De retour de l’armée, Hazel Motes retrouve sa maison familiale à l’abandon et décide de partir pour la ville afin d’y faire « des choses qu’il n’a encore jamais faites ». Il rencontre Asa Hawks, un prédicateur escroc qui se fait passer pour aveugle. Celui-ci est accompagné de sa fille Sabbath Lily, laquelle tente de séduire le jeune homme. Agacé par l’imposture et la foi pervertie des gens qu’il rencontre, Hazel décide de fonder un nouveau culte : l’Église sans Christ...
Le réalisateur John Huston, marqua le cinéma avec des œuvres comme « Le Faucon Maltais », qui participa à créer le mythe Bogart. Cinéaste précis et véritable technicien, Huston, se fit une réputation en adaptant avec précision des romans renommés. C’est d’ailleurs le cas avec « Au-dessous du Volcan » adaptation de l’œuvre éponyme culte de Malcom Lowry, ou encore ce « Wise Blood » de Flannery O'Connor, dans lequel l'auteur plonge le lecteur dans une Amérique profonde aux mains des prédicateurs.
Sur un scénario signé Michael et Benedict Fitzgerald (Waiting for the Barbarians), le réalisateur signe ici, une œuvre d’une modernité remarquable dans laquelle il se livre à un portrait sans concession de l’Amérique profonde, dont le discours est profondément ancré dans la religion. Adaptation, quasi à la page du roman de Flannery O’Connor : « La Sagesse dans le sang », « Le Malin » surprend d’abord par une intemporalité qui vient appuyer un discours sans concession de cette société à la merci de ses prédicateurs illuminés, bien souvent bonimenteurs, qui, au final finirent par accoucher d’un Donald Trump, bien des décennies plus tard.
Avec « Le Malin » c’est toute la mécanique visuelle de John Huston qui trouve un nouvel écrin. On y trouve son goût pour l’adaptation la plus fidèle possible, l’envie de ne pas forcément ancrer son propos dans une époque précise afin de la rendre la plus universelle possible et cette société peinte avec une sorte d’obsession du nature que ‘on souvent chez ce réalisateur. Ici son style est poussé au plus haut niveau pour plonger le spectateur dans une histoire où se succèdent toute sortes de personnages, tous plus illuminés les uns que les autres, avec des situations qui leur dont écho comme le nouveau culte que va créer Hazel : « L’église sans le Christ ». Jamais dans l’outrance, « Le Malin » se veut pourtant une peinture sans concession et d’une froideur implacable de ces dérives que peuvent connaitre l’Amérique encore maintenant.
Les fans du « Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson ou ceux de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » (1975) de Milos Forman, reconnaitront Brad Dourif, ici dans l’un de ses meilleurs rôle, toujours entre la folie et l’illumination , mais cette fois-ci avec une touche de sensibilité supplémentaire, puisque son personnage qui revient d’une guerre, dont il appartiendra à chacun de définir laquelle (Ce besoin d’intemporalité !), n’ayant plus de repère, décide d’aller à la ville pour y vivre des choses qu’il n’a jamais vécu et verra son destin radicalement changer après avoir démasqué un prêcheur véreux. L’acteur joue sur tous les tableaux avec une aisance saisissante.
Le réalisateur du « Faucon Maltais » (1941) s’impose ici, comme celui capable de regarder l’Amérique dans ses plus sombres aspects tout en l’aimant. Avec « Le Malin » il signe une œuvre d’une redoutable modernité tout en restant fidèle au roman dont elle est inspirée.