Le consul du Royaume-Uni à Florence, Sir Duncombe, vient de perdre son épouse. Il demande à Andrea, son fils aîné, de ne rien dire à son jeune frère Milo. Andrea, désespéré par la mort de sa mère, ne parviendra jamais à communiquer avec un père qui le croit insensible.
Réalisateur Italien prolifique des grandes années du cinéma transalpin, Luigi Comencini ne fut pas toujours reconnu à sa juste valeur. Notamment parce que cet insatiable touche à tout, fit perdre ses repères à un public et à une critique qui n'aimaient pas ces artistes insaisissables que l’on n’attendait jamais là où ils arrivaient. Dans l'âge d'or d'Hollywood, certains réalisateurs comme King Vidor (Duel au Soleil) subirent le même sort avant de connaître la reconnaissance bien des décennies plus tard. Pour Comencini, donc, même constat, le réalisateur s'attelait avec tout autant de brio, à la comédie, au drame ou au mélo, comme cela fut le cas avec « L'Incompris », mélodrame adapté d'un roman paru en 1869 de Florence Montgomery.
Très intéressé par l'enfance et la manière dont la société les traitait, Comencini trouva ici matière à compléter une filmographie déjà bien remplie de films sur le sujet comme : « Tu es mon fils » (1957), « Heidi » (1952) ou encore « Bambini in Citta » en 1942, son premier film sur le sujet. Dans « L'incompris », Comencini nous invite à suivre le destin d'Andréa, un jeune garçon qui vient de perdre sa maman et dont le père, un peu perdu, se perd dans ses jugements de valeur. Persuadé de la force et du manque de sentiment de son fils aîné, le père va se focaliser sur le petit dernier et ne pas se rendre compte de la détresse d'Andrea. Avec une intelligence et une maîtrise remarquable du sujet, Luigi Comencini et son équipe de scénaristes vont ciseler un mélo d'une remarquable justesse et jouer des apparences pour mieux laisser le spectateur se prendre au cœur, cette histoire déchirante, d'un enfant qui ne parvient pas à se retrouver après avoir perdu sa mère, maillon en apparence incassable dans son existence.
Jamais dans la surenchère, en tout cas pas avant la fin, le réalisateur va, au contraire, prendre une liberté par rapport au roman, en l’occurrence redessiner le personnage du père en le rendant moins antipathique que dans le roman. Ici, Sir Duncombe est aussi perdu que ses fils, et ne parvient pas à prendre la mesure jusqu’à la fin de la détresse de son fils aîné. La figure de la mère devient alors plus présente, au travers d’un tableau ou par le biais d’une voix enregistrée sur un magnétophone et le jeune garçon de chercher une personne à qui se raccrocher. Une détresse, une errance que le réalisateur met en scène avec brio, puisqu’il va nous amener à suivre le parcours de ces enfants, sans jamais appuyer le trait, simplement en montrant au détour d’une scène la personnalité des enfants, où leur désarroi comme lorsqu’Andréa sort de la douche et appelle sa mère, se rappelant soudain qu’elle est morte. Ou alors lorsque son petit frère Milo annonce froidement à son père qu’il sait que sa mère est morte.
Comencini saisit avec justesse et nuances toutes les particularités de l’enfance en fonction de l’âge. Celui que l’on croyait faible ne l’est finalement pas car il bénéficie de l’insouciance un peu froide que lui procure son âge, quand au plus âgé il doit apprendre à faire son deuil tout en étant confronté à la prise de conscience et à la prise de responsabilité. Oscillant constamment entre comédie Italienne et mélodrame, le réalisateur captive son audience par une mise en scène soignée qui passe, tantôt par le regard de l’enfant, tantôt par celui du père. L’ensemble aboutira à un final forcément sombre mais dans lequel le réalisateur utilisera toutes les subtilités de son art pour mettre en lumière les méandres de ces sentiments endeuillés.
En conclusion, « L’incompris » fut mal reçu lors de sa sortie en 1967, et particulièrement lors de sa présentation au festival de Cannes, notamment parce qu’il fut injustement accusé de n’être qu’un « Tire-Larmes ». Mais sa ressortie en 1978, lui permettra d’être jugé à sa juste valeur, à savoir un mélo subtile et merveilleusement mis en scène par l’un des plus grands maitres Italiens.