Abdel Ichah, seize ans est entre la vie et la mort, passé à tabac par un inspecteur de police lors d'un interrogatoire. Une émeute oppose les jeunes d'une cité HLM aux forces de l'ordre. Pour trois d'entre eux, ces heures vont marquer un tournant dans leur vie...
1995, la France est sous le choc d’un film qui va immédiatement rentrer dans le cercle fermé des films cultes. Son réalisateur, Mathieu Kassovitz, va devenir la nouvelle valeur à suivre. Seulement la déception sera à la hauteur de la personnalité complexe du metteur en scène, qui a su comme peu de réalisateurs et, aucun à l’époque, dépeindre une jeunesse de cité perdue entre révolte et résignation. Du coup, une question ne cesse de nous tarauder : Réalisateur géniale incompris ou inexplicable coup de maitre ?
La réponse ne sera bien évidemment pas dans cette chronique, mais il est une évidence, c’est que Mathieu Kassovitz n’a jamais réitérer ce tour de force, de dépeindre une situation avec autant de maitrise et de sensibilité froide, comme avec « La Haine » et même si la carrière du réalisateur brille de quelques beaux succès comme « Les Rivières Pourpres » en 2000 ou encore « Gothika » en 2003 avec Halle Berry, pour une carrière américaine qui lui laissera un goût amer, Kassovitz, ne retrouvera jamais la quasi perfection de « La Haine », ses réalisations resteront trop inégales pour convaincre totalement et son caractère bien trempé et mal contenu finiront de ternir son image.
Pourtant il y a tellement de bonnes idées dans « La Haine », au point de faire des émules comme en 1997 ; lorsque Jean François Richet (Mesrine L’instinct de Mort) réalisera avec beaucoup moins de finesse et de subtilité « Ma 6-T va crack-er » et souffrira de la comparaison avec le film de Kassovitz. Car « La Haine » que l’on doit resituer à son époque, celle où les gars de « Cité » n’ont justement pas le droit de citer. Le cinéma, les médias, et les politiques, surtout, leur tournent le dos et les laissent plonger dans l’oubli. Et puis parfois, il y a des visages, des tristes conclusions, qui font que la France porte un regard, souvent incrédule, presque inquisiteur, sur ces jeunes que le peuple a bien vite jugé et porté au pilori de la vindicte populaire.
Kassovitz va écrire et réaliser une œuvre coup de poing, puissante et bétonnée qui va donner la parole à ces jeunes abandonnés. Il va, sans faire de faux-pas caricaturaux, nous forcer à regarder la sale vérité, dans laquelle le racisme est le pire des quotidiens, car il s’imprègne dés lors que le nom résonne d’une origine lointaine, qu’une couleur de peau devient synonyme absurde de danger ou qu’une adresse pointe du doigt et laisser crever les préjugés. Mathieu Kassovitz a le courage de mettre la France face à ce qu’elle ne veut pas voir et la phrase : « Jusqu’ici tout va bien ! L’important ce n’est pas la chute… », va imprégner les spectateurs, ces jeunes vont devenir le symbole d’une injustice voilée parque que crasse.
Avec « La haine », le public découvre un Vincent Cassel (Hors-Norme) dans une mise en scène, évidemment inspirée de Scorsese. L’acteur rejoue De Niro dans une scène devenu culte, impose un jeu rempli de colère et de fureur. Hubert Koundé (The Constant Gardener) va s’imposer comme l’opposé de Cassel, et comme le symbole d’une jeunesse qui veut qu’on la reconnaisse pour ses valeurs, ses ambitions et non qu’on la discrimine odieusement pour une couleur de peau différente de la blancheur maladive. Et enfin Saïd Taghmaoui (Wonder Woman) avec son personnage de beau parleur et son côté inconscient et lumineux va s’ouvrir les portes d’une belle carrière internationale.
En conclusion, « La Haine » restera l’unique coup de génie de Mathieu Kassovitz, notamment parce qu’il signera là un film intelligemment écrit, militant, pour que cesse une discrimination honteuse de jeunes en errance. Un sujet fort associé à une mise en scène aux inspirations multiples et parfaitement maitrisée, où, la caméra à l’épaule, le réalisateur prend la France à Témoin. A voir et revoir !