Maire d’une ville du 93, Clémence livre avec Yazid, son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, une cité minée par l’insalubrité et les « marchands de sommeil ». Ce sera son dernier combat, avant de passer la main à la prochaine élection. Mais quand Clémence est approchée pour devenir ministre, son ambition remet en cause tous ses plans. Clémence peut-elle abandonner sa ville, ses proches, et renoncer à ses promesses…
L’exercice du film politique n’est pas simple, et il faut parfois adopter une tonalité ou une position allant dans le jugement, à la manière d’un Stéphane Brizé et de son cinéma militant ou d’un duo comme Eric Benzekri et Jean Baptiste Delafon avec leur série « Baron Noir ». Mais il est quelque fois bon d’aller sur un terrain moins structuré et de se focaliser sur les combats, l’abnégation de ces élus qui, sur le terrain ne cessent de tenter de trouver des solutions, de négocier ou de convaincre du bien fondé de leurs décisions. Ce n’est, bien évidemment, jamais facile, et cela implique parfois de faire des choix douloureux pour faire avancer le bien collectif.
Certains réalisateurs vont s’intéresser à la noirceur de ces négociations, ais parfois oublier l’idéologie, l’investissement de chaque jour, sans jamais compter ses heures ou ses jours. Thomas Kruithof, qui avait déjà fait ses preuves en 2017, avec « La mécanique de l’Ombre », un thriller puissant et efficace sur fond de manipulation. Ici, il a fait le choix de mettre en lumière le travail des élus, avec un parti pris, assumé, de discours positif, pour ne pas faire une énième œuvre sur la pourriture des politiques. Ici le réalisateur suit très justement le parcours de Clémence qui livre un combat sans merci, pour sauver un plan de réhabilitation de quartier. Comme souvent, dans ces combats de nombreux paramètres, viennent ici perturber les attentes des uns et des autres. Les marchands de sommeil qui profitent allègrement de la détresse de leurs locataires, mais également de la lenteur de certaines procédures pour s’engraisser allègrement. Les manipulations de couloirs au sommet de l’état où chacun se doit de courber l’échine pour pouvoir obtenir une écoute, mais où le plus malin et le plus stratège parvient à se faire entendre.
Avec une mise en scène qui n’hésite pas à privilégier une certaine dynamique, pour mieux illustrer ce combat permanent, le réalisateur signe une œuvre captivante sans temps mort qui nous ouvre un peu les yeux en allant en dessous des situations conventionnelles. Ici, la caméra n’appuie pas plus que de raison sur les effets d’ambiance pour séparer deux mondes, au contraire, elle se met au service de la narration et garde un certain équilibre et un certain naturalisme dans ses environnements comme dans ses ambiances. N’hésitant pas à utiliser les plans serrés pour mieux mettre en lumière les sentiments de ses personnages.
Et justement, la distribution est le point fort de ce film. Le duo que forment Isabelle Huppert (La Daronne) et Reda Kateb (Django) fonctionne à merveille. La comédienne n’est jamais aussi précise que lorsqu’elle incarne des personnages combattants et déterminés, avec un brin de manipulation. Quant au comédien il prend encore plus hauteur lorsqu’il se plonge dans une histoire où l’idéalisme et le regard vers les autres est le moteur de son personnage. Et même si on peut reprocher au réalisateur de laisser une certaine ambiguïté autour des relations entre Clémence et Yazid, qui vient un peu court-circuiter le propos, les acteurs parviennent à recentrer leurs jeux sur le combat que mène le duo.
En conclusion, « Les Promesses » de Thomas Kruithof aborde intelligemment le combat politique, en mettant en lumière le travail acharné et obsédant de ces élus, qui doivent constamment convaincre, agir, négocier et en même temps assumer une image souvent faussée par les désillusions des uns au profit de la collectivité. Des hommes et des femmes qui s’engagent pour la communauté, mais qui ne sont pas toujours reconnus, ou bien trop tard, pour ce qu’ils font.