Un foreur de pétrole débarque à Marseille du fin fond de l’Oklahoma, pour soutenir sa fille qu’il connait à peine mais qui purge une peine de prison, accusée d’un crime qu’elle nie avoir commis. Confronté au barrage de la langue, aux différences culturelles et à un système juridique complexe, Bill met un point d’honneur à innocenter sa fille. Au cours de ce cheminement intime, il va se lier d’amitié avec une jeune femme du coin et sa petite fille tout en développant une conscience élargie de son appartenance au monde.
« Stillwater » est un film dont la genèse remonte à plus de 10 ans. Tom McCarthy avait été touché par un fait divers en 2007, dans lequel une jeune femme Amanda Knox, étudiante américaine, était condamnée en Italie pour le meurtre de sa co-locataire. Le réalisateur se lance alors dans l’écriture du scénario avec son complice Marcus Hinchey (Love & Secrets). A l’époque, déjà, l’action se situait à Marseille. Seulement voilà, le scénario ne donne pas satisfaction et McCarthy préfère le mettre de côté pour s’occuper d’un autre projet, beaucoup plus avancé celui-ci : « Spotlight ». Plusieurs années plus tard, le réalisateur reprendra le scénario. L’époque a changée, de l’ère Obama, nous sommes passés à Trump, changement de décors sociétal, changement de regard, forcément ! Du coup le réalisateur va aborder différemment son histoire et va faire appel à deux scénaristes français, rompus à l’exercice : Thomas Bidegain (Un Prophète) et Noé Debré (Le Prince Oublié).
A partir de là le projet est lancé et Tom McCarthy peut se concentrer sur la direction qu’il veut donner à son film les thèmes qu’il veut aborder. Et c’est là toute la force de « Stillwater » que de confronter deux mondes qui se connaissent mais ne se comprennent pas forcément. Deux mondes, deux idéologies et deux manières de fonctionner. Les Américains, conservateurs, attachés à la foi et adeptes de la justice soi-même, et les Européens faits de leur meltin’pot sociaux culturels, parfois électrons libres et englués dans des procédures parfois contre productives. Heureusement, le réalisateurs et ses co-scénaristes parviennent à éviter les caricatures du genre : Un Américain avec un Stetson et une arme sous la main et une Française avec son camembert et sa baguette. Ici, les auteurs ont voulu être au plus proche de la réalité, avec des personnages ciselés au plus proche, qui soient un reflet de la société dans laquelle ils évoluent. Bill Baker (Matt Damon) est un Foreur de Pétrole, rugueux, austère, et pratiquant. Virginie (Camille Cottin) est une actrice, libre et en même temps dépassée par l’éducation de sa fille et sa propre vie. Deux personnages différents, qui n’ont pas grand-chose en commun, mais qui vont apprendre à se connaître et à s’aider.
Et c’est d’ailleurs toute la force de la mise en scène de McCarthy que de ne pas aller dans les chemin balisés d’Hollywood. Ici, Bill n’est pas un justicier, il est un homme, père de famille absent qui veut se racheter en étant présent pour sa fille, dont il est sûr de l’innocence. Et pour cela il va chercher, provoquer et chuter souvent face à une ville dont il ne comprend pas toujours les codes de fonctionnement. Virginie n’est pas, également, un Française classique, elle cherche également un équilibre dans une vie qui ne lui fait pas de cadeau, mais n’est pas non plus une fille à la dérive. Au contraire, son énergie et son rayonnement la font avancer et capter l’attention. Mais le troisième personnage important que le réalisateur va mettre en avant, c’est bien évidemment la ville de Marseille elle-même, dans son désordre, dans sa violence, mais également dans sa beauté chaude et parfois glaciale. Le réalisateur américain passe aisément des quartiers nord aux calanques sans aucune forme de supercherie visuelle.
Même la distribution a su se lover dans le moule imposé par le réalisateur. Ainsi, Matt Damon (Le Mans 66) qui a passé du temps avec des Roughneck, surnom donné aux Foreur de Pétrole, parvient à ne pas imposer son statut de star et se laisse prendre la vedette par la ville et ses environs ainsi que par une petite fille, bien à l’aise dans l’exercice. Lilou Siauvaud (Une si longue nuit) est rayonnante et impose un jeu simple mais remarquable. Et puis il y a évidemment, Camille Cottin (Dix Pour cent) très à l’aise face à la star américaine et à une équipe franco-américaine qui, à l’image de l’actrice a sur trouver ses marques et imposer son style de jeu.