Janvier 1969. Alors que Richard Nixon entame son mandat comme 37e président des États-Unis, une nouvelle décennie se profile. À l’hôtel l’El Royale, un établissement autrefois luxueux désormais aussi fatigué que ses clients, sept âmes aussi perdues les unes que les autres débarquent. Situé sur la frontière entre la Californie et le Nevada, l’El Royale promet la chaleur et la lumière du soleil à l’ouest, et l’espoir et les opportunités à l’est. Il incarne parfaitement le choc entre passé et présent. Autrefois, célébrités et personnalités politiques influentes s’y côtoyaient, au casino, au bar, à la piscine ou dans les suites somptueuses. Mais l’âge d’or du Royale est bel et bien révolu. Dans cet hôtel oublié des riches et des puissants depuis longtemps, un prêtre, une chanteuse de soul, un voyageur de commerce, une hippie et sa sœur, un homme énigmatique, et le gérant de l’hôtel vont se retrouver par hasard… ou pas. Au cours d’une nuit comme seul le destin sait les orchestrer, tous auront une dernière chance de se racheter, avant que l’enfer ne se déchaîne…
« Sale temps à l’Hôtel El Royale » fait partie de ces films qui soulèvent l’intérêt par une ambiance, une patine bien particulière. Très loin de rebuter le spectateur, le film se veut un hommage aux films noirs, à ces longs métrages d’un autre temps qui restent tout de même intemporels, dans lesquels chacun cache un secret plus ou moins avouable. Comme un millefeuille, « Sale temps à l’Hôtel El Royale » est avant tout un film choral, dans lequel chacun se découvre au fur et à mesure que l’intrigue se déroule. Le réalisateur Drew Goddard qui a également signé le scénario, impose un rythme presque « Blaxploitation », dans lequel la musique soul, orchestrée par Michael Giacchino (Spider-Man Homecoming) vient apposer sa chaleur autant que son inquiétante mélancolie. Interprétée par l’actrice Cynthia Erivo la musique est la garante d’une ambiance sombre qui colle parfaitement à l’univers du film. Sans se précipiter, en utilisant l’Hôtel comme personnage à part entière du film, le scénariste vient plonger le spectateur dans un monde où la brillance et la rutilance sont des éléments du passé. Cet établissement sembla avoir été construit pour une clientèle foisonnante, qui a finit par déserter les lieux et les laisse aux blessures du passé. Se croisent alors des âmes en errances : Un prêtre, une chanteuse, un réceptionniste traumatisé, un agent solitaire et une femme solitaire et déterminée.
A la fois décalée et précise, la mise en scène se révèle d’une grande efficacité, particulièrement dans sa scène d’ouverture où les personnages arrivent dans les lieux désertés et se font des échanges de politesse qui montrent une certaine gêne et une évidente détermination à cacher les raisons plus ou moins secrètes qui les ont poussés à poser leurs valises dans l’hôtel. On croirait du Tarantino, tant les répliques se succèdent dans une mise en scène faussement minimaliste, qui va enchaîner les idées simples et subtiles pour installer une ambiance et un rythme. Car c’est de cela dont il faut parler : Le Rythme ! L’hôtel et la musique sont effectivement des composantes majeures de la mise en scène et lui donne sa texture, son sens et son équilibrage. L’établissement est grand et déserté, il faut donc que les personnages donnent l’impression d’être noyés dans le décor, en revanche lorsqu’ils sont dans leur chambre, l’espace est plus restreint, plus confiné et les ramène obligatoirement aux lourds secrets qui les obsèdent. Quant à la musique, elle vient orchestrer l’ensemble pour mieux mettre en valeur les travellings, les traumas et les dialogues entre les personnages qui vont ainsi se succéder pour mieux servir l’intrigue.
Côté distribution, pas de grande surprise, les acteurs donnent le meilleur pour séduire ou rebuter le public. A commencer par
Jeff Bridges (Iron Man) en prêtre cachant un évident secret inavouable. A la fois inquiétant et touchant (Impossible de dire pourquoi sans spoiler le film !) l’acteur fait preuve d’une intuitivité toujours aussi marquante, à l’instar de
Jon Hamm (Mad Men), que l’on retrouvera bientôt dans « Top Gun : Maverick » et qui sait toujours avec autant de brio, passer de la douceur, de l’empathie à la menaçante manipulation d’un psychopathe. Et puis bien sûr impossible de ne pas parler de la prestation remarquable et risquée de
Cynthia Erivo (Les Veuves) qui enregistra sur le plateau les chansons qu’elle chante dans le film. Sa version de « You Can’t Hurry Love » de Phil Collins est déchirante de mélancolie.
En conclusion, « Sale Temps à l’Hôtel El Royale » est un film injustement boudé qui recèle bien des pépites de mise en scène et de mise en ambiance. Le scénario, inspiré de films noirs ou de films chorales impose une écriture toute en substance avec des personnages aux points communs évidents tout autant que leurs divergences. La mise en scène fait preuve de subtilité autant que la distribution.