A l'enterrement de Maria Vargas, sous la pluie, Harry Dawes se souvient... Engagé par le producteur Kirk Edwards pour réaliser un film, ils découvrent leur vedette un soir dans un cabaret de Madrid : Maria Vargas. La danseuse devient alors Maria Vargas, une star hollywoodienne adulée. Mais celle-ci se sent terriblement seule et rêve de rencontrer son prince charmant. Elle finit par le trouver sous les traits du conte Vincenzo Torlano-Favrini, un séduisant milliardaire. Ils se marient, mais Vincenzo cache un terrible secret...
Alors que les Etats-Unis sont en plein Maccarthysme et que le film sort juste après cette période sombre, le cinéaste Joseph L. Mankiewicz, l’homme qui sauvera la Fox du naufrage en sauvant « Cléopâtre » en 1963, se lance dans l’écriture d’un scénario qui a pour but de porter un regard parfois acerbe mais surtout désabusé sur le Hollywood de ces années qu’il traverse alors que Mankiewicz est président de la Directors Guild et qu’il doit faire face à la fronde à, la fois antisémite et surtout anti-communiste menée par des gens comme Cecil B. DeMille (Les 10 Commandements) ou encore John Wayne (Fort Alamo). Choqué mais surtout touché que des personnalités aussi influentes puissent décider de mettre au chômage des artistes ou des techniciens par une peur folle du communisme et une sorte de patriotisme nauséabond.
Avec « La Comtesse aux Pieds Nus », le réalisateur va peindre un Hollywood, prisonnier de sa propre autarcie, de ses propres peurs et gangréné par un mal dont on ne prononce pas encore le nom. Moins réussit que « Eve, « La comtesse aux Pieds Nus » n’en demeure pas moins une œuvre remarquable du réalisateur de « L’Aventure de Mme Muir », dans lequel il porte un regard sévère et sa mise en scène, un brin désabusée, sans jamais perdre de sa maitrise, montre un artiste profondément marqué par la situation vécue par Hollywood dans ce début des années 50, où lui-même fut la cible d’attaque de la part de ses pairs, alors qu’il était président de la Directors Guild, sorte de corporation réunissant tous les réalisateurs américains. Dans différentes interviews, il était d’ailleurs revenu sur ces faits et cela fait froid dans le dos, lorsque l’on sait l’admiration que Mankiewicz portait à Cecil B. DeMille Par exemple.
Il n’est pas étonnant d’ailleurs de découvrir à travers le personnage de Maria Vargas, incroyablement interprétée par Ava Gardner (Mogambo), une femme d’abord réticente puis attirée par les paillettes et les espoirs de la machine à rêve, mais qui va vite comprendre qu’elle peut être aussi une machine à détruire les être. Juste et éclatante l’actrice transcende son rôle de madrilène, forte et en même temps si fragile, et peaufine un peu plus son personnage de femme captivante. Face à elle Humphrey Bogart (Le Faucon maltais) dans le rôle de ce scénariste qui peut se voir comme le double de Mankiewcz de lui-même avec son regard parfois cynique et grinçant sur une industrie qui transformer les rêves en cauchemar. C’est évidemment le travail d’un artiste et la mise en scène d’un réalisateur majeur, dont la carrière est déjà longue et les combats déjà nombreux, même si le plus grand défi reste encore à venir. L’acteur quant à lui se pose en personnage à la fois sombre et charmeur, conscient et déterminé. Presque assez éloigné de son personnage de « Casablanca » de Michael Curtiz en 1942. Précis dans son jeu et parfois touchant, Bogart traverse le film et capte l’attention et forme avec l’actrice un couple touchant et marquant.
Joseph L. Mankiewicz joue avec « La Comtesse aux Pieds Nus » avec le temps, fait des allers et retours pour mieux imprégner sa mise en scène et mieux entrainer le spectateur dans une œuvre sombre où les points de vue se fragmentent pour mieux laisser transparaitre un regard plus cynique et plus sévère sur une industrie qui devait se sortir de cette paranoïa qui priva tellement de gens de travail et pour essayer, autant que faire se pouvait à l’époque de protéger ses artistes.