Rarement un film a fait autant l’unanimité que The Artist. Et pourtant, sur le papier, on imagine bien la galère de Michel Hazanavicius pour faire produire son film muet en noir et blanc tourné à Hollywood. Et on ne peut qu’être soulagé qu’il ait réussi, et apprécier le résultat.
The ArtistFrance, 2011
Réalisateur : Michel Hazanavicius
Acteurs : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman, James Cromwell, Penelope Ann Miller, Malcolm McDowell
Durée : 1h40
L’histoireGeorge Valentin est une star absolue du cinéma muet. Mais il considère que le parlant n’est pas digne de lui. Peppy Miller n’est encore personne. Mais le parlant va faire d’elle une star. L’étoile montante croise et recroise l’étoile mourante…
La critique
C’est quand la dernière fois que vous avez vu un film muet ? Même si vous êtes cinéphile, à part quelques Chaplin, les occasions sont rares. D’où l’événement que constitue la sortie de
The Artist. Car le film suit les règles du genre : noir et blanc, aucune piste son, musique comme jouée en direct, et même format 1.37, comme à l’époque. C’est dire si vous allez être dépaysé. L’histoire elle-même se coule dans cette période de la fin des années 20, qui a vu le tournant du cinéma parlant. Et autant le dire, tout est parfaitement reconstitué, on se fait très vite à cette narration dont on n’a plus l’habitude, et on apprécie la richesse de la mise en scène, et le jeu des acteurs, tous flamboyants, un Dujardin plus Dujardin que jamais (et c’est un compliment), et une Bérénice Bejo en apesanteur. Le film n’hésite pas, de plus, à exploiter quelques idées originales, comme un film muet dans le film muet, mais plus tard des films parlants dans le film muet (et donc sans parole, bien sûr), ou des trouvailles encore un peu plus surprenantes (comme le cauchemar, par exemple).
Mais est-ce suffisant ? Le film m’a semblé grevé de deux défauts, tout de même. La première est le classicisme de son histoire. Même si elle n’est plus dans l’air du temps et donc pas trop rebattue récemment, les histoires de stars déchues et de stars montantes, on en a quand même déjà vu pas mal. Et elles ressemblaient vachement à celle-là, qui dans son déroulement est très linéaire et avec parfois des petites longueurs, on finit par se lasser du caractère autodestructeur du héros, et il faut tout le talent et le charisme de Dujardin pour qu’on n’ait pas envie de l’abandonner à son triste sort. Le deuxième défaut est plus subjectif. J’ai une perception très auditive des films, la musique et les dialogues sont aussi importants (si ce n’est plus) que l’image. Et là, bien sûr, pas vraiment de dialogue, et une musique genre musique d’accompagnement des films à l’époque et plutôt pas mal, mais qui n’est là que pour l’ambiance et peine à élever le film. Alors ça ne gênera pas tout le monde, mais si vous êtes sensibles à au côté auditif d’un film, vous serez comme un fin gourmet au pain sec et à l’eau : même si c’est du très bon pain sec (peut-être même en pain perdu) et une eau de source, ça reste du pain sec et de l’eau.
The Artist vaut donc surtout pour son ambiance, ses acteurs, son impression de dépaysement dans lequel vous vous plongerez et qui vous fera avoir une drôle d’impression quand vous entendrez parler dans la salle après le film. Le film se détache aussi par sa singularité et son originalité formelle, car je ne suis pas sûr qu’il nous marquerait autant si la moitié des films qui sortaient étaient également muets. Mais en attendant, venez admirer Jean Dujardin et Bérénice Bejo faire un numéro époustouflant, apprécier John Goodman et James Cromwell qui donnent un cachet très « Hollywood » au film, rire souvent et vous émouvoir souvent aussi, vous émerveiller de quelques passages magiques, récompenser l’audace de ses créateurs, et vous plonger dans un film comme vous n’en n’avez pas vu au ciné depuis bien longtemps. Chut !
A voir : parce qu’il n’y a pas eu de film comme ça depuis 80 ans et qu’il n’y en aura pas d’autre avant 80 ans
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, tentez l’expérience
Sébastien Keromen