D’après le roman d’Annie Ernaux.
France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi. Les examens approchent, son ventre s’arrondit.
4 Nominations aux Césars et une récompense : César du meilleure jeune espoir féminin pour la comédienne Anamaria Vartolomei, Lion d’Or à Venise, le parcours de ce nouveau film de la réalisatrice de « Mais vous êtes fous », Audrey Diwan qui s’est également fait connaitre avec des scénarii tels que « Bac Nord » (2021) ou « La French » (2014) de Cédric Jimenez, est, d’une certaine, la preuve que le film ne laisse personne indifférent. Notamment pare que l’histoire que la réalisatrice a signé en s’inspirant du roman autobiographie d’Annie Ernaux publiée en 2000. A travers son adaptation, la réalisatrice a voulu mettre en lumière ce rapport au corps, la souffrance toujours perceptible par ces jeunes femmes qui ont dû subir cette intervention, clandestine, pour l’époque afin de pouvoir rester maitresse de leur corps et de leur destin. Avec une véritable empathie et une volonté partisane assumée, la réalisatrice et sa co-scénariste Marcia Romano (Suprêmes) plonge le spectateur dans une peinture sans concession, mais pas forcément dans une caricature ou dans un cliché de ce que furent ces avortements clandestins, ou la vie de ces jeunes filles soumises à la pression d’une société patriarcale. Après s’être entretenu avec l’auteur du roman, la réalisatrice à pu percevoir toute cette douleur qui, bien des années après reste tellement présente et tellement pesante.
D’ailleurs la mise en scène d’Audrey Diwan s’empêche toutes formes d’esthétisme superflus pour coller au plus prêt aux personnages et particulièrement à Anne dont on voit les bouleversements, les combats intérieurs qui la mène à faire des choix. Chacun des personnages secondaires qui graviteront autour d’elle, vont avoir un impact plus ou moins important, mais vont assurément participer à la peinture d’une société qui ne laissait pas de grandes ouvertures pour des jeunes femmes si ne cherchaient qu’à étudier, désirer, aimer, en un seul mot vivre, tout en préparant un avenir et en étant les propres maitresses de leurs corps. Des décisions, aux conséquences parfois, pour ne pas dire souvent, dramatiques. En se posant sur une reconstitution fine de l’époque, la réalisatrice parvient à nous plonger dans ces années 60, où tout semblait possible, où l’insouciance portait la jeunesse, une envie de se sortir du poids des traditions et des règles imposées par les anciens et acceptées faussement docilement par des femmes d’autres générations à qui l’on n’avait pas laissé le choix. Avec des scènes parfois difficiles et d’autres plus.
Bien sûr l’évènement c’est également la prestation de la jeune Anamaria Vartolomei, découverte dans « My Little Princess » d’Eva Ionesco aux côtés d’Isabelle Huppert en 2011. La comédienne impose un style tout en force et en fragilité qui colle évidemment au personnage pour lui donner toute cette fraicheur et cette douleur intérieur que l’on peut lire sur son visage à mesure que l’histoire se déroule sous nos yeux. Face à elle, étonnamment, les autres personnages peuvent apparaître anecdotique, alors qu’ils sont les pierres angulaires de la peinture sociale que l’on peut suivre à travers le parcours de la jeune étudiante. Comme le professeur Bornec impeccablement interprété par Pio Marmaï (Compagnons), décidemment incontournable, ou encore, Gabrielle la mère qui voit Sandrine Bonnaire (Rouge Sang) dans un rôle plus discret mais tout aussi fort ou encore Jean, l’ami joué par un surprenant Kacey Mottet-Klein (Comme des Rois).