Chili, 1970. Si le pays est en pleine ébullition, Jaime est étouffé par le conservatisme ambiant. Par une nuit d’ivresse, il poignarde son meilleur ami dans un excès de folie passionnelle. Condamné à la prison, il devient l’objet sexuel d’un homme d’âge mur surnommé « L’Étalon », qui le prend sous son aile et en fait son protégé. Désormais appelé « Le Prince », Jaime va découvrir les affections, les loyautés, mais aussi les rapports de force qui se jouent derrière les barreaux…
Ancien Directeur artistique Sébastian Munoz réalise avec : « Le Prince » une première œuvre sombre et marquante sur l'histoire d'un jeune homme, au moment de l'élection du président Allende, envoyé dans une prison Chilienne, après un meurtre passionnel. Une histoire sombre dont il a également signé le scénario et qui pourrait agir comme une sorte de métaphore de l'esprit perturbé du jeune homme qui se laisse dévorer par sa passion, au point d'en devenir incontrôlable. Le scénario va nous dépeindre un environnement hostile où les hommes se séduisent et se dominent dans une spirale de sentiments contradictoires. Avec un style très cru et très inspiré des grands auteurs du contrecourant artistique comme Fassbinder par exemple, Sebastian Munoz choque et intrigue en même temps, sans jamais perdre de vue ses personnages et leurs paradoxes.
Avec une mise en scène particulièrement crue, qui ne se censure pas, pour mieux laisser passer les sentiments âpres et contradictoires qui viennent marquer les journées et les nuits de ces prisonniers. A travers son héros, le réalisateur nous entraine dans une spirale de scènes où le désir peut devenir animal et où la frontière entre le film dans ce qu’il a de plus classique et la pornographie n’est jamais très loin. Pour mieux créer une réaction chez le spectateur que ce soit répulsif ou attractif, Sebastian Munoz pousse ses acteurs au plus loin de leurs prestations pour mieux les ancrer dans une réalité qu’il veut crue et cruelle à l’écran. Mais le film ne se limite pas à ça, il ne va pas manquer de mettre de la poésie et de l’émotion, dans la recherche psychologique dans laquelle s’est lancé le héros de cette histoire où la passion est aussi dangereuse que les autres prisonniers, mais où elle change d’apparence pour peu qu’elle soit enfouie ou assumée. Jaime dans sa vie qui précédait la prison, se cherchait, ne s’avouait pas les choses, enfouissait son désir pour son ami au fond de son âme au point de s’en brûler lorsque le désir fut trop fort, mais lorsqu’il se retrouve en prison sous la protection de « L’Etalon », il va apprendre à jouer de son corps du désir qu’il suscite pour mieux se trouver et s’élever.
La mise en scène de Sebastian Munoz, n’est pas sans rappeler celle de Fassbinder (Querelle), lorsqu’il aborde le désir suscité par Jaime, mais il prend également de la hauteur et pourrait même faire penser à Pasolini et à Derek Jarman dans cette façon si naturelle et parfois obsédante de mettre en scène le désir masculin dans ce qu’il a de plus cru et de plus moite lorsqu’elle pousse à l’obsession, comme lorsque Jaime regarde son ami faire l’amour à une jeune femme et qu’il laisse exploser son désir obsessionnel. La mise en scène de Munoz surprend et prend du volume lorsque les prisonniers se lancent dans une danse étouffante où les corps son collés les uns aux autres pour mieux laisser apparaître en son centre un Jaime qui semble naitre de cette danse comme s’il sortait une seconde fois du ventre de sa mère.
« Le Prince » de Sebastian Munoz est un premier film dérangeant, surprenant et hypnotisant par une esthétique volontairement crue qui réduit encore plus la frontière entre film classique et pornographie pour mieux provoquer des réactions chez le spectateur.