thaï chargée de tout ce qui concerne la motion capture -pour les différentes étapes de reconstitution et régénération de notre mortelle momie), et cette souplesse acquise après des années d'expériences pour donner corps, avec l'aide des effets spéciaux d'Alicia Davies (jeune coordinatrice s'étant fait remarqué sur de récents films Marvel), Dominic Tuohy (dont les talents animent discrètement de nombreux blockbusters depuis près de vingt ans) et leurs équipes, à cette momie qui va se régénérer tout au long du film... pour poursuivre un Tom Cruise (qui intègre le projet fin 2015, après s'être tâté pour incarner le nouveau « Van Helsing ») qui, au-delà de courir encore et toujours devant une tempête de sable (en plein Londres , cette fois), semble avoir apporté sa joie et sa bonne humeur sur les plateaux des studios Shepperton en Angleterre et en Namibie, Sofia Boutella confère à son personnage, selon le réalisateur, « une véritable humanité », qui devrait pousser les téléspectateurs (qui supporteront ces 110 minutes de buddy-movie et comédie adolescente horrifique et fantastique) à « s’attacher à elle : même quand elle fait des choses atroces, on sent bien que c’est quelqu’un qui nous ressemble beaucoup – quelqu’un qui a dépassé des limites que nous ne franchirions peut-être pas ».
Si, sur le papier, le script final du débutant ou presque Dylan Kussman, David Koepp (à qui l'on doit des « jurassiques » productions Amblin et autres transpositions de complots ésotériques Brown) et du réalisateur et scénariste Christopher McQuarrie (imposé par Tom Cruise, avec qui il a déjà collaboré comme réalisateur sur « Jack Reacher » et « M.I. : Rogue Nation ») de ce film allait aborder la complexité de la dualité des êtres, y intégrant à raison le personnage victorien du célèbre Dr. Henry Jekyll de Robert Louis Stevenson (en faisant désormais un nouvel « Universal Monster »), car parfois pour lutter contre un monstre, le monde a besoin d'un autre monstre, la réalisation finale (même aidée par un montage dynamique signé du célèbre monteur Paul Hirsch, épaulé pour l'une des premières fois de sa fille Gina, et d'Andrew Mondshein, monteur imposé par... Tom Cruise, selon de persistantes rumeurs) d'Alex Kurtzman, ne distinguant guère ce produit estival d'un autre blockbuster décérébré et simplement divertissant, n'apportera rien de plus au projet. Au contraire : peut-être n'importe qui d'autres aux commandes de ce projet ambitieux et attendu aurait pu lui y apporter une touche plus personnelle, non sans peut-être jouer un peu plus sur le coté sombre de celui-ci plutôt que d'en faire une comédie testostéronée un brin prévisible.
Et de se demander ce qu'aurait donné le film si le jeune Californien « plein de sagesse » Len Wiseman, avec son passé artistique issu des effets spéciaux et son amour des films de genre en plus de son habitude d’œuvrer sur des remakes (« Total Recall » et « Hawaii 5-0 »), en avait gardé le contrôle plutôt que de se tourner vers la production TV : « Lucifer » et le projet « Sin City »...
Vendu (à grands coups de billets verts : 100 millions de dollars promotionnels!) sur la présence dans un nouveau film d'action tonitruant de la star Tom Cruise, qui est connu au sein d'Hollywood et de son public pour rechercher encore et encore des séquences incroyables témoignant plus de son incroyable force et courage sportif que de ses talents d'acteur, mais sur qui le nombre des années semble n'avoir définitivement aucune prise, notre « Momie » est, donc, un de ces films monumentaux et explosifs de plus à la gloire de l'acteur du prétendu nain du cinéma (qui pourtant mesure tout de même 1m70... et à sauver tant de fois le monde de la destruction) !
Et si après de vieux débordements incompréhensibles et excessifs, voire hystériques et dans un état second sous d'étranges produits sectaires ou non mais surtout en public (le canapé de l'animatrice Oprah Winfrey s'en souvient) -qui lui coûtèrent sa place il y a douze ans au sein de la Paramount (Sumner Redstone, le PDG à l'époque, n'hésitant pas à congédier un tel trublion quitte à condamner la carrière de l'enfant chéri d'Hollywood qui tout le monde aime à détester et critiquer malgré ses succès aux box-offices), alors que la major peinait à prolonger la saga « Mission : Impossible » malgré le succès récent du troisième volet (songeant même à Brad Pitt pour en reprendre la direction avant d'introduire le personnage de Jeremy Renner comme alter-ego de Cruise et potentiel successeur remplaçant)- mais que intelligemment guidé et conscient de ses excès, l'acteur a su faire oublier (ainsi que son envahissante appartenance à l’Église de Scientologie) pour savoir se réinventer et remettre en avant l’acteur (qui, que l'on soit fan ou pas, reste, doit-on le reconnaître, miraculeusement, une légende increvable et solide dans un univers où la jeunesse prime sur l'expérience et l'âge afférant) plutôt que l'homme, après un passage successfull chez MGM, et redevenir fréquentable. Ou presque.
Fort de ses nombreux et récents succès (« Rogue Nation », « Ghost Protocol ») et se sachant plus que bankable, quelque soit la réputation qui assombrit sa légende « cinématografric », l'ex-enfant maudit, connu pour son caractère perfectionniste, accepte à l'écran de se voir malmené et passer du téméraire Sergent Morton sans scrupules et attiré uniquement par des perspectives de contrebandes illégales, entraînant malgré lui dans son sillage son side-kick de Caporal Vail (Jake Johnson) dans son inconsciente aventure, à son tour et tout au long du film au statut de side-kick comique courant dans tous les sens aux cotés de l'archéologue Jenny Halsey (Annabelle Wallis) pour tenter de faire front au destin tragique qu'a envisagé pour lui notre momie (Sofia Boutella). Comme si de l'héroïque archéologue Steve Banning (Dick Foran) de cette B « Main de la momie » (dont vous pouvez retrouver une critique par ici) devenait son ami Babe Jensen (Wallace Ford) et non plus un véritable héros modelé à l'ancienne. Ou du moins une bonne partie du film...
Mais, sur le plateau et une fois que les langues acceptent de se délier, comme désigné coupable et responsable du fiasco de ce projet fondateur, l'acteur cinquantenaire aurait eu la mainmise et lourde sur de nombreux aspects de la production de cet étrange mix du « Loup-garou de Londres » (les comiques hallucinations de Cruise et apparitions de Johnson, sans chercher à vous spoiler quoique ce soit, ne pouvant que renvoyer au film de John Landis) et de films de zombies (les nombreux morts que fait se relever la princesse ressuscitée flirtant avec plus d'un héritier du regretté George A. Romero, Zack Snyder voire Jean Rollin -et Julian de Lasernal- avec un passage très « Lac des Morts-vivants ») sous la bannière et les bandelettes d'une trop célèbre momie (les attentifs fans de la trilogie initiée en 1999 pouvant y repérer un clin d’œil... dans la bibliothèque de Jekyll) pour, encore une fois, détourner le film initial en une ode à son active gloire et petite personne : exerçant une surveillance presque complète au niveau créatif (faisant réécrire le script initial pour réduire le temps de présence équivalant au sien de Sofia Boutella et vampiriser l'écran plus que son ancien personnage de Lestat de Lioncourt) et prenant toutes les responsabilités et d'autres casquettes que celle d'acteur principal, Tom Cruise aurait dicté la marche à suivre au réalisateur Alex Kurtzman, manquant d'expérience dans la réalisation de films aussi chers (que ce soit dans le choix des plans, les scènes d'action ou la direction esthétique du long-métrage), malgré ses opposition mais aidé par les différents mercenaires acquis à sa cause (McQuarrie et Mondshein) qu'il a stratégiquement imposés et disposés sur cet échiquier mercantile visant le non-échec commercial. Échec et mat ?
La légende noire de l'acteur -ou l'éternelle malédiction de cette momie de fiction- se poursuivant jusqu'à un contrôle toujours aussi excessif en post-production, délestant Universal du contrôle de son propre projet monumental, selon certains, et ce en ignorant si les choix narcissiques de Cruise amélioraient ce film qui a déjà connu maintes changements durant son développement infernal ou le transformait « en publicité à la gloire de la star » -celle-ci ayant même eu une vue, dit-on, sur la stratégie marketing du reboot, Tom Cruise maîtrisant la machine médiatique.. depuis l'incident médiatique du canapé d'Oprah qui manqua de lui coûter sa carrière.
Coupable désigné d'office ou non (et pourtant peu fan de l'acteur, je ne saurai que me faire avocat de ce diable de Jack de « Legend ») de l'échec du film -le studio Universal, en désaccord pourtant avec certains des choix de leur tête d'affiche, pouvant se sentir de fait coupable ou complice de celui-ci (puisque ayant adhéré et validé la vision de Tom Cruise)- sa « Momie » compte pourtant quelques sympathiques moments, dans ce scénario minimaliste voire prévisible (si l'on excepte quelques incohérences historiques et facilités scénaristiques pour les échanges entre personnages, etc), au suspense que les différents auteurs ont espéré savamment dosé, non sans lorgner un peu plus sur les derniers succès crypto-conspirationnistes et sociéto-occultes qui savent tout mais ne nous disent rien que du côté des héritiers maudits de Howard Carter voire de l'intrépide archéologue Indiana Jones (contrairement aux péripéties de Rick O'Connell) à base de secrets templiers (encore une fois): de magnifiques reconstitutions et constructions, forgées par les décors des équipes de la britannique Liz Griffiths (venue de la série culte « Dr Who »), Jille Azis (« Les Immortels » et cette « Dame en Noir 2 » évoquée plus haut)) et le téléaste Daniel Birt (« Spartacus ») en ce qui concerne cette Namibie transformée en Égypte antique et Irak, et les costumes de Penny Rose (qu'on ne présente plus après des années sur la saga des « Pirates des Caraïbes »), qui viennent appuyer ces apparitions hallucinatoires de Vail déjà évoquées ou la résurrection d'Ahmanet et sa première rencontre musclée avec son « setepa-i » de Nick dans l'abbaye de Waverley...
Série B super luxueuse (au budget de 125 millions de dollars), cette nouvelle version féminine 2017 de « La Momie » (l'un des plus célèbres monstres Universal, mal traité dans tant de versions et précédentes réécritures), qui devait être le film initiateur de toute une série de films fantastique reprenant toute la galerie de personnages cultes de la major, n'est finalement pas si éloigné de cette série de films de plus en plus fauchés opus après opus de l'« Universal Monster Club » qu'il m'a été donné de vous critiquer ici ou là sur ce site (« La Main de la Momie », « Le Retour de l'Homme-Invisible », etc, etc) et pourrait bien être un one-shot (quand on apprend que pour des questions économiques « La Fiancée de Frankenstein » de Bill Condon, qui devait suivre pour la Saint-Valentin 2019, est suspendue en pleine pré-production, renvoyant Javier Barden à d'autres projets s'il veut payer ses impôts, mais surtout que les deux producteurs Alex Kurtzman et Chris Morgan ont officiellement abandonné ce projet de Dark Universe) à la fin très ouverte qui devrait remplir vos après-midi en faisant office de simple divertissement.
On a vu pire. Mais, on a vu mieux aussi. Tant pis.