Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l'enfant qu’elle a été forcée d'abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein « burn out », et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable.
Après la parenthèse remarquablement magnifique de « Au revoir là-Haut » l’adaptation réussit du roman éponyme de Pierre Lemaitre, Albert Dupontel revient à son style de comédie, avec une écriture de plus en plus fine, dans laquelle le réalisateur, souffle constamment les contrastes entre comédie et tragédie. Dans une ville fantasmée, Dupontel plonge ses personnages, toujours cabossés, toujours malmenés par la vie, par la société dans une spirale infernale d’événements qui ne les empêcheront pourtant pas de suivre leur quête, inexorablement.
Et le style d’Albert Dupontel de s’affiner dans une mise en scène soignée, qui joue sur les contrastes, sur les éclairages tout en plongée ou en surlignage, comme pour mieux faire apparaitre les défauts et les imperfections des uns et des autres. Avec une photographie qui n’est pas sans rappeler celle du duo Caro/Jeunet, le réalisateur qui est également à l’écriture, nous emmène une nouvelle fois dans un univers où la lourdeur bureaucratique, où la recherche d’identité ressemble à un parcours du combattant dont personne ne sort réellement indemne. Toujours aussi précis dans sa manière de filmer, le réalisateur ne se met plus au centre de l’histoire mais participe, à sa mesure, à la quête de son héroïne. Jamais dans l’outrance gratuite, toujours avec son mordant qui a fait la réputation de son cinéma, Dupontel signe, ici, une œuvre d’une grande maturité, et confirme au passage qu’il reste, même après plus de 25 ans de carrière en tant que réalisateur, qu’il est de ceux qui marqueront durablement le cinéma français dans son histoire.
Toujours dans la volonté de montrer ses acteurs sous un visage différent, d’en tirer le meilleur profit, Albert Dupontel a confié le rôle principal à Virginie Efira, qui, décidemment, ne cesse de briller de film en film. Elle qui avait commencé comme présentatrice TV, s’est fait une sérieuse renommée dans le cinéma hexagonale. Et depuis Garfield 2 (Tim Hill, 2005) qui l’a vu naitre en tant qu’actrice, la comédienne s’est épanouie et a su prendre des risques pour montrer à quel sa palette d‘émotion est large et sa technique maitrisée. Ici, Virginie Efira trouve un rôle à la hauteur de son talent et dans la directe lignée de la voie qu’elle s’est tracé avec la réalisatrice Justine Triet (Victoria (2016)). Elle passe rire aux larmes de la tension à l’émotion la plus pure avec une telle facilité que cela prouve à quel point le cinéma français devait faire se rencontrer les deux artistes. Pour compléter sa distribution, Dupontel a fait appel à Nicolas Marié, un acteur habitué du réalisateur, puisque, hormis « Au revoir, Là-Haut », le comédien fut toujours au rendez-vous dans la filmographie du metteur en scène. Son personnage agit comme un modérateur, il va par sa présence tirer le film vers la comédie ou, au contraire vers la tragédie.
En conclusion, « Adieu les cons » est, une nouvelle fois, une œuvre forte d’Albert Dupontel qui continue, inlassablement d’agrandir sa galerie de personnages cabossés et signe ici un film et un scénario d’une grande maturité et d’une très grande précision qui se joue constamment des limites entre la comédie et le drame.