De retour à Paris après ses études, Georges Randa pense pouvoir épouser Charlotte, mais cette dernière a été promise à quelqu'un d'autre par son père. Dans un instant de folie, il se venge en dérobant les bijoux lors de la soirée de fiançailles. Commence alors pour Georges une carrière de voleur.
Issu de la haute bourgeoisie, Louis Malle a toujours, dans sa carrière, eut le cœur de mettre en nuances cette partie de la société que certains juges privilégiés. Non pas qu’il soit décidé à défendre corps et âme les privilèges de la bourgeoisie, car le réalisateur a, au contraire, besoin de mettre en nuances et parfois en lumière tous les paradoxes qui constituent cette société qui a tendance à s’enfermer sur elle-même. Avec « Le Voleur », le réalisateur va même un peu plus loin en plongeant le spectateur dans l’histoire d’un jeune homme spolié par les siens qui décident alors de récupérer son bien, mais va prendre goût au vol et devenir ainsi un voleur particulièrement au fait de son art.
Comme d’habitude avec Louis Malle, la reconstitution et la précision sont d’une importance capitale. Il puise d’abord dans son enfance, et dans les environnements qui l’ont construit pour pouvoir donner une texture bien particulière à son histoire, et notamment à celle de son voleur. En se basant sur un scénario qu’il a lui-même adapté de l’œuvre de Georges Darien, avec son coscénariste
Jean-Claude Carrière (Le Hussard sur le toit), Louis Malle décrit avec un cynisme évident les dessous de ces familles qui sont capables de se déchirer pour peu que les intérêts financiers de la famille soient préservés. Puis pour que la reconstitution soit la plus parfaite possible, il est allé se faire expliquer par les archives de la police les différentes techniques et matériels utilisés pour cambrioler à l’époque du film.
Car en fait toute l’intelligence de ce scénario, c’est de pouvoir déstructurer chaque membre de la famille, et lui donner une consonance différente de celle que tout un chacun peut avoir, et ainsi permettre aux spectateurs de comprendre à quel point l’argent peut retourner les sentiments, et faire naître une haine durable dans le cœur des membres qui la composent. Alors bien sûr, on peut toujours estimer que « Le Voleur » est une peinture sombre de la bourgeoisie française, mais Louis Malle va bien au-delà de cela, et parvient à y donner une certaine humanité et laisse au spectateur le mot de la fin quant à la destinée de son héros.
Pour incarner ses personnages, le réalisateur a fait appel à l’acteur le plus en vue du moment : Jean-Paul Belmondo (Le Marginal). L’acteur a déjà une carrière bien remplie, et à partager l’écran avec les grands monstres du cinéma de l’époque : Jean Gabin (Un singe en Hiver), Bourvil (Le Cerveau), Alain Delon (Borsalino), et c’est à ce titre qu’il se lance à chaque fois dans des expériences bien différentes. Ici l’acteur doit être plus modéré et propose une composition plus en retenue, plus sobre que ce qu’il a pu faire auparavant, et donne ainsi beaucoup plus de froideur au paradoxe qui habite son personnage et les acteurs qui l’entourent. Face à lui, une pléiade d’acteurs et d’actrice vient compléter le casting avec des prestations toutes plus précises les unes que les autres à l’instar de Julien Guiomar (Papy fait de la résistance), Marie Dubois (La Grande Vadrouille), Marlène Jobert (Les Mariés de l’an 2), ou encore Bernadette Lafont (Prête-moi ta main). Tous ces artistes viennent donner un sens à l’histoire et apportent à leurs personnages toute la fraîcheur et parfois la naïveté qui font l’ambiguïté de la bourgeoisie décrit par le réalisateur.
« Le Voleur » est certainement l’un des films les plus personnels de Louis Malle, et peut-être même le plus abouti tant le réalisateur plonge dans son passé, dans son enfance, pour dépeindre une bourgeoisie qui s’enferme dans des valeurs, dont le seul objectif est de faire prospérer les biens de la famille. Dans cette bourgeoisie on ne parle pas de sentiment, mais d’arrangement. Lorsque l’on parle d’un mariage, seul l’intérêt financier que cela rapporte est digne d’attention. On y voit ainsi des personnages, notamment l’oncle du héros, philosopher sur la propriété : « Ne mange pas tes ongles, si tu es vraiment attiré par les ongles manges ceux des autres. Tes ongles t’appartiennent, ils sont ta propriété et tu dois prendre soin de ta propriété ! » ou encore « les parents se sont fait cambrioler, ils se sont fait voler leurs bijoux, le mariage est annulé, car on ne peut pas s’associer à une famille qui n’a plus de bien ». Avec la ressortie de ce film de Louis Malle, difficile de ne pas avoir un regard critique et circonspect sur notre société actuelle.