M. Hire vit depuis des années dans le même appartement, ni pauvre ni riche. Il attend. Alice, qui loge dans un studio juste en face, se rend brusquement compte qu'il l'observe depuis des mois. Il sait tout d'elle et en tombe amoureux, alors qu'Alice est éprise d'Emile et prête a tout pour le protéger.
Nous sommes en 1989, Patrice Leconte, vient de sortir d’une première expérience de mise en scène d’une comédie dramatique, avec Jean Rochefort : « Tandem », il décide d’enfoncer le clou avec un drame, sur fond d’enquête policière : « Monsieur Hire ». Nouvelle adaptation du roman de Simenon : « Les fiançailles de Mr Hire », le réalisateur réalise ici un rêve de jeune cinéaste : Adapter la matière brute qui servit de base à l’un de ses films favoris : « Panique » de Jean Duvivier (1946). Mais voilà, Leconte, n’est pas un réalisateur comme les autres, il n’est pas très fan des films policiers, il n’apprécie pas ses codes et préfère explorer l’autre face du roman : L’Amour. Les sentiments qui rendent un être froid et distant en personnage touchant et émouvant.
Nous sommes en 1989, Michel Blanc est l’une des stars de la comédie française. 3 ans plus tôt, l’acteur avait fait sensation dans « Tenue de soirée » de Bertrand Blier, dans un rôle tout en subtilité et en nuance, qui flirtait avec les frontières du drame. Il confirmera ce virage artistique en interprétant un Monsieur Hire particulièrement réussit : Monolithique et inquiétant, mais surtout touchant et mouvant dans la seconde partie du film.
Car le film s’ouvre sur la découverte d’un cadavre, dont Monsieur Hire sera la principal suspect, le réalisateur, qui signe également le scénario avec son compère Patrick Dewolf (Tango) va s’intéresser à cette attirance que son héros éprouve pour sa jeune voisine, magnifiquement jouée par Sandrine Bonnaire (Sans Toit Ni Loi). Et cette rencontre qui va jouer au chat et à la souris, ce rapprochement qui semble inévitable jusqu’à la fin du film où le retournement de situation, s’avère finalement inévitable et va faire passer le personnage de Hire d’un côté à l’autre de la ligne. Toujours précis dans son écriture, comme dans sa mise en scène, Patrice Leconte, s’amuse à rendre lyrique cette dualité, cette attirance. Comme une valse sombre où les personnages s’attirent et de se blessent, il met l’enquête en second plan et suit son personnage dans sa douleur intime.
Côté mise en scène, Leconte, soigne ses effets, efface toute notion de temporalité pour que le public ne parvienne pas à situer l’action et se concentre sur les sentiments perturbés des uns et des autres. Il rend fade et sombre l’environnement de Hire et lumineux celui d’Alice pour mieux en contraste dans leurs existences. Il sait surprendre et prendre son temps pour mieux imprégner le spectateur.
Pour sa première incursion pleine et entière dans le drame, Patrice Leconte réalise avec « Monsieur Hire » un drame puissant tout en nuance, passionnant et subtile dans son écriture. Pour mieux toucher son public, il tourne autour des sentiments plutôt que de l’enquête, une façon pour de s’émanciper de son modèle : « Panique » de Julien Duvivier, qui, fidèle à lui-même et à sa réputation avait préféré l’enquête de police aux sentiments. Michel Blanc y est grandiose de précision et Sandrine Bonnaire séduisante à l’excès en étant si naturelle.