IT
He
thrusts his fists against the post and still insists he sees a ghost
(Il frappe ses poings contre le poteau et se persuade qu'il voit
un fantôme)
Si,
même après avoir peut-être cité du Beastie Boys, je vous dit
Pennywise, les chevelus tondus qui ont l'habitude d'headbanguer et de
pogoter se mettront à hurler en chœur ces premières paroles d'un
hit sk8ter, « Someday you gotta find another way, you better
right your mind /and live by what you say/Today is just another day
unless you set your sights and try to find a way/I say fuck authority
(...) »,
par exemple, du groupe californien de punk formé en 1988 (et
trouvant leur nom de scène dans le livre de 1986 d'un certain
Stephen King).
Mais,
si j'insiste en vous disant qu'il est revenu, toute une génération
traumatisée s'écrira mais « oh put*** que, oui, il est
revenu, Hollywood a refait le film », avant de pousser des cris
de jouvencelles concurrençant les plus grandes Scream Queens des
eighties et d'aller changer de sous-vêtements ?
Car, oui,
vingt-sept ans après (comme c'est étrange ?!) le massif téléfilm
en deux parties du téléaste Tommy Lee Wallace qui effraya ma
génération lors de sa diffusion sur la petite chaîne qui montait,
M6, la firme au château d'eau des frères Warner, à travers sa
filiale New Line Cinema qui a repris ce vieux projet de 2009
abandonné en 2014 (suite au désaccord du réalisateur initial Cary
Joji Fukunaga de ne pas voir son projet de diptyque fusionné en un
seul volume comme désiré par le scénariste fan David Kajganich,
« Blood Creek » de Joel Schumacher), ressuscite, comme on
pouvait se l'attendre (?) et au bon moment, le « Ça! »
de Stephen King.
Forte
de cette réputation d'adaptations impossibles -à la limite de
bordéliques n'importe nawak quand tout cela ne frôle pas la zéderie
qui
a nourri les rayonnages des vidéo-clubs forts au cœur des nineties
estampillés ad nauseum du nom du maître de l'horreur littéraire-
traînée par ces fan(atique)s gardien du temple royal,
l’œuvre du plus célèbre romancier du Maine (État américain
limitrophe de notre bon vieux Québec dans lequel se déroulent tous
ses récits) aurait-elle enfin trouvée là une adaptation fidèle et
réussie ?
Car
lorsqu'il est question de transposer sur grand ou petit écran ne
serait-ce que quelques lignes (pour caricaturer le trait) du King -et
ces derniers et prochains mois elles seront nombreuses (après « La
Tour Sombre » devraient arriver des « Jessie »,
« Cujo » et d'autres rien qu'au cinéma, etc)- vous
l'avez compris le respect méticuleux de chaque ligne (comme lors de
toute version live de best-sellers me direz-vous: « Harry
Potter », « Twilight », « Da Vince Code »
pour rester dans des hits récents) est observé et même scruté par
des millions de lecteurs qui se sont modelés mentalement leurs
propres films, certains étant plus prompts à dégainer via internet
et les réseaux sociaux désormais leur mécontentement voire hurler
à l'hérésie -sans pour autant et heureusement appeler à
l'autodafé!
Ainsi,
aussi académique soit la réalisation du jeune réalisateur Argentin
a de quoi tenir concurrence à cette première adaptation
télévisée de 1990, la comparaison risquant d'être inévitable
plus d'une fois chez certains spectateurs, tant l'interprétation du
talentueux Tim Curry dans le rôle du clown tueur aura fait naître
des crises de coulrophobie (peur inexpliquée des clowns) plus que
les exactions du serial killer John Wayne Gacy (qui aurait inspiré
l'auteur, S. King) et bien avant de mauvaises blagues (pranks) sur le
'tube et cie.
Mais est-ce que son clown à lui (incarné par le
jeune Bill
Skarsgård, petit frère du vampire Eric Northman dans « True
Blood », Alexander) va autant faire flipper ?
Appelé
en remplacement de Cary Joji Fukunaga (parti s'occuper en 2014 de
« Beasts of No Nation », les producteurs Seth
Grahame-Smith et David Katzenberg ne voulant alors faire
qu'un seul film d'un bloc), Andrés
Muschietti, dont il s'agit de la seconde réalisation après la
propre transposition de son court « Mama » en version
longue en 2013, vous proposera donc plus qu'il ne vous imposera des
jumpscares réguliers (spoilés
par des thèmes musicaux de Benjamin Wallfisch -qui film après film
se révèle et s'impose dans le paysage audio hollywoodien- propres à
chaque jeune protagoniste et situation) et d'inévitables ou presque
apparitions et attaques de fantômes à cheveux gras, quand on on
pourra se demander quel est l'influence du réalisateur évincé (qui
ne conserve dans les crédits qu'un statut de scénariste) et
qu'est-ce qui dans ces 135 minutes a pu créer ce buzz viral en
dehors du départ du réalisateur, puisqu'il faudrait avoir l'âge
des jeunes héros (entre onze et quatorze ans selon leurs versions,
papier ou live) pour vraiment pousser plus de cris que des rires avec
les réparties de Richie (Finn Wolfhard), l'élément comique du
récit.
Les adolescents et le public d'aujourd'hui étant sûrement
bien plus habitués à plus de frayeurs que ce qui se concentrent
dans les différentes bandes-annonces (spoileuses ou non) à travers
nombre de séries TV ou même jeux vidéos désormais.
Mais,
pourtant, cette première partie (car ce hit de l'été américain
n'est que la transposition des 627 pages de la première partie du
roman : la première rencontre du Club des Ratés durant leur
adolescence avec le clown tueur, Pennywise), aussi convenue soit-elle
et sans provoquer autant de cris -pour un public amateur de frissons
et/ou passionné de fantastique et d'horreur- réussit son rôle de
divertissement,
ce rôle premier visant à nous faire rêver (ou peur dans ce cas)
le temps de chaque plongée dans ces salles obscures, à travers des
images époustouflantes, des décors insolites, des personnages
mythiques, idéalisés ou archétypaux, et dans des situations le
plus souvent incroyables qui nous font oublier notre quotidien
-appuyées par l'utilisation excessive ou non d'effets numériques et
autres codes d'une nouvelle horreur informatisée actuelle, dans ce
cas précis. Un rôle qui, derrière tout ça, ne doit pourtant pas
oublier de transmettre, en filigrane ou à grands coups dans la face,
des messages (forts?) à son public... s'il ne veut pas finir comme
une bonne vieille « daube » nanardesque ou zéderie de
plus de l'été.
Et sur ce coup, on ne peut pas dire que les
différentes équipes qui sont passées sur ce projet (les
réalisateurs Cary Joji Fukunaga et Andrés Muschietti, les
scénaristes David
Kajganich, Chase Palmer et Gary Dauberman -« spécialiste »
actuel des films d'horreurs de cette décennie avec la saga
« Annabelle » et la future « Nonne »-
crédités ou non au générique, le directeur de la photo Coréen
Chung Chung-hoon ayant marqué les esprits avec son travail sur le
« Old Boy » original de 2003, et les différents
directeurs artistiques Rosalie Board aux décors, la talentueuse
Janie Bryant qui a participé aux succès de séries comme
« Deadwood » ou « Mad Men » avec ses
costumes, ou Peter Grundy, qui aura fait lui aussi ses armes à la
télé), sous l'égide de producteurs habitués à ce genre de
projets horrifiques (ou venant même de l'animation) comme Roy Lee,
Dan Lin et de nombreux autres, aient foiré leur coup.
« It »
version 2017 jouit d'une superbe photo, de très beaux décors (avec
cette maison de Neibolt Street, force tellurique magnifique aussi
clichée soit-elle), d'une reconstitution minutieuse et magnifique
des eighties (période à laquelle le film a été déplacé en
comparaison aux années 50 initiales), d'une bande-son sur laquelle
les heavy-metal fuckin' kids des eighties comme moi vont se jeter, et
même si le scénario ne respecte pas scrupuleusement la trame
initiale du roman reste truffé de nombreux petits détails (easter
eggs)
que les amoureux de celui-ci pourront aimer repérer, au-delà de
cette chanson en introduction (qui n'est pas qu'un titre secret du
groupe de rap les Beastie Boys sorti en 1989) que Bill Denbrough
(Jaeden Lieberher) ne termine jamais à cause de son bégaiement.
Le
travail des petites mains de l'ombre super efficace a effectivement
et magnifiquement replongé ces deux petits bleds de l'Ontario que
sont Port Hope et Oshawa pour en faire Derry, la ville natale du
Maine du futur écrivain célèbre Bill Denbrough, en ce sombre été
de 1989 (les projections dans la salle de cinéma locale des films
« Batman » de Tim Burton, « L'Arme Fatale 2 »
et « Freddy 5 » permettant de dater l'action), que ce
soit à travers tout un tas de petits détails vestimentaires (quel
plaisir de revoir tous ces tee-shirts de groupes et cie qui
replongent les nostalgeeks dans leurs enfance et adolescence rock!)
ou décoratifs (avec l'inévitable jeu de rôles « Donjons et
Dragons » qui traîne quelque part ou la borne d'arcade de
« Street Fighter », etc), complétés par des titres
(hard) rock et heavy-metal (comme on disait à l'époque) qui ne
feront qu'un peu plus ancrer ce film dans cette période « bénie »
de l'ingrate adolescence de toute cette génération précédente
traumatisée par un Pennywise incarné par Tim Curry : les
jeunes rockeurs bas-du-front hexagonaux à l'horrible coupe mulet
typique des eighties et nineties allant particulièrement apprécié
l'usage qui est fait de la reprise (sortie en 1988) de notre
« Antisocial » de Trust par le groupe de trash
Anthrax...
Et
même si passées les premières minutes du film (la choquante et
brutale disparition de Georgie) qui auront créé le buzz sur la
toile, certains pourront regretter que la tension et le climax
retombent
comme un vilain ballon rouge qui aime ou non Derry se dégonflant,
« It » est à aller voir, non pas parce qu'il est le
succès de l'été outre-Atlantique (158 710 619 dollars sur le sol
américain -auxquels s'ajoutent pour l'heure les 96,4 millions des
rares pays étrangers dans lequel il est déjà sorti) mais parce que
au-delà de nous renvoyer dans une Amérique et une décennie
insouciante (même si le terrible fléau du sida s'y faisait
connaître avec son lot de rumeurs les plus folles et stupides que
propage l'hypocondriaque Eddie), comme dans l’œuvre de Stephen
King (qui conclue ainsi en 1988 sa période dite de l'enfance en
danger entamée avec son premier roman « Carrie » en
1976), le film nous renvoie surtout à cette époque black-blanc-beur
où toute une jeunesse à travers le monde montrait qu'elle n'en
avait rien à faire des différences : sexe, religion, couleur
de peau, handicap, physique, etc, et prouvant que c'est tous
ensemble, fraternels, unis, que le monde est à nous et que nous
serons toujours plus fort pour lutter et combattre toutes ces entités
(démoniaques, maléfiques et destructrices) qui veulent nous diviser
pour mieux régner -que ce soit une entité venue des profondeurs de
l'espace pouvant prendre de multiples formes dont sa préférée est
celle d'un clown doté d'innombrables crocs et de griffes (avant de
se révéler dans la suite dans une plus grotesque version si
celle-ci est scrupuleusement respectée), « Ça », une
bande de rednecks aux ordres déments d'un raciste Henry Bowers
(Nicholas Hamilton) qui aiment, entre autres, s'attaquer à ce
nouveau venu Ben Hanscom (Jeremy Ray Taylor) et son surpoids devant
l'inaction d'adultes qui préfèrent ne rien voir, ou des parents qui
dans leurs comportements pathologiques -une mère (Molly Atkinson)
atteinte de syndrome de Münchhausen qui veut enfermer son fils près
d'elle et l'abrutir de médicaments ou un père (Stephen Bogaert) qui
passe son temps à se faire beaucoup de souci pour sa petite
fille- ont une influence destructrice sur leurs enfants et prennent
les visages de monstres bien plus réels d'une certaine violence et
violence certaine au sein de cette cellule familiale qui se doit
normalement d'être protectrice (et qui, personnellement, feront bien
plus peur que le monstre symbolique qu'est Pennywise).
Film
sur l'horrible période constructrice (ou dévastatrice) de
transition entre le monde de l'enfance et le monde des adultes
qu'est l'adolescence,
avec son raz-de-marée
de transformations physiques (la puberté qui est explicitement
exposée avec le torrent de sang qui assaille Beverly) d'émotions
(les premiers émois amoureux et la quête de son chevalier servant)
et de rituels censés faire de vous un homme (la bar-mitzvah de
Stanley) mais aussi de quête d'indépendance (nos sept losers allant
apprendre à se débrouiller seuls, sans l'aide d'adultes -quasi
absents de ce film), « It » est donc aussi un film sur la
force de l'amitié et de l'entraide (les mains ne devant pas que se
tendre pour s'entailler la paume et se faire la promesse de revenir
si la menace devait réapparaître), et de facto un film de bande
(positive), qui renvoie à « Stand By Me », le très beau
film de 1986 de Rob Reiner adapté d'une nouvelle de... Stephen King
et dans lequel les débutants River Phoenix, Corey Feldman, Jerry
O'Connell et Kiefer Sutherland s'en allaient en suivant les rails
d'un train recherché le cadavre d'un autre garçon de leur âge,
« Les Goonies » (dans lequel en 1985 dans la ville
portuaire d'Astoria Sean Astin, Corey Feldman encore, Josh Brolin et
leurs trois autres amis losers s'en vont rechercher le trésor d'un
vieux pirate) dans une version plus horrifique et surnaturelle, voire
« Explorers » de Joe Dante (qui en 1985, lui aussi,
envoyait Ethan Hawke et encore une fois l'éternel ado' aventureux
River Phoenix rencontrer de positifs aliens dans leurs vaisseaux de
bric et de broc) et la récente série à succès « Stranger
Things » (dans laquelle apparaît déjà Finn Wolfhard, ami du
jeune garçon disparu que sa mère et ses amis vont tenter de
retrouver)... qui, tout en replaçant son action en 1983 quelque part
dans un Amérique rurale, n'hésite pas à citer les œuvres de
Stephen King et Steven Spielberg, deux faiseurs de rêves et de
cauchemars (cauchemars et rêves plus respectivement) pour qui
l'enfance et l'adolescence sont des points majeurs.
Des
comparaisons qui n'auront rien de honteuses et rappellent surtout
comme il est bon de s'entourer d'amis et de faire fi de toutes nos
différences pour ne voir qu'une chose, que nous sommes identiques et
que c'est ce même sang (humain) qui coule dans nos veines (et avec
lequel nous saurons devenir frères de sang), et que c'est unis et en
sachant tout cela que nous pourront faire le bien... Peut-être pas
définitivement mais au moins un certain temps et garder une certaine
morale et ne pas être corrompus...
Fort
d'un casting de jeunes acteurs incroyables
-que ce soit au premier plan ou dans les seconds rôles- méconnus ou
quasi débutants (les plus connus ou reconnus pouvant être Finn
Wolfhard, qui incarne Richie, la grande gueule boute-en-train obsédé
derrière ses lunettes à double foyer, vu dans la série « Stranger
Things », Wyatt Oleff, Stanley, le jeune Juif des Ratés qui se
prépare à fêter sa bar-mitzvah, connu pour être l'incarnation du
jeune Peter Quills dans « Les Gardiens de la Galaxie » et
celle du jeune Rumpelstiltskin
dans la série « Once Upon a Time », et Owen Teague, le
chevelu Patrick Hockstetter de la bande de Bowers, que vous avez
peut-être vu dans la série Netflix « Bloodline ») mais
à qui on ne peut souhaiter qu'une réussite comme leurs aînés
cités plus haut, et qui, selon moi, éclipsent l'attendue jeune star
suédoise Bill Skarsgård (à la carrière un peu plus remplie) dans
ce rôle-titre (qui malgré ou à cause de tout ce look
médiévale-renaissance-victorienne pourtant réussi et des effets
spéciaux bien plus modernes ne surpassera pas l'incarnation plus
Ronald McDonaldienne vendeur de glaces de Tim Curry), et compensent
cette horreur attendue au tournant par une part du public pour
quelque chose de plus surnaturel et propre à chacun, cette
résurrection de « It » (relecture du roman et non remake
du téléfilm) devrait être sans difficulté le succès du
box-office pour les sorties de ce 20 septembre 2017, interdit au
moins de douze ans ou non, que vous vouliez et espériez vous faire
peur à nouveau ou que vous soyez curieux de savoir ce que cette
œuvre culte donne aujourd'hui, maintenant que vous n'avez plus douze
ans (ou un peu plus)...
Une chose est sûre : ils
flottent bien tous en bas ! Et ce film au-dessus du lot ?