À la fin des années 1940, miss Daisy, une vieille dame juive vivant à Atlanta en Géorgie, institutrice à la retraite, se retrouve dans l'incapacité de conduire sa voiture sans l'endommager. Son fils, Boolie, patron d'une filature de coton, décide d'embaucher un chauffeur, malgré les réticences de sa mère. Son choix se porte sur Hoke, un homme noir chrétien d'une cinquantaine d'années, volontaire et sympathique. Néanmoins, Boolie prévient Hoke qu'il restera sous son autorité afin de lui éviter d'être congédié pour une raison futile par sa mère, une femme au caractère acariâtre. Au fil du temps, le chauffeur parvient à apprivoiser sa patronne, et c'est ainsi que va se tisser une amitié sincère qui durera 25 ans.
« Miss Daisy et son chauffeur » est un film attachant et touchant qui, en voulant dénoncer avec poésie le racisme dans les États du Sud des États Unis, n'a fait qu'exacerber les tensions avec la communauté afro américaine. Il suffit de poser la question au réalisateur Spike Lee pour comprendre l'ampleur du problème. En fait comme souvent dans les années 80 et 90, les films que Hollywood produit sur le sujet suscitent l'émotion, mais masquent une réalité bien présente : tous ces films sont écrit du point de vue des blancs et masquent plus ou moins volontairement la réalité de cette cohabitation faite de dominant et dominé.
Difficile à monter, cette adaptation du roman d’Alfred Uhry ne démérite pourtant pas. Bien au contraire ! Le scénario donne, certes un point de vue biaisé avec un évident parti pris, mais qui a le mérite de mettre ces blancs forcément riches et gentils, face à leurs propres paradoxes, comme notamment ces répliques régulières où Miss Daisy réfute son racisme latent mais ne peut s'empêcher d'agir en opposition avec ce chauffeur noir et ces serviteurs de couleurs qui gravitent autour d'elle dans son indifférence la plus totale. Avec le recul, le principal défaut du scénario réside dans le fait de réduire les qualités des serviteurs noirs à des taches réductrices. « Elle nous manque car elle savait faire cuire le poulet » disent les héros après la mort de la cuisinière noire. Le chauffeur est forcément un peu philosophe mais surtout analphabète.
Et pourtant difficile de ne pas se laisser porter par la bonne volonté du scénariste et de son réalisateur de vouloir porter une révolte sur la servitude à laquelle ont été contraint de nombreux afro-américains et ces relations distendues entre les blancs et leurs serviteurs. Le discours du film tente à montrer que les noirs méritent le respect et beaucoup plus de considération que ce que le monde leur offrait à l'époque durant laquelle se passe l'histoire mais également à celle où le film est sorti.
La grande réussite du film réside également dans la composition et dans la mise en scène. Morgan Freeman (Invictus), qui signe là son premier grand film apparaît grandiose et parvient à nuancer son jeu pour le rendre plus détaché et du coup plus présent. Face à lui l'actrice
Jessica Tendy (Beignets de Tomates vertes) plus habituée aux planches qu'à la toile se révèle magnifique en vieille femme revêche et faussement insensible. Associées à une mise en scène sobre et précise, les compositions des deux acteurs principaux viennent couronner un film, certes maladroit, mais qui a le mérite de nous émouvoir et de mettre en lumière ce décalage persistant entre les blancs et les noirs aux États Unis. Mais ne jouons pas les moralistes, ce film a le mérite de parler de ce sujet, l'Europe n'y parvient toujours pas !