Un jeune docker, Terry Malloy, ancien boxeur, est manipulé par son frère, avocat du syndicat des dockers dirigé par le crapuleux Johnny Friendly. Il assiste sans intervenir au meurtre d'un employé qui voulait dénoncer les méthodes illégales de ce dernier. Malloy se retrouve devant un cas de conscience...
Nous sommes en 1954, et le réalisateur Elia Kazan (Un Tramway nommé désir) en est à sa troisième collaboration avec l’acteur Marlon Brando (Le Parrain), après « Un tramway Nommé désir » en 1951, qui révéla la star au monde entier et « Viva Zapata » en 1952 qui lui offrit une composition hors du commun. Être temps Brando va se mettre sur orbite avec des rôles puissants comme celui de Johnny Strabler dans « L’équipée Sauvage » (1953) de Laslo Benedek ou encore celui de Marc Antoine dans « Jules César » (1953) de Joseph L. Mankiewicz. L’acteur n’est donc plus une découverte mais confirme tout le bien que le monde pense de lui est cultive son ambiguïté dan des personnages de mauvais garçon au grand cœur et au charme indéniable. Quant à Elia Kazan, sa vie est en pleine tourmente, alors que l’Amérique est dans l’une de ses périodes les plus obscures : Le Maccarthysme, le réalisateur ne va pas hésiter à dénoncer ses collègues et se retrouvera prit dans la tourmente. Cela ne l’empêchera pas de tourner un autre chef d’œuvre avec une autre star montante : James Dean dans « A L’est D’Eden », l’année suivante.
Il n’en demeure pas moins que le réalisateur signe avec « Sur Les Quais » une peinture d’une société américaine des années 50 rongée par la corruption, la maffia et autres syndicats du crime qui n’hésitent pas à tuer pour obtenir le silence de ceux qui seraient tentés de dévoiler ses secrets. Sur un scénario de Budd Schulberg (Plus dure sera la chute) et Malcolm Johnson qui se sont inspirés de nombreux articles concernant la vie sur les docks et particulièrement les agissements douteux du syndicat des Dockers. Avec une précision d’orfèvre, le scénario offre des moments d’anthologie comme cette scène où le personnage interprété par Marlon Brando se retrouve avec son frère dans un taxi face à son frère. Un scénario qui dissèque une organisation qui n’hésite pas à manipuler et à faire taire de façon radicale ceux qui s’opposent à elle, mais dont les strates sont bien plus complexes qu’elles n’y paraissent. Et le temps passé dans le milieu des dockers a permis aux deux scénaristes de trouver une tonalité juste et précise pour décrire cette corporation sans la caricaturer.
De son côté Elia Kazan, qui a très à cœur de donner un maximum de crédibilité à son film, pour ne pas dire une envie presque documentaire de retranscrire ce qu’était la vie des dockers, a décidé de filmer en extérieur et de faire venir d’anciens boxeurs. Mais le réalisateur, par une mise en scène qui donne libre court à son acteur principal et se repose sur le talent d’improvisation et de force de suggestion va trouver ici, un moyen de se justifier de ses agissements durant la chasse aux sorcières. Une action dans le vent puisque rien n’y fera, le réalisateur n’arrivera pas à trouver les bons mots ou les bons angles pour justifier l’inexcusable. Il n’en demeure pas moins que « Sur les quais » est un chef d’œuvre qui fourmille de moments de grâce comme la scène entre Brando et Rod Steiger (Le Docteur Jivago) dans un taxi où ce dernier pointe un révolver sur le premier qui va le repousser d’un geste doux et souple et appuyer une réplique, devenue célèbre, dans un soupir.
Avec « Sur Les Quais », le réalisateur va traiter d’un sujet particulièrement sensible dans cette période sombre d’Hollywood : La Trahison. Mais au-delà, il va dépeindre un personnage avec toutes ses valeurs, celle de l’engagement, de la loyauté et du bien fondé de choisir le bien plutôt que le mal. De se rebiffer plutôt que de Collaborer. Un film puissant et parfaitement maitrisé à tous les niveaux de sa conception.