Kya, une petite fille abandonnée, a grandi seule dans les dangereux marécages de Caroline du Nord. Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur la « Fille des Marais » de Barkley Cove, isolant encore davantage la sensible et résiliente Kya de la communauté. Sa rencontre avec deux jeunes hommes de la ville lui ouvre un monde nouveau et effrayant ; mais lorsque l'un d'eux est retrouvé mort, toute la communauté la considère immédiatement comme la principale suspecte. A mesure que la vérité sur les événements se dessine, les réponses menacent de révéler les nombreux secrets enfouis dans les marécages.
Produite par Reese Witherspoon et réalisée par Olivia Newman, qui réalise ici son premier long métrage, après la série « Dare Me », cette adaptation du best-seller de Délia Owens, nous plonge dans une Amérique des années 60 puritaine et faussement bienveillante dans laquelle une jeune fille se retrouve seule à grandir dans la maison désertée par la mère suite aux violences du mari, puis abandonnée par le père violent. Une fois adolescente elle fait la rencontre de deux garçons aux tempéraments radicalement différents. Lorsque l'un d'eux est retrouvé mort, « la fille du marais » comme elle est surnommée par les habitants, se retrouve immédiatement sur le banc des accusés. Commencera alors le récit d'une vie hors du commun et surtout l'occasion de poser un regard sur cette société américaine qui ne laisse pas de place à la différence.
Et il y a beaucoup de bonnes choses dans « Là où chantent les écrevisses », d'abord un regard qui se fait par le prisme de la jeune fille, qui évolue, non pas comme une enfant sauvage, mais comme une jeune fille puis une jeune femme, déterminée à garder sa place, même si pour cela il faut accepter les ragots, les regards de travers, les murmures et la visite incessante des services sociaux. Elle ne peut compter que sur elle-même, et sur la bienveillance du seul couple afro-américain de la ville. Si le scénario peut parfois se perdre dans quelques traits trop appuyés, comme la différence flagrante entre les deux garçons, il arrive, avec intelligence à trouver les bons angles pour que le spectateur se pose les bonnes questions. Et, nous le savons, Reese Witherspoon aime produire des œuvres qui mettent en avant le combat incessant des femmes face aux nombreuses injustices dont elles sont victimes. Ici nous parlons des États-Unis, mais la France des années 60 n'était pas plus reluisante. Et le combat de cette jeune femme, même si le scénario le traite un peu sous l'angle de la romance, ne masque pas le fait que si Kya avait été un garçon, son destin eut été différent même si les quolibets eurent été les mêmes.
Avec un sens de la narration qu’elle semble maîtriser, Olivia Newman parvient à éviter, autant que faire se peut, les dangers du surplus de romance. Et si parfois sa mise en scène manque de finesse, notamment dans la direction qu’elle donne aux personnages, que ce soient les deux garçons ou le couple qui vient en aide secrètement à Kya, on a l’impression d’une posture un peu forcée, qui peut vite être contreproductive. Il n’en demeure pas moins que le film reste efficace et que l’histoire de cette jeune femme prend vite le spectateur par les sentiments et se laisse regarder avec beaucoup de plaisir. Les plans des marais, tournés en Nouvelle-Orléans et en Floride sont absolument remarquables et parfois apaisants comme cela l’est pour l’héroïne. L’auteure du roman, étant une zoologiste reconnue, elle a dû apprécier ce soin tout particulier apporté à l’image.
Côté distribution, l’actrice Daisy Edgar-Jones ( Sr Ordre de Dieu) sait parfaitement jouer entre la femme fragile et la femme forte et déterminée dans ses choix et dans ses pensées. Face à elle les acteurs Taylor John-Smith (Assiégés) qui trouve là un rôle un peu lisse, mais qu’il parvient à faire prendre un peu de hauteur par un jeu légèrement nuancé. Et Harris Dickinson (Maléfique 2) qui sort enfin de ses personnages de beaux gosses, ou de prince charmant et revient un peu plus vers les compositions de ses débuts comme dans « Beach rats » (2018) de Eliza Hitman avec une composition sur le fil du rasoir, même si nous aurions préféré un peu plus de subtilité dans la mise en scène.