À la fin de l’été 1930, deux corps sont repêchés au large du village d’Esperanza, en Espagne. Quelques mois plus tôt, la chanteuse américaine Pandora Reynolds enflammait les cœurs de tous les hommes de la région. Suite à un pari, elle se fiance avec Stephen Cameron, un pilote automobile britannique. Un soir, Pandora observe un yacht amarré dans la baie et décide de s’y rendre à la nage. Elle fait alors la rencontre de son propriétaire, Hendrick van der Zee, qui n’est autre que le Hollandais volant de la légende : un homme condamné à errer sur les océans pour l’éternité, jusqu’à ce qu’il trouve une femme prête à mourir pour lui...
Le Hollandais Volant est l'un des plus célèbres spectres de l'histoire maritime. Sa légende remonte au 17e siècle et parle d'un marin condamné à errer éternellement sur les mers sur son navire fantôme entouré d'un étrange halo rougeâtre, à moins qu'une femme n'accepte de mourir par amour pour lui. Plusieurs versions sont avancées concernant l'origine de cette malédiction : pour certains, le marin aurait passé un pacte avec le Diable et payerait ainsi le prix de sa richesse et de la rapidité de son bateau ; pour d'autres, c'est en prenant la mer un vendredi saint que le Hollandais Volant s'attira les foudres de Dieu ; enfin, la version la plus courante raconte le destin d'un marin qui, trop fier pour vouloir renoncer à affronter une terrible tempête, y survécut et s'attira la colère du Seigneur. Mythe ou réalité, Le Hollandais Volant aurait été aperçu à de nombreuses reprises à travers les siècles, condamnant à la mort le premier marin qui l'aperçoit...
C’est de ce mythe que le réalisateur Albert Lewin a décidé de s’emparer pour sa première œuvre en dehors de la MGM, le studio pour lequel il travaillait depuis longtemps. Un mythe au cœur de l’opéra de Wagner : « Le Vaisseau Fantôme » et dont le réalisateur va tirer une œuvre d’une modernité renversante. Empreint d’une certaine mélancolie, « Pandora » c’est avant la vision propre d’un réalisateur passionné par la littérature Européenne et la peinture surréaliste. Chaque plan peut se lire comme le fragment d’une toile qui se dessine devant nos yeux. A la fois grandiose et très auteuriste, « Pandora » c’est surtout la preuve qu’Albert Lewin, à qui l’on doit notamment : « Le portrait de Dorian Gray » en 1945, déjà une adaptation d’un auteur anglais : Oscar Wilde, et « Bel Ami » en 1947 d’après l’œuvre de Maupassant, filme magnifiquement bien et garde la littérature européenne comme essence de son œuvre. Précis, visionnaire et subtile dans sa réalisation Lewin ne ressemble à personne et cela se voit dans son œuvre.
Et pour donner corps à son rêve, à sa vision poétique du mythe du Hollandais Volant, le réalisateur a choisi deux monstres sacrés : Ava Gardner et James Mason. Les deux comédiens s’étaient déjà rencontrés sur « Ville Haute, Ville Basse » de Mervyn LeRoy en 1949. La comédienne, magnétique et sensuelle à souhait compose un personnage à la fois tendre et fort. Nous la suivons dans cette histoire comme hypnotisés, comme possédés par sa douceur et par sa force, un peu comme le sont les hommes du film et comme elle se retrouve captivée par Hendrick Van Der Zee, magnifiquement interprété par James Mason. L’acteur impose un jeu tout en minéralité et en séduction. Si le tournage ne fut pas de tout repos, pour l’actrice, notamment à cause de l’acteur Mario Cabré, qui joue le mari d’Ava, mais qui finit par confondre le rôle et la réalité.
« Pandora » est un film lunaire et sensuel que l’éditeur Carlotta nous propose de découvrir, ne serait-ce que pour profiter du premier film en couleur avec Ava Gardner. La mise en scène est somptueuse de poésie et les acteurs remarquables. Le réalisateur montre à la fois son savoir-faire et sa connaissance pointue de la littérature Européenne.