Pierre Lachenay, âgé d’une quarantaine d’années, est marié. Il habite le XVIème arrondissement de Paris avec sa femme Franca et leur petite fille Sabine. Au cours d’un voyage à Lisbonne où il donne une conférence sur Balzac, Pierre rencontre Nicole, une jeune hôtesse de l’air. Il la revoit à Paris et devient son amant.
Alors en préparation de son premier film en langue anglaise : « Fahrenheit 451 », François Truffaut se retrouve confronté aux aléas d’une adaptation difficile. Pour maintenir « à flot » sa société de production : « Les Films du Carrosse », le réalisateur va écrire une histoire autour de la relation sentimentale, dans la continuité de cette exploration artistique qu’il avait déjà amorcée avec « Jules et Jim » en 1961 et « L’amour à 20 ans » l’année suivante. Mais « La Peau Douce » va plutôt s’intéresser, cette fois-ci, à l’adultère, ce qui pousse un homme à se détourner de son épouse pour aller se jeter dans les ras d’une femme dont il vient de tomber éperdument amoureux.
En grand fan d’Alfred Hitchcock et en cinéphile averti, Truffaut va s’inspirer du maitre pour jouer avec les perspectives et pour utiliser les reflets comme ou les regards dans le rétroviseur pour accentuer le sentiment d’attraction ou de mystère. Truffaut va s’amuser à bousculer les règles établies ou à les utiliser pour porter son propos. Ainsi, comme le faisait si bien Orson Welles dans ses grandes heures, François Truffaut va utiliser les jeux d’ombres pour passer outre les contraintes économiques et visuelles. Comme le diner avant la conférence à Lisbonne, tout en contre lumière. En jouant sur le mouvement, qui vient subtilement modifier les perspectives, le réalisateur créé une ambiance particulière et subjective qui laisse libre court au spectateur, et vient par le même coup s’affranchir d’une contrainte de figuration.
Même chose dans les scènes intimes, que déteste le réalisateur, il va utiliser la lumière pour garder une certaine pudeur et un donner ainsi encore plus de sensualité et de mystère à cette relation naissante. En grand cinéaste qu’il est, Truffaut va jouer sur les vitesses, les silences et les regards pour mieux cerner son propos. Ainsi son personnage qui vit à cent à l’heure entre les avions, son bureau et sa maison, va se retrouver silencieux, presque lâche devant cette hôtesse de l’air dont il est tombe amoureux au premier regard. Avec un sens de la mise en scène et son envie de bousculer les codes, comme lorsqu’il filme la vitesse dans une voiture ou dans un avion, François Truffaut signe une œuvre simple et pourtant à la mise en scène complexe et maitrisée qui reste, à ce jour, l’une des plus belle de la filmographie du réalisateur.
Côté distribution, Jean Dessailly (Le Professionnel) impose une composition entre charisme imposé lors de ses relations avec les autres personnages du film et quasi-mutisme, manque de courage et timidité lorsqu’il se retrouve aux côtés de l’hôtesse. Pour cela il suffit de voir la scène de l’ascenseur, qui outre la mise en scène qui joue sur la notion de temps, montre toute l’étendue du comédien pour jouer sur les silences et les regards. Face à lui, et même si la presse fut particulièrement indélicate avec elle, lors de la présentation à Cannes du film, Françoise Dorléac (Les Demoiselles de Rochefort) joue l’innocente séduction et la passion comme rarement à cette époque. Elle trouve en François Truffaut, un réalisateur qui sait utiliser son talent pour la faire briller et la comédienne, avec un naturel désarmant, va imposer ses regards, ses sourires et son énergie pour faire fondre son partenaire.
En conclusion, « La Peau Douce » est un film écrit et réalisé dans l’urgence, dans lequel Truffaut filme l’amour comme un suspens, comme une relation qui met en danger autant les corps que les âmes. Avec une maitrise évidente de la mise en scène et une technicité parfaitement maitrisée, Truffaut sait diriger ses comédiens pour donner un sens à son propos. A découvrir absolument.