Makoto use de son charme pour se faire raccompagner chez elle par des quadragénaires lors de ses sorties nocturnes. Lorsqu’un soir, l’un d’entre eux tente de la ramener de force à son hôtel, l’arrivée de Kiyoshi, un étudiant délinquant, lui permet d’échapper au pire. Désormais attachés l’un à l’autre, Makoto et Kiyoshi entament une relation amoureuse ambigüe et troublée par les accès de violence de ce dernier….
Nagisa Oshima est certainement l’un des plus grands réalisateurs japonais. Dans les années 60, alors que la France voit débouler une bande de réalisateurs bien décidés à renouveler le cinéma et à lui faire perdre ses envies de classicisme pesant, d’après eux, du côté du soleil levant, la même révolution artistique se joue mais avec une tonalité différente. Si en France le mouvement vient de réalisateurs passés par le journalisme spécialisé et que tous se fréquentaient ou se connaissaient, au Japon les porte-drapeaux de cette révolution, ne se connaissent pas, ne se fréquentent pas et possèdent un style bien différent. Le mouvement va prendre de l’ampleur car, ces réalisateurs veulent aller plus loin, ils ont conscience que le cinéma Japonais est moribond, mais ils ne parviennent pas à l’accepter et sont déterminé à le faire briller mais en cassant les règles de narration classique. On en parle plus du passé, on se projette dans le présent et, pourquoi pas dans l’avenir. On ne parle plus des désastres passé en les incarnant en monstre, on parle de la vie présente, de la société et de ses errances.
C’est précisément là que Nagisa Oshima va imposer sa signature. Avec « Contes cruels de la jeunesse », il va attaquer de front, un thème qui sera la pierre angulaire de sa filmographie : L’errance de la jeunesse Japonaise d’après-guerre. Sur fond de violence et d’érotisme, il va peindre une jeunesse qui cherche à s’émanciper à trouver sa voie. Une jeunesse qui ne veut pas être enfermé dans la peur du passé, dans les traumas de cette guerre qui persisteront encore longtemps. La jeunesse Tokyo veut transgresser les règles pour mieux s’échapper, même si elle risque de se brûler les ailes. Comme il le fera en poussant chaque fois un peu plus les curseurs, Nagisa Oshima plonge ses personnages dans une confrontation inévitable. Ici, il s’agit de l’entourage. La violence est présente en permanence entre les deux héros, de la même manière, mais avec un raisonnement différent que dans « Furyo » que le réalisateur signera 23 ans plus tard et dans lequel on verra David Bowie (Labyrinthe) et Yugi Honma (Evil Dead Trap) s’opposer et s’attirer en même temps. Car chez Oshima, le désir et l’érotisme n’est jamais loin, il nous le prouvera avec son plus grand chef d’œuvre : « L’Empire des Sens » qu’il signera 16 ans plus tard.
Dans « Contes cruels de la jeunesse », ce qui surprend d’emblée, c’est effectivement que les deux personnages semblent amoureux mais que dans les premières secondes de leur relation la violence s’invite. Et comme si cela pouvait être normal, nous nous retrouvons face à une jeune fille, quasiment forcée de faire l’amour avec l’homme qu’elle désir, alors qu’elle n’en n’est pas encore sûr. Et cette tension permanente entre les deux personnages, Oshima, va la contrebalancer avec ces moments de tendresse et d’autres d’un quotidien fait de revendication et de larcins. Makoto et Kyoshi vont s’aimer et en même temps se détruire par opposition aux règles imposées par la société et par les ainés. Première incursion d’une jeunesse sans repère, presque désenchantée, Nagisa Oshima s’en fait le témoin et jette la colère de ces jeunes aux yeux du public.
Pourtant pudique dans sa mise en scène, « Contes cruels de la jeunesse » n’en dégage pas moins une grande sensualité et le réalisateur sait trouver le plan qui va susciter tout ce qu’il veut faire transparaitre à l’écran. Des petits cris lorsque la jeune fille est jetée dans l’eau par son petit ami, ce dernier qui croque violemment une pomme, pour illustrer son amour et sa colère. Tout est subtil et magnifiquement mise en scène par un réalisateur qui portera au plus haut le cinéma de son pays. « Contes Cruels de la jeunesse » est un film passionnant, radical dans sa représentation de la société japonaise de l’époque et dans l’érotisme qu’il en dégage.