Quand la plus vieille amie d’Elena Greco semble avoir disparu sans laisser de trace, cette femme férue de littérature décide d’écrire l’histoire de leur amitié. Sa rencontre avec Raffaella Cerullo, qu’elle a toujours surnommée Lila, remonte à leur première année d’école primaire en 1950. Une amitié de plus de 60 ans, avec pour toile de fond la dangereuse et fascinante ville de Naples, que le destin et les décennies tenteront de mettre à mal, alors que les deux amies finiront par prendre des chemins différents dans la vie.
Depuis plusieurs années, Canal + s'est lancé dans une stratégie de création de séries en nous livrant chaque fois des œuvres abouties, pointues et en même temps terriblement divertissante. Nous pouvons bien sûr citer : « Le bureau des légendes », « Guyane » ou encore « Versailles ». Avec « L’Amie Prodigieuse », la chaîne cryptée se lance dans l’adaptions d’un roman populaire avec une collaboration internationale. Savério Constanzo qui avait signé une œuvre remarquable aux Etats Unis : « Hungry Hearts » avec Adam Driver, est donc le chef d’orchestre de cette adaptation, qui se veut fidèle et en même temps plus linéaire que ne l’est le livre de la romancière. Ici donc, nous suivons les pas de deux amies radicalement opposées en caractère et pourtant si proche en détermination dans une campagne napolitaine, déjà gangrenée par la mafia, mais surtout balisée par les codes d’une vie orchestrée au millimètre par des parents soucieux de l’honneur et toujours sous pression du regard des autres. Les jeunes filles s’ouvrent à la vie, aiment, détestent, ont des rêves et des déceptions et doivent se libérer de l’emprise des parents.
Eléna Ferrante a participé à la rédaction d’un scénario qui privilégie les sentiments au sensationnalisme et si l’on perçoit dans chaque attitude ou dans chaque action une défiance permanente envers l’une des familles réputées pour être proche de la mafia, il n’en demeure pas moins sobre et se concentre sur les sentiments perturbées, amochées par les choix parentaux, par les stratégies d’union, ou simplement par l’éloignement. Mais, pas seulement, car, à travers le regard de ces jeunes filles, le scénario nous décrit le quotidien d’une petite bourgade Napolitaine, où chacun à son avis à donner, où tout le monde parle fort, se dispute, mais partage en permanence comme si le village devenait une grande famille indissociable dont seuls les jeunes rêvent de d’évader pour espérer une vie meilleure, pleine d’une situation professionnelle forte et stable. Alors que la religion est volontairement mise de côté par le scénario, il pose pourtant des personnages centraux au cœur de l’intrigue : les parents bien sûr qui tentent parfois vainement d’imposer leurs décisions par les cris ou par la violence, mais il y a surtout l’institutrice, dont la parole est prise très au sérieux et qui peut avoir une position décisive dans le destin des unes ou des autres.
Alors, si le scénario brille par une peinture fine et précise de cette société napolitaine coincée entre ruralité, traditionalisme et pression mafieuse, la réalisation, qui a pourtant soigné sa reconstitution ou s’amuse de certains éléments pour rendre plus poussiéreuse cette campagne et ces sentiments voilés d’une voile de poussière qui empêche la majorité de voir plus loin, elle pêche par une direction d’acteur un inexistante et une dynamique qui ne parvient jamais à trouver un véritable rythme de croisière. Les deux jeunes actrices principales, semblent pétrifiées dés lors qu’elles doivent aller un peu plus loin dans les sentiments contenus, les regards sont parfois vitreux et les mouvements un peu trop rigides, c’est particulièrement vrai chez Margherita Mazzucco, qui semble avoir beaucoup de difficultés avec ce corps. Et même si parfois elle laisse poindre une scène magnifique, notamment lorsque son personnage contient sa rage mais se laisse submerger par les larmes, nous la sentons un peu perdue dans cette entreprise qui la dépasse.
Pour conclure, Canal + nous a habitué depuis un plusieurs années déjà à suivre des séries de grande qualité qui ont la particularité d’être des créations originales. « L’Amie prodigieuse » est cette fois-ci, une adaptation d’un best-seller, qui plus est, une coproduction internationale avec HBO, notamment. Si le scénario nous entraîne dans une campagne napolitaine des années 50-60, la mise en scène souffre d’une direction d’acteur qui manque de soutien et ne les pousse pas assez loin.