Dans la soirée du 21 août 2015, le monde, sidéré, apprend qu'un attentat a été déjoué à bord du Thalys 9364 à destination de Paris. Une attaque évitée de justesse grâce à trois Américains qui voyageaient en Europe. Le film s'attache à leur parcours et revient sur la série d'événements improbables qui les ont amenés à se retrouver à bord de ce train. Tout au long de cette terrible épreuve, leur amitié est restée inébranlable. Une amitié d'une force inouïe qui leur a permis de sauver la vie des 500 passagers …
Pour se faire une idée et une bonne surtout de ce nouveau film du réalisateur de « Gran Torino », dernière œuvre réellement humaniste de Clint Eastwood, il faut revenir en arrière et s’imprégner de l’émotion suscitée par ce qui aurait pu être la première grosse attaque meurtrière de 2015 en France. En effet, ce jour là dans la Thalys 9364 à destination de Paris, un fou furieux se faisant passer pour un envoyé divin, avait décidé de tuer au hasard des voyageurs du train. Mais la conjonction des planètes en aura décidé autrement, puisque ce jour-là rien ne se passera comme prévu : Son arme s’enrayera et il se retrouvera confronté à trois jeunes américains, dont deux militaires, qui vont se jeter sur lui et le mettre hors d’état de nuire. Ils prendront, ensuite, avec l’aide d’autres voyageurs, (mais étonnamment pas un acteur français présent sur les lieux qui préférera entacher cette histoire plutôt que de l’agrandir !) soin d’un blessé jusqu’à l’arrivée des secours. Des héros comme nous n’en faisons plus si souvent que cela, et qui bénéficièrent de toute la reconnaissance de la nation, à juste titre, pour avoir évité un drame. Il était donc normal que le cinéma Hollywoodien s’y intéresse puisque les Américains vénèrent les héros.
Seulement voilà, aux vues des dernières positions de Clint Eastwood, le voir s’emparer de l’histoire ne peut que susciter l’inquiétude. Et le résultat se voit en deux parties, la première qui est la plus ratée, la plus pompeuse pour ne pas dire la plus affligeante. Puis la seconde centrée sur l’action dans le Thalys, qui reprend quasiment point par point les événements, et qui montre toute la virtuosité de la mise en scène d’Eastwood. Car ce dernier a décidé de filmer directement dans le train entre l’Allemagne et la France, notamment Arras, pour les scènes en gare.
Seulement, ce qui dérange dans « 15 :17 pour Paris », c’est encore et toujours le discours qui est tenu dans ce film. A commencer donc par cette première partie dans laquelle le réalisateur et Dorothy Blyskal, une ancienne assistante de production propulsée scénariste, nous raconte la rencontre des trois camarades sur les bancs de l’école. Avec une platitude désarmante, la scénariste et le réalisateur tentent de nous faire avaler des couleuvres, en nous montrant des gamins d’une dizaine d’années jouer à la guerre avec des reproduction d’armes de tous les calibres, comme si cela ne semblait choquer personne ! Cela voudrait donner une justification, suivant Eastwood et son équipe, à leur ambition d’intégrer l’armée, ou encore en leur faisant dire des phrases que personnes ne dirait à cette âge-là : « Moi ce que j’aime dans l’armée, c’est la solidarité qui nous unie ! », bien sûr les jeunes garçons parlent comme ça entre eux !!! Puis dans cette première partie, les trois compères vont visiter l’Europe, s’extasier devant le Colisée Romain, faire une ballade à Venise et faire connaissance avec…ben une américaine, les autres ne semblent pas digne de confiance, et se poser la question s’il faut aller à Paris ou non : « Parce qu’il parait que Paris ça craint ! ».
On aura donc très rapidement compris que le film ne fera pas dans l’intelligence scénaristique, qu’il ne va pas faire non plus dans la nuance, mais qu’il va alimenter une idéologie Eastwoodienne de fin de carrière qui consiste à valoriser ses idéologies protectionnistes et profiter d’un acte de bravoure pour aller cracher sur le reste du monde. Seulement, en se positionnant de cette manière, et en voulant, soi-disant rendre hommage à ses héros, il ne fait que leur manquer de respect puisqu’il les présente comme trois américains, un peu profond qui se sont retrouvé par hasard dans une histoire extraordinairement dramatique mais que la foi, Catholique bien sûr, et les valeurs des soldats américains, ont permis de sauver. Car, nous le savons tous, là où les américains sont allés faire la guerre, la paix s’est imposée durablement !
Heureusement, le film se sauve par sa deuxième partie dans laquelle, les événements du Thalys sont mis en scène, à la virgule prêt. On se plonge soudainement dans une réaction en chaîne qui a permis de sauver des centaines de passagers. Les trois hommes se retrouvent au cœur d’une histoire dont ils sortent magnifiques et grandioses, et qui montre une capacité de réaction hors norme. La mise en scène de Clint Eastwood se révèle, efficace, proche des personnages pour mieux imprégner le spectateur, des plans serrés qui ne laissent rien au hasard et créent un malaise un peu claustro-phobique pour mieux retranscrire ce qu’ont pu vivre les voyageurs dans ce train lancé à 300 km/h.
On finit avec la distribution qui est certainement la meilleure idée de tout le film. Celle d’avoir proposé aux trois jeunes hommes, ainsi qu’à un autre couple : Isabelle et Mark Moogalian (La victime du tueur et sa femme) d’interpréter leur propre rôle. Les garçons s’en sortent excellemment bien. Et même si parfois le jeu est mal aisé, la fraîcheur avec laquelle ils communiquent leurs sentiments donne une tonalité intéressante à l’ensemble.
En conclusion, « Le 15h17 Pour Paris » se voulait un hommage aux héros du Thalys, il se révèle être une œuvre insultante, à la fois pour ces personnages hors du commun, mais également envers des victimes d’attentats et des nations qui luttent contre le terrorisme en ayant conscience que la libre circulation des armes est un drame pour les générations, et certainement pas l'or dont sont fait les héros. Clint Eastwood se perd dans un discours partisan et ne parvient jamais, dans la première partie à intéresser le spectateur ou en tout cas à rendre aux héros ce qu’ils sont vraiment. Heureusement la deuxième partie vient relever le niveau, puisque l’on y voit les trois Américains maîtriser le tueur. On finira avec la conclusion, du film sur l’hommage à l’Elysée, dans laquelle le réalisateur a voulu utiliser les images d’archives en faisant un raccord « mise en scène », immonde dans lequel, il n’a même pas pu trouver un acteur qui soit raccord physiquement avec le président français de l’époque. Un film à fuir donc, où à voir pour comprendre comment un immense réalisateur américain peut se perdre dans des idéologies partisanes de bas étages.