1969 en Virginie. Dans le cimetière d'Arlington, immense "jardin de pierre", Jackie Willow est inhumé avec quinze de ses camarades. Le sergent Hazard, présent à la cérémonie, retrace l'histoire personnelle de ce soldat qu'il a jadis chaperonné. Parti pour le Vietnam la tête pleine d'idéaux, le naïf Willow s'aperçoit avec désespoir que cette guerre n'aurait jamais dû avoir lieu.
Nous sommes à la fin des années 80, et le réalisateur Francis Ford Coppola se remet difficilement de l’échec de l’un de ses projets les ambitieux : « Coup de Cœur », une comédie musicale, qui devait être l’occasion, pour le réalisateur du « Parrain » (1972) et d’« Apocalypse Now » (1979), de révolutionner la manière de filmer. Notamment parce que Coppola veut s’inspirer de la TV des années 50-60 et tourner les scènes dans les conditions du direct, avec tout ce que cela implique de contrainte. Le réalisateur qui est également producteur à travers sa société de production : « American Zoetrope » est bien décidé à utiliser les grands plateaux qu’il vient d’acquérir à Los Angeles. Seulement voilà, de nombreuses contraintes vont venir contrecarrer ses plans, et d’un budget initial de 2 Millions, le film coutera finalement plus de 26 Millions de Dollars et n’en rapportera même pas 1.
Un échec Commercial, mais également critique qui va plonger le réalisateur dans une situation financière désastreuse, et pour tenter de sauver ce qu’il reste de sa société de production qui fera, malgré tout faillite, Francis Ford Coppola va accepter des films de commande. L’éditeur Carlotta a décidé de nous en proposer deux, dont « Jardins de Pierre », qui s’avère être l’antithèse de son chef d’œuvre « Apocalypse Now », car si ce dernier brillait par une mise en scène bruyante et dantesque avec les Hélicoptère qui volent aux rythmes de la « Chevauchée des Walkyries » de Wagner, que la guerre et ses effets sautent aux yeux des spectateurs médusés par une incarnation sombre et puissante de Marlon Brando, « Jardins de Pierre » surprend par son unité de lieu : le Cimetière d’Arlington et son Bataillon en arrière du conflit qui est chargé de rendre les honneurs à ceux morts sur le champ de batailles sanguinaire et brûlant que fut le Vietnam illustré dans « Apocalypse Now ». Ici la guerre y est présente en permanence mais on ne la verra jamais à l’écran, si ce n’est l’impact qu’elle a sur ces jeunes partis par milliers. Et, alors qu’« Apocalypse Now » nous mettait face à l’horreur avec des images chocs et des personnages dont la nonchalance pouvait parfois trancher avec l’horreur qui les entourait, dans « Jardins de Pierre », le principe est le même mais inversé, ici le choc réside dans le dualité de chacun et le calme de ce bataillon d’élite qui tranche avec l’horreur dont il sert de macabre conclusion.
Francis Ford Coppola signe ici, une œuvre qui fut un peu effacée par les mastodontes de l’époque que furent « Platoon » (1986) d’Oliver Stone et « Full Metal Jacket » (1987) de Stanley Kubrick, mais qui n’en demeure pas moins une synthèse de toute la grandeur du réalisateur, jouant entre l’intimisme et la grandeur. On y retrouve des inspirations du « Parrain » dont James Caan en fut l’un des principaux acteurs, puisqu’il y interprétait Sonny, le fils ainé de Don Corleone, Impulsif et colérique. Ici l’acteur, se révèle avec un jeu moins brutal, il intériorise beaucoup et porte toute la dualité de ce militaire qui sait toute l’horreur de la guerre et qui souffre de devoir enterrer tout ces jeunes hommes partant avec un idéal et ne revenant que rarement intacts. Face à lui James Earl Jones, Inoubliable voix de Mufasa dans « Le Roi Lion » de Roger Allers et Rob Minkoff, ou encore de Dark Vador dans « Star Wars » de Georges Lucas (1977) (D’ailleurs fermez les yeux, la sensation est renversante !), se lance dans une composition beaucoup moins sobre qu’à l’habitude. Ici, l’acteur est drôle, malicieux et d’une grande puissance émotionnelle. Et puis il y a évidemment D.B. Sweeney (Memphis Bell), ici dans son premier rôle qui captive avec son personnage de jeune homme ambitieux qui souhaite devenir officier et partir sur le front de cette guerre dont tout le monde parle, en bien comme en mal.
En conclusion « Jardin de Pierre » est un film qui fut écrasé par la concurrence mais qui synthétise tout le savoir faire de Coppola, pour ne pas dire tout le génie du réalisateur qui sait, comme bien peu, faire du grandiose autant avec de gros moyens qu’avec très peu. Ici le grandiose réside dans la façon dont le réalisateur va parler de la guerre sans jamais la montrer, et susciter tout autant d’émotions, sinon plus. Ce film est évidemment à voir d’urgence pour la qualité de sa mise en scène mais aussi pour la qualité de son interprétation.