Un miroir différent…
Lettres d’Iwo Jima est autant ressemblant que différent de
Mémoires de nos pères : une mise en scène fortement théâtrale, une image léchée et dénuée du moindre artifice, une utilisation quasi inexistante des couleurs renforçant ainsi l’impact émotionnel (à la manière d’un
Liste de Schindler), une présence à l’écran presque exclusivement masculine, les femmes étant à peine présentes en tant que faire valoir. La ressemblance s’arrête ici car Clint Estwood, s’il souhaite toujours autant dénoncer les horreurs de la guerre, lui consacre ici l’intégralité de ses 138 minutes de long-métrage. Point d’analyse des effets d’un conflit inutilement meurtrier, point de débat politique sur les utilisations de la guerre, mais une description détaillée du vécu de la guerre. Par les yeux de Kuribayashi, général ingénieux et incompris qui souhaitait par-dessus tout préserver la vie de ses hommes, par ceux de Saigo, humble boulanger dont le seul souhait est de rentrer retrouver sa femme, quitte à commettre les pires des félonies, ou encore par ceux du lieutenant Ito, n’hésitant pas à décapiter ses soldats qui ont fui le combat au lieu de d’accomplir le seppuku, suicide honorable. Chacun de ces personnages incarne à sa manière une bataille qu’il considère patriotiquement juste mais en adopte un point de vue systématiquement différent. Il en résulte des personnages fiers et remarquablement interprétés, en tête le toujours parfait Ken Watanabe, admirable général Kuribayashi dont le comportement toujours généreux et affectueux vis-à-vis de ses soldats contraste tellement avec l’esprit d’immuabilité (entendez par là un mélange d’imperméabilité et de dureté) si fortement présent dans le cinéma japonais.
Malgré tout, la sauce ne prend pas toujours…
Lettres d’Iwo Jima dénonce la guerre avec une justesse égale à celle de Mémoires de nos pères, mais avec une intensité émotionnelle nettement moindre, comme une empathie difficile. Souvent, le dernier film de Clint Easwood en ressort un peu diminué, comme si le message voulu restait en exergue… Pareillement, le parti pris de l’interprète de l’inspecteur Harry est bien plus « modéré », un peu comme s’il souhaitait demeurer dans une vision contemplative de son film, sorte de vision japonaise de
La ligne rouge avec une perception un peu désincarnée des atrocités de la guerre…
Lettres d’Iwo Jima n’est vraiment pas un film raté, il est même très bon. Il demeure malheureusement loin derrière
Mémoires de nos pères.
Verdict : 7/10
A une réalisation exemplaire, Clint Eastwood ne parvient pas toujours à égaler l’impact émotionnel de Mémoires de nos pères. Iwo Jima ou l’étrange exemple d’un film à l’empathie difficile.
Site officiel:
Lettres d’Iwo Jima