Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il a de grandes espérances et veut se forger un destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions.
« Illusions perdues », triptyque littéraire d’Honoré de Balzac est l’une des œuvres majeures de l’auteur une œuvre qu’il écrivit assez rapidement suite à une pression de son éditeur. Composé de trois romans : « Les Deux poètes », « Un grand homme de province à Paris » et « Les Souffrances de l’Inventeur », qui viennent s’insérer dans son étude de mœurs de « La Condition Humaine ». Dans ce triptyque, l’auteur dépeint une société en pleine mutation avec un œil aiguisé qui parfois peut s’avérer sarcastique également.
Xavier Giannoli est un réalisateur qui a su imposer sa signature à travers des films marquants comme « Les Corps Impatients » en 2003, avec Laura Smet, « Marguerite » en 2015 avec Catherine Frot, un film inspiré de la milliardaire Florence Foster Jenkins. Depuis ces études de Lettres durant lesquelles il découvrit ce roman de Balzac, le réalisateur souhaite pouvoir mettre en image cette histoire dans laquelle un jeune homme plein d’ambitions et de rêves cherche à trouver sa place dans un monde fermé où souvent l’apparence est meneuse de toutes les perfidies. Comme une sorte de symphonie musicale et visuelle l’œuvre de Balzac, un auteur à l’écriture visuelle, remarquable, un souci de l’écriture qui force le détail pour mieux laisser apparaitre l’image.
Comme il le dit lui-même, Xavier Giannoli a commencé à voir se construire le film dans son esprit en écoutant une œuvre de Bach. Car comme une symphonie, l’œuvre Balzac se compose souvent de mélange des émotions, des corps également avec des personnages qui s’entrecroisent, se jaugent et se frôlent. Basé sur le deuxième roman qui forme le triptyque : « Un Grand Homme de Province à Paris », le plus long et certainement le plus musical, « Illusions Perdues » est un film qui voit se mêler des personnages dans une sorte de danse de séduction et de défiance permanence, dans laquelle l’ambition, le rêve et parfois même l’usurpation n’hésite pas à toucher le vice et où chaque coup bas va venir percuter les personnages pour le pire et parfois le meilleur. Avec une mise en scène soignée et un goût de l’image qui va pouvoir apporter une profondeur et une patine à l’image par l’utilisation de focales spécifiques, le réalisateur s’offre quelques libertés dans l’œuvre de Balzac pour mieux en tirer le meilleur. Jamais statique, il pousse ses personnages à toucher les extrémités de leurs sentiments, tente d’être moins moqueur ou punitif que l’auteur lui-même en créant des personnages plus en nuances ou en en créant un qui soit une synthèse de trois présents dans le livre.
Précis et jamais dans la mauvaise peinture, Xavier Giannoli soigne ses plans et son montage pour ne pas sombrer dans une caricature de l’œuvre Balzacienne. Il équilibre constamment son propos en faisant se confronter ses personnages et en soignant sa reconstitution des mœurs de l’époque. Pour cela il va s’octroyer les services d’excellents comédiens, à commencer par Benjamin Voisin (Eté 85). Le jeune comédien ne cesse de faire progresser son parcours artistique avec des prestations toujours aussi nuancée et en même temps aussi naturellement fluide. Avec une sorte de facilité désarmante le comédien campe un personnage tout en dualité entre l’ambition, l’innocence et la détermination. La distribution se complète avec des comédiens au meilleur de leur forme comme Vincent Lacoste (Lolo) et Gérard Depardieu (Mammouth).
En conclusion, « Illusions Perdues » est une adaptation somptueuse et précise d’une des œuvres majeures de Balzac. Le réalisateur Xavier Giannoli pose ses caméras dans un Paris de la Restauration reconstitué avec précision et avec grandeur. La distribution porte haut les couleurs de ces personnages complexes et subtiles qui ont forgé l’œuvre de Balzac. Une Pluie de Césars méritées : Meilleur Film, Meilleur Acteur dans un second rôle, Meilleur jeune espoir Masculin, Meilleure Photographie, Meilleurs costumes, Meilleurs décors, Meilleurs Adaptation et Meilleurs Réalisation.