Deux hommes, nommés tous deux Gerry, traversent en voiture le désert californien vers une destination qui n'est connue que d'eux seuls. Persuadés d'atteindre bientôt leur but, les deux amis décident de terminer leur périple à pied. Mais Gerry et Gerry ne trouvent pas ce qu'ils sont venus chercher ; ils ne sont même plus capables de retrouver l'emplacement de leur voiture. C'est donc sans eau et sans nourriture qu'ils vont s'enfoncer plus profondément encore dans la brûlante Vallée de la Mort. Leur amitié sera mise à rude épreuve.
Gus Van Sant est un réalisateur atypique. Lui qui a commencé en étudiant le comportement de la jeunesse désœuvrée dans « Mala Noche »sorti en 1986 ou encore dans « My Own Private Idaho » en 1991, avec Keanu Reeves et River Phoenix, qui fut l’un de ses premiers grands succès public, fit un passage par la réalisation Hollywoodienne avec « Will Hunting » en 1997, sur un scénario de Ben Affleck et Matt Damon, et son remake plan par plan de « Psycho », l‘année suivante, puis revint à un cinéma plus intimiste et plus en réflexion sur cette jeunesse et les conséquences des actes des uns sur les autres, comme avec « Elephant » en 2003, qui revenait sur la tuerie de Columbine dans le Colorado et « Gerry » qui est le premier volet de cette réflexion sur le mal de la jeunesse aux Etats-Unis. Quatre films, dans une réflexion commencée avec « Gerry » en 2002, puis « Elephant », « Last Days » en 2005 et « Paranoïd Park » en 2007.
Quatre films qui se répondent et se complètent par des plans de fins repris dans le film suivant et ainsi de suite. Gus Van Sant, tisse une œuvre complexe et en même temps dure sur cette jeunesse qui traine dans les rues ou ne trouve rien pour canaliser la violence de son esprit, sinon le désœuvrement et la violence, comme dans « Elephant » et ces deux jeunes, un peu « Border » qui vont faire passer leur mal être dans une violence qui amènera au drame en conclusion. Après une parenthèse Hollywoodienne qui a vu le réalisateur s’ouvrir au public plus populaire avec des œuvres comme, « Will Hunting » en 1997, déjà sur un scénario de Matt Damon et Ben Affleck, en 1998, le remake plan par plan de « Psycho » d’Alfred Hitchcock, puis « A la rencontre de Forester » en 2000, le réalisateur revient à un cinéma plus intime et signe « Gerry », un film qui s’articule autour de deux personnages qui s’appellent tous les deux : Gerry et partent en ballade dans le désert mais s’y perdent. Le point de départ sera un fait divers que Matt Damon avait raconté au réalisateur et qui leur permit de se lancer dans une réflexion sur l’humain et particulièrement sur ces rapports entre ces jeunes adultes autour desquels s’articulent des liens d’amitié fort qu’une telle expérience pousse dans ses plus sombres retranchements.
Le réalisateur va suivre l’errance de ces jeunes hommes, qui a mesure, que l’intrigue va se dérouler, vont prendre conscience de ce qui est en train de leur arriver et de la difficulté de survivre. Mais beaucoup, diront que Gus Van Sant et ses deux comédiens ont poussé leurs réflexions au plus loin en créant deux personnages qui pourraient être une allégorie de la personnalité d’un seule et qu’à la fin du parcours un seul sort de ce désert, comme l’adolescent devient adulte. « Gerry » c’est aussi un terme qui signifie beaucoup de choses dans le langage populaire américain, ce peut être « Ducon », « Raté ». Un surnom qui englobe plein de gens que l’on juge bizarre, en marge. Van Sant s’est nourrit de la relation qu’entretenait les deux comédiens de son film pour en tirer cette réflexion qu’il va appuyer d’une réalisation faite de longs plans séquences qui vient renforcer cet aspect hors du temps et presque originel lorsque l’on est en Argentine ou dans le désert Californien.
Une chose est sûre, Gus Van Sant nous entraine dans un film remarquablement maitrisé, sensoriel dans lequel, les mots sont aussi importants que les sons et sont pourtant moins présents que le bruit des chaussures sur le sol aride ou celui des cailloux et des animaux qui peuplent cette grande étendue désertique. Bien plus qu’un simple film, « Gerry » est une sorte d’odyssée dans la psychologie humaine, où chacun trouvera les propres réponses à ses propres questions et pourra encore longtemps après le film s’interroger sur les ficelles et les pistes de réflexions des trois auteurs qui ont fait évoluer le film au fur et à mesure du tournage et de l’écriture. « Gerry » est un film majeur dans la carrière du réalisateur, même s’il fut compliqué à distribué aux Etats-Unis comme en Europe, où il fut remarqué et prit à sa juste valeur après le triomphe à Cannes d’ « Elephant », le film suivant de cette réflexion sur la jeunesse américaine.