Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.
Inspiré du livre de Tarita Tériipaia, la femme de Marlon Brando pendant 10 ans, « Pacifiction – Tourment sur les Iles » est un film qui amène la réflexion sur les habitants de la Polynésie et sur les relations parfois compliquées avec un état français qui considère, souvent, ce territoire d’Outre-Mer, comme un parent pauvre à qui l’on peut infliger mille sévices, comme des essais nucléaires dans l’atoll de Mururoa en 1995. Une situation, source de tension latente entre les politiques métropolitaines et ces habitants d’une région lointaine à la poésie viscérale et à la culture imprégnée de la terre qui les entoure et de la paix qui les habite. Avec un scénario qu’il a lui-même écrit avec Baptiste Pinteaux (Liberté), le réalisateur va alors mettre en lumière les rapports compliqués et surtout la présence parfois nocive des occidentaux qui vient perturber cette paix généralisée.
Seulement voilà, le film d’Albert Serra laisse un sentiment étrange, d’abord par sa durée de 2h45, mais surtout par une mise en scène et un montage qui laisse planer de nombreuses pauses. Comme s’il fallait prendre son temps, casser les règles du rythme pour donner plus de relief à l’histoire. Mais voilà ce n’est pas le cas, et certains dialogues semblent maladroitement improvisés et du coup nous laisse un peu sceptiques sur la façon dont le réalisateur a décidé de nous raconter son histoire. Cette lenteur nous fait parfois perdre le fil, et particulièrement parce que le réalisateur fait le choix de ne pas couper certaines scènes qui peuvent parfois sembler plus longues qu’elles ne le devraient. Même constat avec des monologues à rallonge, qui nous laisse circonspect sur les ambitions narratives du réalisateur. A l’instar du discours de Roller pour présenter une romancière qui semble complètement hors de propos et nous interroge sur son état de santé. Des scènes qui se répètent souvent, comme lorsque Shana parle d’un client à De Roller, celui-ci semble ne pas prendre l’affaire au sérieux et semble d’un coup en complet décalage avec ce que ressent le spectateur.
Une œuvre certainement soignée mais bizarrement construite qui ne parvient jamais à totalement nous embarquer. Et pourtant la distribution tente coute que coute de nous capter et de sauver ce bateau qui semble sur le point de couler. Et même si Benoit Magimel (La Tête Haute) ne livre pas, ici, sa meilleure prestation (Du coup pourquoi le César, plutôt que Denis Menochet ou Vincent Macaigne ?) mais il parvient par certains moments comme dans des fulgurances à nous tenir, et même s’il tient le film à bout de bras, il ne peut pas grand-chose pour sauver l’ensemble qui manque terriblement d’une véritable direction d’acteur et d’un véritable sens du rythme. Et même les interprétations de Matahi Pambrun qui signe là un premier rôle tout en froideur et en colère tenue, ou celle de Pahoa Mahagafanau qui signe également sa première prestation semble, parfois, bien désemparée mais fait preuve également d’une certaine fraicheur de jeu qui pourrait faire mouche si elle était mieux utilisée.
En conclusion, « Pacifiction » est un film surprenant qui aurait pu être intéressant par sa linéarité et ses moments suspendus, mais, malheureusement, il semble que le réalisateur se soit perdu dans son montage et qu’il n’ait pas pris conscience du cruel manque de rythme et de certains dialogues sans intérêt qui viennent ruiner les efforts de la distribution pourtant acquit à sa cause.