Kansas 1880. William Munny, redoutable hors-la-loi reconverti dans l'élevage va, à la demande d'un jeune tueur, reprendre du service pour venger une prostituée défigurée par un cow-boy sadique.
Après 3 Western en tant que réalisateur : « L’Homme des hautes Plaines » (1973), « Josey Wales Hors la loi » (1976) et « Pale Rider » (1985), et un nombre incalculable en tant qu’acteur, y compris la série « Rawhide », Clint Eastwood, à l’aube de ses 62 ans, décide en 1991, de réaliser l’adaptation d’un scénario signé David Webb Peoples (Blade Runner) après que l’option détenue, au départ par Francis Ford Coppola fut arrivée à expiration. Cette histoire d’un ancien tueur devenu éleveur de porcs qui va refaire surface pour venger des prostituées, lui offre la possibilité de prendre le public à contrepied, mais également de jeter un regard, nostalgique et parfois sévère sur une carrière portée par un genre qui, au final, ne glorifiait pas, forcément, les bonnes personnes.
Loin du film épique auquel nous pouvions nous attendre, Eastwood, filme un far west sombre, pluvieux et où la pauvreté, le sadisme et la violence sont omniprésents. Contrairement à ce qui se faisait dans le genre, le réalisateur pousse les curseurs, un cran au-dessus, en utilisant le cinémascope pour les grandes étendues, mais en contrejour, souvent à l’aube ou au crépuscule, comme pour mieux imager ce qu’est devenu le western à l‘orée des années 90, mais aussi pour mieux se concentrer sur les personnages et cette peinture radicale qu’il va proposer. Ici les hommes ne sont pas des enfants de cœur et ces fameux « Chasseurs de Primes », ne se révèlent finalement que des assassins, qui n’hésitent pas à tirer dans le dos pour obtenir un gain. Toutefois, le camp adverse n’est pas non plus en odeur de sainteté, puisque la lâcheté et la violence font surface dés que cela semble possible. Il y a le sheriff violent, le tenancier de saloon qui ne voit en ses prostituées que des revenus complémentaires, mais rarement des êtres humains, et bien sûr, le reste de la population qui se pose en spectateur de peur de ne pas être dans le bon camp.
Et puis il y a, bien sûr, les personnages principaux. A commencer par William Munny, dont Clint Eastwood s’est gardé le rôle. Un personnage qui permet à Eastwood de jouer un peu plus dans la nuance et notamment, pour la première d’utiliser son personnage pour jeter un regard parfois dur sur sa carrière et sur le genre qui le rendit célèbre. Une carrière où l’acteur incarna des héros qui n’en n’était finalement peut-être pas et n’ont peut-être pas à se glorifier de faits ou de pensées qu’ils ont pu avoir. C’est d’ailleurs le personnage de Little Bill Daggett qui va d’ailleurs jouer ce contre point narratif avec un charisme et une présence certes, mais également et surtout un goût pour la violence et la justice expéditive. Magnifiquement incarné par Gene Hackman (Mississipi Burning), ce personnage nécessitait un jeu subtil et puissant que l’acteur a su trouver.
Pour ce qu’il appelle « Le Dernier Western », Clint Eastwood livre un spectacle tout en contre-point tout en subtilité et en sévérité. Finit les petites villes ou la poussière vole sous les éperons des bootes des cow-boys, place à la pluie qui vient vous glacer le sang. Finit ce soleil écrasant qui donnait une lumière si particulière aux westerns, place aux contrejours, aux images plus ternes. Finit également la richesse des uns voici un western où la pauvreté est présente où la lutte pour la survie est de tous les camps. Et même les femmes trouvent, pour la première fois, une voix dans cette histoire généralement orchestrée par les hommes. Et si elles ne sont que des prostituées, elles restent la pierre angulaire de cette intrigue où les hommes apparaissent dans leurs blessures.