Dément, impressionnant, marquant…
Les qualificatifs ne manquent pas pour le dernier film d’horreur en salle, Le Territoire des morts. Ce film de zombies est à l’image de son créateur, Georges A. Romero, c’est-à-dire génial…
L’histoire
Dans un monde envahi par les zombies, les vivants se sont organisés en recréant un univers relativement sécurisé dans une sorte de ville-bunker. Les morts-vivants, se découvrant une forme de « pensée », décident de prendre d’assaut la ville…
La critique
Mieux vaut tard que jamais…
Il en aura fallu du temps… Plus de 30 ans après La Nuit des morts-vivants (1970), le créateur du film de zombies nous livre enfin le dernier épisode provisoire de sa quadrilogie. Initialement prévu pour les années 90, le projet s’est embourbé, orientant Georges A. Romero vers de petits films peu connus comme Bruiser. Un peu de maturation forcée ne fut probablement pas un luxe compte tenu des échecs de ses collègues des années 70-80 : Wes Craven (Cursed, Scream 3), John Carpenter (Ghosts of Mars), Dario Argento (Le Sang des Innocents)… Rien que des plantages complets, illustrant tristement des réalisateurs à l’ancienne complètement dépassés par l’évolution cinématographique actuelle. L’enjeu était donc des plus risqués, que ce soit de décevoir ses fans de la génération Mad Movies, ou de paraître complètement en dehors du coup.
Après un générique épatant, mais une mise en bouche glaciale (introduction post-apocalyptique quelconque à la John Carpenter), le Maître se rattrape bien vite, nous servant probablement un des meilleurs films d’horreur de ces dernières années.
Il n’a pas perdu la main, le père Romero…
Passé la déception relative de l’ouverture, Georges A. Romero nous introduit très rapidement dans le vif du sujet, à savoir, l’humanité envahie par les zombies… Lorsque certains tentent de survivre en vendant leurs services en tant que mercenaires, d’autres profitent de la détresse de leurs congénères, exploitant au maximum un système générateur d’inégalité. Au sommet de cette hiérarchie, Kaufman, salopard fini, impeccablement interprété par Dennis Hopper, d’ailleurs habitué aux rôles de pourri intégral. Face à lui, se dresseront quelques individus, partagés entre le désir de sauver leurs frères humains, ou de les laisser à la merci des zombies. Parmi ces héros d’un autre âge, Riley tentera le tout pour le tout, encadré d’une escouade de mercenaires, qui finiront tous plus ou moins logiquement dans l’estomac de nos chers monstres aux yeux vitreux.
Mon Dieu, que ça nous ramène loin, tout cela…
Avec une technique visuelle impressionnante, le réalisateur américain filme ses zombies en quête d’humanité, parvenant presque à nous les faire aimer. De la sorte, il en revient à ses premiers amours : humaniser les monstres afin de nous faire clairement sentir que les véritables créatures à abattre, ce sont les hommes. Message discutable qui ne plaira pas à tout le monde, soit, mais message habituel chez ce vieux baroudeur de l’horreur… Son amour du genre est présent à chaque photo et à chaque passage musical, de telle manière que chaque plan creuse plus profondément le fossé avec des films réçents comme 28 jours plus tard. D’ailleurs, la machine de guerre utilisée (L’Eclaireur) constitue une touchante référence envers le Vampire Hunter D de Yoshiaki Kawajiri, par sa ressemblance avec le char des frères Marcus (oeuvre à visionner impérativement si ce n'est pas déjà fait). Le climax du bonheur est atteint sans aucun doute lors de la traversée du fleuve, passage d’anthologie véritablement démentiel.
Chaque zombie nous renvoi 25 ans en arrière dans les premiers films du genre, notamment Le Jour des Morts Vivants ou la Nuit des Morts Vivants (remake de 1990 par Tom Savini). Ce dernier fait une apparition-éclair dans un look identique à celui arboré dans Une Nuit en Enfer. Les maquillages sont épatants et révèlent un travail d’orfèvre, les gros plans se multipliants... Toutefois, contrairement aux échos, Le Territoire des morts est particulièrement gore, ses zombies découpant, massacrant, trucidant, dévorant à tour de dents. Ils ne laissent finalement que peu de place aux acteurs (Simon Baker et Asia Argento) malheureusement traités avec bien trop de légèreté.
Le Territoire des morts est bien plus qu’un excellent film d’horreur ou un tripant film de zombie… c’est simplement une œuvre majeure. Là où de jeunes réalisateurs horrifiques se sont illustrés avec brio (notamment Marcus Nispel avec Massacre à la Tronçonneuse), Georges A. Romero va bien plus loin… Il intègre ses ingrédients favoris, à savoir une dimension humaine impressionnante et une maîtrise visuelle parfaite, transcendant ainsi le genre zombiesque.
Classique certes, manquant de profondeur dans ses personnages, certes… mais marquant (encore) le cinéma d’horreur au fer rouge, c’est clair comme de l’eau de roche…
A voir : un peu, beaucoup, passionnément…
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, a ne manquer sous aucun prétexte !