Mutique et solitaire, William Tell, ancien militaire devenu joueur de poker, sillonne les casinos, fuyant un passé qui le hante. Il croise alors la route de Cirk, jeune homme instable obsédé par l’idée de se venger d’un haut gradé avec qui Tell a eu autrefois des démêlés.
Le réalisateur d’« American Gigolo » (1980) avec Richard Gere et « La Sentinelle » (2014) avec Nicolas Cage, revient avec un film qui tourne encore autour de la culpabilité, de la recherche de rédemption et de solitude. Presque devenu une marque de fabrique à part entière, ces thèmes souvent développés par Paul Schrader sont mis encore plus en lumière ici, par un scénario qu’il a lui-même signé en trainant dans des casinos pour observer le mécanisme des joueurs addicts. Dans un style qui ne cherche nullement à faire de l’esbrouffe ou du voyeurisme de bas étage, le réalisateur cherche à surprendre et à faire réfléchir. Pour ce dernier objectif, il va mettre en parallèle l’addiction et la solitude de son personnage avec l’horreur de son passé dans la prison d’Abou Ghraib, à torturer les prisonniers.
Pour surprendre le spectateur visuellement, Paul Schrader a laissé carte blanche à son directeur de la photographie, Alexander Dynan (Sur le Chemin de la rédemption), qui lui-même s’est approché de Ben Schwartz, un technicien spécialisé en image Numérique dont la collaboration avait permis a des amateurs de VR de se glisser dans la peau d’Arthur Ashe, un joueur de tennis dans les années 60. Ce principe de caméra subjective, donne une sensation assez étrange qui renforce encore plus le sentiment de gêne fac aux actes du héros et de ses coéquipiers. Visuellement surprenant, au point de parfois dérouter, voilà exactement le but recherché par le réalisateur qui avec « The Card Counter » pousse encore plus loin la carte de la solitude de ses héros et de leurs besoins de rédemption. Lui qui s’était fait la main en signant le scénario de « Taxi Driver » pour Martin Scorsese par exemple, continue après toutes ces années à explorer et à sonder l’âme humaine.
Mais voilà, au bout de toutes ces années, est ce que le réalisateur peut encore surprendre ? As t il encore quelque chose à nous dire ? Peut-il encore nous surprendre ou nous provoquer des sensations inédites ? Du côté de nous surprendre, le réalisateur y parvient effectivement avec ses prises de vues pour retranscrire cette atmosphère douloureusement suspendue de la prison d’Abou Ghraib. Seulement voilà, comme Oliver Stone, ou même Terrence Malick d’une certaine manière, le réalisateur à pris de l’âge et n’a pas changé de style, ou tout du moins s’est laissé englué dans un style qui finit par le cannibaliser à la longue. Du coup, le résultat de ce « Card Counter » est très en dessous de ce que l’on pouvait. Avec une mise en scène et une dynamique trop lente, le film se trouve comme en lévitation, sans que l’on sache toutefois où veut nous emmener le réalisateur. Du coup le spectateur reste sur le carreau et ne parvient pas à reprendre le train en marche ou a se passionner plus que de raison.
Malgré tout, il tout de même bon de souligner la prestation d’Oscar Isaac (MoonKnight), qui parvient à créer un personnage en suspens, qui ne parvient pas à effacer son passé et cherche une rédemption. L’acteur est tout en intériorité et en discrétion pour laisser le mal transpirer. Tye Sheridan (The Tender Bar) continue d’imposer un jeu froid et énigmatique, un peu comme un Paul Dano et nous offre une prestation toujours impeccable. Seule l’actrice de la série « The Afterparty », Tiffany Haddish semble sous utilisée. Cette actrice au fort potentiel, semble enfermé dans un rôle qui ne lui laisse que très peu de liberté pour exprimer son talent.