Cancre invétéré, Ferris Bueller, convainc sa petite amie et son meilleur ami hypocondriaque (dont le père a une Ferrari) de sécher les cours pour aller passer la journée à Chicago. Pendant qu'ils font les 400 coups dans la grande ville, le proviseur et la sœur de Ferris tente, chacun de leurs côtés, de prouver aux parents que leur fils est un cancre et qu'il a séché.
Certains films marquent votre intellect, parce qu’ils répondent à des questions que vous vous posez ou simplement parce qu’il agit comme le miroir de ce que vous pouvez penser ou vivre. Ces films intègrent alors le grand panthéon des films cultes, notamment parce que les scénaristes ou les réalisateurs ont su poser, des mots, des expressions ou des images sur des maux ou sur des envies de liberté. John Hughes fait partie de ces réalisateurs qui ont inscrit leur nom dans ces légendes tout en restant, d’une certaine manière, anonyme dans la mémoire collective. Car si les titres « Breakfast Club », « Une créature de rêve », « Rose bonbon » ou encore et surtout : « La folle journée de Ferris Bueller » parlent au plus grand nombre, le nom du réalisateur ou scénariste sont souvent oublié.
Pourtant John Hughes fut certainement l’un des meilleurs peintres d’une jeunesse qui, dans les années 80, se rêvait d’une liberté sans limite, vivant les romances intensément, écoutant la musique sur des walkmans avec des écouteurs aux bonnets chamarrés, n’hésitant pas à s’émanciper de parents aveuglés de carrières ambitieuses ou simplement abreuvés d’une nouvelle forme d’éducation, moins strictes, moins rigoristes que celle qu’ils reçurent. Des parents que l’on efface innocemment de ses aventures, dans lesquelles transparaissent toutes les angoisses liées à la vie d’adulte qui approche, ce saut dans le vide que nous sommes tous amené à faire. Dans Breakfast Club, le réalisateur abordait les doutes et les angoisses des adolescents à travers une galerie de personnages tous différents et en même temps si complémentaires qui se retrouvaient dans une classe et s’échangeait leur douleur et leurs peurs. John Hughes mit des images et des mots sur ces questions existentielles, dont on parlait si peu à l’époque mais que les années 80 firent apparaître, non plus du regard des adultes, comme cela était le cas dans « La fureur de Vivre » de Nicholas Ray (1958), dans lequel le jeune en mal de vivre était présenté comme un délinquant, ingérable et caractériel, il les fit apparaître tels qu’ils étaient, des gosses livrés à eux-mêmes, gentils, ou rebelles, mais pas forcément violent, simplement des jeunes souffrant de l’absence des parents ou simplement traversant seuls des peines et des amours.
Rarement dans la caricature, John Hugues impose un style, une signature et initie une nouvelle représentation de la jeunesse qui sera suivi par bon nombre de réalisateurs comme : Robert Rabinowitz (Dirty Dancing), John G.Avildsen (Karaté Kid) et bien d’autres encore. Ici, chaque jeune peut s’identifier aux personnages créés par Hughes. Dans « La Folle Journée de Ferris Bueller », John Hughes fait rire avec les adultes, il inverse les rôles, et fait exploser les codes de la représentation familiale classique. Les adultes sont ridicules, ils sont drôles ou déconnectés alors que les jeunes sont audacieux, séduisant et donnent envie aux spectateurs. Mais si la première partie est hilarante avec un proviseurs, génialement interprété par
Jeffrey Jones (Sleepy Hollow : La légende du cavalier sans tête), qui court après Ferris Bueller et subit de nombreux outrages, ou encore la sœur Jean, interprétée par
Jennifer Grey, que toutes les filles connaissent pour son rôle de BB dans «
Dirty Dancing » qui mettra une redoutable raclée au proviseur, la deuxième partie se révélera beaucoup plus profonde, à travers le personnage de Cameron, composé par
Alan Ruck (Treize à la douzaine) qui amènera de manière surprenante et efficace tout ce mal être de cette génération d’enfants oubliés ou abandonnés aux profits de carrières et d’ambitions parentales.
En conclusion, « La Folle Journée de Ferris Bueller », transforma en star (éphémère !) le jeune Matthew Broderick (LadyHawk, la femme de la nuit), mais fut certainement l’œuvre la plus marquante avec « Breakfast Club » du réalisateur et scénariste John Hughes. A travers cette journée de liberté que s’offre ce génial cancre, Hughes appuie à nouveau sur les traumas d’une jeunesse qui se sent abandonnée et se prend de plein fouet les effets de la capitalisation d’une société en mutation. La comédie est un bijou d’humour et en même temps une peinture redoutablement acerbe. Film culte évident, « La Folle Journée de Ferris Bueller » surprend et séduit par un ton faussement léger.