Le décès de son père oblige un homme à reprendre l'entreprise familiale de prêts à la construction, qui permet aux plus déshérités de se loger. Il entre en conflit avec l'homme le plus riche de la ville, qui tente de ruiner ses efforts. Au moment où il approche de la victoire, il égare les 8 000 dollars qu'il devait déposer en banque. Le soir de Noël, désespéré, il songe au suicide. C'est alors que le Ciel dépêche à ses côtés un ange de seconde classe, qui pour gagner ses ailes devra l'aider à sortir de cette mauvaise passe...
Certains films ne sont pas des succès immédiats, mais parviennent avec le temps à trouver leur place dans le panthéon des films cultes. Multirediffusé à Noël, aux Etats-Unis, au point d’en devenir un indispensable, « La Vie est Belle » de Frank Capra, est un cas d’école à lui tout seul. D’abord parce que le film offre une vision idéale de la société à travers le regard de cet homme généreux, qui ne veut pas reprendre l’entreprise familiale, mais s’y voit contraint et va l’utiliser pour faire le bien autour de lui, jusqu’à douter de sa réelle utilité. Plusieurs scénaristes se sont succédé à l’écriture de ce film, dont le réalisateur lui-même, mais également un certain Dalton Trumbo qui, en plus d’être l’auteur de « Johnny Got His Gun » de Dalton Trumbo (1971) ou encore « Spartacus » de Stanley Kubrick (1960), fut également le symbole de cette « Chasse aux sorcières » qui toucha bon nombre d’auteurs, réalisateurs et acteurs et d’autres métiers du cinéma de 1947 à 1960. Une chasse aux sympathisants communistes honteuse dans l’histoire de ce pays et de cette microsphère hollywoodienne.
« La Vie est belle » brille d’abord par une mise en scène inventive, toute en subtilité, qui montre un réalisateur au plus haut niveau de son art. D’abord parce que ce dernier va utiliser des procédés pour mieux donner corps à sa vision de l’histoire, qu’il va faire construire le plus grand décor jamais construit pour un film à cette époque. C’est aussi le premier film de la société Liberty Films qui créa avec William Wyler (Ben-Hur) et George Stevens (Géant). Capra, rêvant de liberté et soucieux d’insuffler une vision, certes, humaniste de l’« American Way of Life » n’en oubliera pas pour autant les grands maux de la société américaine d’après-guerre, comme le manque d’ouverture des villes provinciales. Des villes où tout le monde se connait où les plus faibles sont les pions des plus riches, et où les plus idéalistes sont souvent les plus blessés. Capra et Trumbo livrent une œuvre tout en subtilité, puisqu’ils vont, sous couvert d’une histoire un peu naïve, apporter des éléments beaucoup plus sombres et beaucoup moins reluisants qu’il n’y parait. Comme le personnage principal, qui, malgré son humanisme, va sombrer dans la dépression, jusqu’à penser au suicide. Ou encore, cet homme riche, qui représente la sacro-sainte société capitaliste, qui ne soucie jamais de ses concitoyens et n’hésite pas à manipuler les autres pour obtenir ce qui lui échappe.
Et Capra trouve en James Stewart (Mr Smith au Sénat), un acteur à la hauteur de ses ambitions. Soucieux de privilégier, la prise de son en direct, conscient que son acteur principal excelle dans les premières prises, le réalisateur va faire modifier la technique de matière représentant la neige, qui jusqu’à ce film était fait de mais soufflé, mais avait un défaut majeur : celui de craquer. Les techniciens utiliseront alors un mélange avec du savon qui donne une illusion parfaite et permet de voir à quel point l’acteur principal est excellent. Le réalisateur va utiliser toute la palette de nuance de l’acteur pour donner à corps à sa mise en scène, qui va utiliser des techniques, reprises ensuite par d’autres grands réalisateurs, comme celle de l’acteur qui se jette au premier plan, que l’on pourra retrouver chez Spielberg dans « Les Aventuriers de l’arche perdue ». Ou encore, la ville de Bedford Falls, avec sa neige, des sapins et ses lumières, les rues animées et les sourires qui se retrouve opposée à Pottersville, lors de la dépression du personnage principal. Une bourgade sombre et désertique, où la noirceur vient faire écho à l’état d’esprit du héros.
En conclusion, « La Vie est Belle » est un chef d’œuvre de Frank Capra, qui trouva sa place pour les fêtes de Noël et devint culte en plus pour la qualité de son scénario et les idées remarquables de mise en scène qui donne à son œuvre une hauteur et une profondeur rarement atteinte dans le cinéma d’après-guerre.