Un riche industriel engage un détective privé pour enquêter sur le passé de sa femme. Se rendant à Ferrare, ville où Paola a vécu et fait ses études, l’homme apprend que sept ans auparavant, la jeune femme a aimé Guido, un modeste vendeur de voitures dont la fiancée s’est suicidée...
Cinématographiquement élevé au cinéma de Fellini (Le Cheik Blanc) et de Rossellini (Un Pilote Revient), pour lesquels il écrivit des scénarii au tout début de sa carrière, Michelangelo Antonioni (L’Avventura) est devenu en quelques temps l’un des maitres du cinéma italiens. Si les années 50 le firent rester un peu confidentiel, du moins sur la scène internationale, c’est dans les années 60, que le réalisateur va prendre toute sa hauteur, avec un style propre qui va l’éloigner du néoréalisme de ses pairs pour se concentrer plutôt sur la psychologie de ses personnages. Avec « L’Avventura », justement qui lui vaudra une polémique sur les marches de Cannes, mais lui offrira tout de même le Prix du Jury, et donc une porte grande ouverte sur la scène mondiale qui trouvera son apogée avec « Blow Up » en 1967, un drame redoutable dans lequel un jeune photographe arrogant est persuadé être témoin d’un meurtre, et permettra au réalisateur de repartir de Cannes avec La Palme d’or. Une consécration critique et publique puisque le film rapportera plus de 20 millions de Dollars au box-office.
Mais au début de tout cela, dés lors que Michelangelo Antonioni va se lancer dans la réalisation, il aura pour ambition de s’éloigner du Néoréalisme. Un mouvement né dés 1943 et qui se veut une opposition directe au style des téléphones blancs (Telefoni Bianchi) qui affichait une certaine légèreté de ton, le néoréalisme lui se fixant sur la peinture de la société. Mais voilà Antonioni s’intéresse plus à ses personnages même si ses œuvres conservent assurément un regard profond sur la société, cette dernière n’est plus le point central du propos, il reprend sa place d’origine : l’environnement de l’héroïne. Avec « Chronique d’un Amour », c’est ce à quoi va s’astreindre le réalisateur.
Pour son premier long métrage de fiction, lui qui fut formé à l’école de Fellini et de Rossellini, va d’emblée imposer sa signature. Il va peindre avec une sensibilité rare, dans le cinéma Italien, le parcours de Paola, jeune femme dont le mari cherche à connaitre le passé. Le détective privé engagé par le mari va alors découvrir que la jeune femme fut amoureuse de Guido, un vendeur de voiture qui cache un lourd passé. Une enquête qui a pour but de mettre en lumière les nuances et surtout les paradoxes de cette jeune femme dont la fragilité est apparente mais dont l’œil de la caméra d’Antonioni va présenter toutes les facettes. Jamais dans la simplicité, le réalisateur explore les sentiments, expose leurs complexités, leurs paradoxes et surtout défend l’idée que rien n’est linéaire dans notre monde, particulièrement lorsqu’il s’agit de sentiments.
Antonioni est maitre de son art et filme ses personnages à commencer par la jeune actrice débutante Lucia Bosé (Chronique d’une mort annoncée) avec beaucoup de soin pour mieux aller chercher un sens à son propos. Et « Chronique d’un Amour » se retrouve comme la plus belle introduction de la carrière d’un cinéaste qui deviendra l’une des figures majeures de son art. On y perçoit déjà tous les éléments qui feront l’œuvre du maître et qu’il va continuer d’explorer par la suite.