Suite à la mort de son épouse, Haji Amou, un commerçant traditionaliste, patriarcal et corrompu, projette de se débarrasser de sa belle-fille, Petite Dame, héritière en titre de la fortune et de la belle maison luxueuse dans laquelle ils vivent. Cette femme émancipée et moderne est paralysée et ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Pour faire face au complot fomenté par son beau-père, elle se fait aider par sa servante, ignorant que celle-ci joue sur les deux tableaux...
Réalisé en 1976 et présenté au Festival du film de Téhéran la même année, le film de Mohammad Reza Aslani fut jugé trop avant-gardiste et trop intellectuel, ce qui le freina d’emblée dans son exploitation. Et c’est en 1979, que le couperet tombe avec l’arrivée de la république Islamique, le film est tout simplement interdit par un contenu jugé non Islamique. Les bobines déclarées perdues, il faudra attendre 45 ans et le travail acharné de « The Film Foundation », « La Cinetica di Bologna » et « L’image Retrouvée » pour que le film, retrouvé par hasard sur une brocante par la propre fille du réalisateur, puisse être enfin visionné par le plus grand nombre à travers le monde.
Et c’est une chance, car « L’Echiquier du vent » est une véritable merveille de mise en scène et une photo instantanée d’une société patriarcale et corrompue qui cherche, par tous les moyens, les lois allant dans leur sens, pour spolier les femmes, à plus forte raison lorsque celle-ci sont à la tête d’une immense fortune qui suscite bien des envies. Ici le réalisateur nous entraine dans un thriller qui ne porte pas vraiment son nom, mais qui en est un pourtant puisqu’il va suivre les pas d’une jeune femme paralysée qui doit se battre contre les infamies d’un homme prêt à tout pour mettre la main sur sa fortune. Mais loin de vouloir faire un film linéaire, le réalisateur, qui a également signé le scénario, nous expose toutes les formes de corruptions qui peuvent amener à l’acharnement dont est victime « Petite Dame ». Avec une écriture fine et parfaitement ciselée, Mohammad Reza Aslani, qui est également un immense poète et grand théoricien nous livre une œuvre qui se veut avant tout, une satire de la société Iranienne et de ses dérives. A travers ses personnages il livre ici une peinture sans concession dans laquelle, chacun tente de tirer son épingle du jeu san se soucier le moins du monde des conséquences sur les autres.
Avec une mise en scène sobre, qui pousse le curseur très loin en utilisant les éclairages et les effets de profondeur pour mieux appuyer les actions qui se déroulent devant nous, le réalisateur fait preuve d’un sens de l’esthétisme remarquable. On y voit ainsi, une « Petit Dame » très solitaire dans une pièce immense lorsqu’elle se retrouve dans sa chambre et que chacun valse autour d’elle. A l’inverse les espaces se font plus resserrés et les éclairages plus sombres, lorsque le beau-père Haji Amou lui met la pression afin de la faire flancher. Les dialogues sont acerbes et tranchants comme des lames de rasoir. A travers le destin de ces personnages, Mohammad Reza Aslani nous expose a quel point la corruption et l’avidité sont des armes couramment utilisées à son époque et à quel point les femmes qui en sont victimes doivent subir toutes les pressions possibles et trouver une force herculéenne pour s’en sortir dans dommage.
C’est une chance que de pouvoir découvrir enfin ce chef d’œuvre du cinéma Iranien, que l’on a longtemps cru perdu. « L’Echiquier du vent » de Mohammad Reza Aslani est un thriller implacable dans lequel se découvre une société Iranienne rongée par la corruption et par la cupidité.