David Locke est un reporter américain basé en Afrique. Un jour où il se rend à son hôtel, il découvre le corps sans vie d'un homme lui ressemblant étrangement dans la chambre voisine. Il décide de lui prendre son identité et de vivre une nouvelle vie qu'il espère plus passionnante, ce qui l'amènera à rencontrer une mystérieuse femme qui semble aussi perdue que lui. Ce qu'il ne sait pas, c'est que le cadavre dont il a pris l'identité était un espion au service d'un groupe terroriste...
Réalisateur de film majeur tels que « Blow Up » ou encore « La nuit », Michelangelo Antonioni réalisa en 1975, « Profession Reporter », un film qu’il jugea comme le plus abouti. Notamment parce le maitre Italien s’est offert le luxe d’une narration proche du documentaire et un visuel assumé lavé de toute superficialité pour garder le ton du reportage sur ce personnage qui travers les pays d’Afrique, alors en pleine instabilité en simple spectateur. Blasé et frustré le héros va profiter de sa ressemblance avec son voisin de chambre, pour lui subtiliser son identité et ainsi espérer une vie plus passionnante. A travers cette histoire d’usurpation d’identité et de frustration évidente, le réalisateur, aidé par ses scénaristes : Mark Peploe (Le Dernier Empereur) et Peter Wollen (Riddles of the Sphynx), va alors s’interroger sur le rapport entre l’individu et la société. En documentariste reconnu, le réalisateur va d’ailleurs pour cela utiliser des images d’archives qu’il va intégrer à son film pour mieux appuyer la texture narrative de son œuvre.
Lente et pourtant captivante autant que puissante, la narration de « Profession : Reporter » est certainement sa plus grande force. Presque linéaire elle laisse le spectateur maître de ses émotions tout en lui montrant des instants surprenant de violence comme l’exécution d’un prisonnier, qui fut longtemps censurée dans de nombreux pays. Cette rupture de ton vient en fait alimenter la réflexion où l’homme est témoin sans jamais être acteur de bouleversements géopolitique. Toujours soucieux de manipuler pour obtenir ce qui est caché, le héros est également frustré d’avoir été manipulé par ceux qu’il croyait prendre et en qui il avait tisser, semblait-il, un lien de confiance. Une situation qui l’amène à se projeter dans son propre miroir.
Ce qui reste le plus de « Profession : Reporter » c’est évidemment la forme utilisée, très proche du reportage et en même temps particulièrement inventive. A l’instar de cet incroyable plan séquence final de plus de 7 minutes dans lequel le réalisateur emmène le spectateur de la chambre de David, pour aller dans la cour en passant par les grilles fermées et revenir dans la pièce. Ce plan séquence qui suscita bien des questions à l’époque fut une prouesse technique d’une inventivité folle qui précédera un autre plan magnifiquement improvisé, celui-là, qui achèvera le film. Antonioni est un maitre dans l’art de la narration et dans l’utilisation de l’image pour susciter des sensations. Il inspira de nombreux cinéastes, comme David Fincher par exemple. « Profession : Reporter » vient confirmer à quel point le réalisateur pouvait utiliser l’image et se passer de dialogues ou d’effets en tout genre pour communiquer un point de vue ou une émotion.
Bien sûr, il serait injuste de parler de « Profession : Reporter » sans parler de Jack Nicholson, grande star du moment avec des films comme « Easy Rider » et « Chinatown » qui se livre, ici, à un numéro d’équilibriste saisissant, faisant de son personnage désabusé et froid, un être bourré de sensibilité. Le comédien joue sur une palette d’émotion impressionnante de u début à la fin du film. Face à lui, la sensation du « Dernier Tango à Paris » de Bernardo Bertolucci : Maria Schneider qui renforce son jeu de personnage lunaire et énigmatique avec une pureté enfantine, qui hypnotise aisément le spectateur.
Et pour finir l’éditeur nous permet de découvrir une nouvelle fois « Profession : Reporter ». Une œuvre remarquable de Michelangelo Antonioni, au scénario ciselé au plus juste et à la mise en scène à l’inventivité folle à l’instar du plan séquence final. La distribution est absolument renversante dans des compositions d’une précision d’orfèvre et prouve au monde entier à quel point Jack Nicholson n’est pas seulement une « gueule », mais également un acteur de génie et Maria Schneider, sortie du scandaleux succès de « Le dernier Tango à Paris » vient renforcer son jeu lunaire et énigmatique.