Gabriel Dupon est un modeste représentant en boutons. Manuel Isamora est un audacieux cambrioleur. Leur point commun ? Ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Alors que la police confond les deux personnages, Isamora a l'idée d'utiliser Dupon comme alibi. Quant à ce dernier, il tombe bientôt amoureux de la fiancée du voleur, une sublime chanteuse de cabaret nommée Coraline...
Réalisateur de films de commandes, Jean Dréville n’en demeurait pas moins l’un des plus importants de son époque. Technicien émérite et amateur de la technologie, cinéma, il commença sa carrière dans le muet, puis amorça avec brio le parlant avec des films comme : « La ferme du Pendu » (1945) ou encore « Les Casse-pieds » (1948). Il suffit pour s’en convaincre de regarder ce « Copie Conforme », qui nous plonge dans une intrigue remarquablement écrite par un quatuor : Nino Frank (La vie de Bohème (1945)), Christiane Imbert (La Sorcière (1956)), Jacques Companéez (Folies Bergères (1956)) et, le plus connu de tous : Henri Jeanson, ancien journaliste du « Canard Enchaîné » et de « Cinémonde », qui signe les scénarii de plusieurs grands succès populaires du cinéma français, tels que « Fanfan la Tulipe » de Christian-Jaque (1952), « La Majordome » de Jean Delannoy (1965) ou encore « La Vache et le Prisonnier » d’Henri Verneuil (1959).
Technicien dans l’âme et grand amateur du cinéma et de toutes ses évolutions, Jean Dréville s’est forgé une réputation et la met ici en valeur avec cette œuvre remarquable, dans laquelle l’acteur principal, l’incroyable Louis Jouvet, au phrasé si particulier et que l’on avait pu découvrir dans « Dr Knock » de Guy Lefranc (1951) ou encore dans « Quai des Orfèvres » d’Henri-Georges Clouzot (1947), incarne deux personnages. L’un, un escroc, dont les méthodes sont dignes de « Fantômas » et d’ « Arsène Lupin », et l’autre un commercial en Boutons, simple et respectueux. Le réalisateur plonge littéralement le spectateur dans une intrigue qu’il va merveilleusement mettre en image, dans ce qui est l’un de ses plus belles réussites, tant le rythme y est soutenu et où les plans sont soignés, jusqu’à utiliser des effets spéciaux, primaires certes, mais remettons à l’époque, qui restaient audacieux.
Et c’est d’ailleurs, comme souvent à cette époque, où tout le cinéma s’inventait, où les plus audacieux faisait des merveilles, que la mise en scène de Jean Dréville prend tout son sens. En artiste inventif qu’il est, le réalisateur va s’amuser à multiplier les situations mêlant les deux Louis Jouvet pour pousser au maximum, les clés de la comédie policière, même si pour cela il faut faire l’impasse sur certaine cohérence. Tout cela n’a pas réellement d’importance tant que cela sert le rythme et permet à la comédie de prendre du volume, à la fois sur la dynamique mais également sur la narration qui se retrouve moins classique et tourne un peu moins dans le vide.
Injustement décrié par les réalisateurs de la Nouvelle Vague, Jean Dréville fait partie de ces réalisateurs qui ont donné un nouveau souffle au cinéma, après la fin du muet. Un Cinéma qui se laissait aller à filmer du théâtre sans chercher à lui donner du volume ou à le transcender. Réalisateur de commande, Dréville a eu à cœur de s’amuser avec la technologie et de donner au cinéma, quel que soit le genre, ses lettres de noblesses. « Copie Conforme » en est l’un des plus beaux exemples, avec une inventivité folle et la multiplication de plans qui permettent à son comédien principal : Louis Jouvet de faire preuve une nouvelle fois de son talent incomparable.