Boston, dans les années 20. Malgré la Prohibition, l'alcool coule à flot dans les bars clandestins tenus par la mafia et il suffit d'un peu d'ambition et d'audace pour se faire une place au soleil. Fils du chef de la police de Boston, Joe Coughlin a rejeté depuis longtemps l'éducation très stricte de son père pour mener une vie de criminel. Pourtant, même chez les voyous, il existe un code d'honneur que Joe n'hésite pas à bafouer : il se met à dos un puissant caïd en lui volant son argent et sa petite amie. Sa liaison passionnelle ne tarde pas à provoquer le chaos. Entre vengeance, trahisons et ambitions contrariées, Joe quittera Boston pour s'imposer au sein de la mafia de Tampa…
C’est la deuxième fois que Ben Affleck adapte un roman du très prolifique Dennis Lehane, à qui l’on doit notamment des œuvres majeurs comme : « Shutter Island » ou encore « Mystic river ». Et donc après « Gone Baby Gone », le réalisateur a choisi d’adapter « Live By Night », dont l’histoire se situe au cœur de la grande dépression, durant la prohibition où un ancien soldat revenu de France, devient, par la force des choses, l’un des caïds les plus importants de la ville. Une trame qui n’est pas sans rappeler des séries telles que « Boardwalk Empire » ou encore « Peaky Blinders ». Ici pourtant le héros n’est pas aussi linéaire et aussi sombre que peuvent l’être ses prédécesseurs, il est même caractérisé par une envie, certes de s’opposer au caïd du moment mais également par un amour fort et intense qui l’unie avec la petite amie de son ennemi.
En adaptant ce roman remarquable de Dennis Lehane, Ben Affleck s’attaque à un personnage tout en nuance qui passe de la violence pure à la tendresse d’une manière surprenante, un héros particulier dont la carrière repose sur des valeurs qui pourraient n’avoir d’intérêt que les rentrées d’argent de ses différents « business », mais qui par le biais des rencontres et des sentiments vont aller bien plus loin. Sur cette base-là, le scénario pourrait être bien écrit mais il se perd bien trop souvent dans des scènes intimes ou bavardes qui viennent, chaque fois casser le rythme narratif du film. Le mélange : Grande dépression, Prohibition et Ku Klux Klan est surprenant mais il donne une vision assez différente de la société des années 20 divisée entre l’extrême pauvreté et le cynisme de ces gangsters qui firent leur fortune sur une loi bien mal fagotée.
Et comme il nous l’avait démontré dans ses précédents films et particulièrement dans « Fargo », Ben Affleck sait faire monter la pression avec une mise en scène soignée et un sens du rythme évident qui tient le spectateur pour ne plus le lâcher jusqu’à la fin. Pourtant dans « Live by Night », la mise en scène se perd un peu (beaucoup ?) dans des bavardages incessants et dans des plans un peu trop statiques où les explications et autres fausses joutes verbales s’enchaînent en brisant le rythme d’une mise en scène qui se révèle résolument efficace dans les affrontements d’armes ou dans les courses poursuites. Le réalisateur semble particulièrement à l’aise lorsqu’il s’agit faire vrombir les moteurs des tractions des années 20 ou lorsque les armes se mettent à hurler dans tous les sens. Alors la caméra se fait volontiers virevoltante sans être pesante, la mise en scène respire la rigueur et la précision pour donner tout le vertige que l’action impose, à l’instar de la fusillade dans le casino.
Côté distribution, j’ai toujours une inquiétude en ce qui concerne les acteurs qui se filment en devenant réalisateurs. Et même si Ben Affleck avait réussi à nous prouver qu’il était capable d’être à l’aise derrière tout en étant devant la caméra, ses talents en tant que comédien laisse plus dubitatif. C’est le cas, ici, avec ce personnage de caïd au code d’honneur et au cœur moins sombre que ses collègues. Alors peut-être, est-ce la faute de l’histoire, peut-être est-ce la faute du personnage lui-même, mais l’acteur signe une prestation assez fade, qui manque cruellement d’ambiguïté et de force, comme le firent d’une certaine manière d’autres acteurs avant lui, comme Tom Hardy (Legend) Cillian Murphy (Peaky Blinders) etc… Dans « Live By Night » Ben Affleck n’arrive jamais à totalement s’imposer dans un personnage qui se dit escroc mais pas « Gangster » (une sorte de pudeur déplacée), qui exsangue le Ku Klux Klan en lui donnant des leçons d’humanité (bienvenue tout de même) et qui reste accrochée à l’amour qu’il porte aux femmes de sa vie.