Collision

par: Laurent Berry



Quand le scénariste de Million Dollar Baby passe à la réalisation cela débouche sur Collision, un film choral qui explore les stéréotypes inter ethniques de la société américaine après les attentats du 11 septembre 2001. On y découvre une douzaine de personnages dont les vies n'auraient jamais dû se croiser car beaucoup ne se connaissent pas. Pourtant, dans les prochaines 36 heures, leurs destins vont se rencontrer, révélant ce que chacun voulait cacher ou ne pas voir...


COLLISION
De Paul Haggis
Avec Sandra Bullock, Don Cheadle, Matt Dillon, Jennifer Esposito, Brendan Fraser,  Jason Isaacs, Ludacris, Thandie Newton, Ryan Phillippe, Larenz Tate, Nona Gaye, Tony Danza, Marina Sirtis, William Fichtner,  Karina Arroyave
Site officiel : http://www.collisionlefilm.com/
Sortie le 14 Septembre 2005



Deux voleurs de voitures. Un serrurier mexicain. Deux inspecteurs de police qui sont aussi amants. Une femme au foyer et son mari, district attorney. Tous vivent à Los Angeles. Eux et beaucoup d'autres ne se connaissent pas, leurs vies n'auraient jamais dû se croiser. Pourtant, dans les prochaines 36 heures, leurs destins vont se rencontrer, révélant ce que chacun voulait cacher ou ne pas voir...


Collision est un film choral dont on doit le scénario plutôt bien ficelé au réalisateur Paul Haggis et à son co-scénariste Bobby Moresco. Précédemment Paul Haggis a signé le scénario de Million Dollar Baby (2004) de et avec Clint Eastwood qui a glané le césar du meilleur réalisateur et celui du meilleur film. Le scénario de Collision est très maîtrisé puisqu’il permet de suivre plusieurs histoires de vies parallèles qui s’interpénètrent. La dimension sociologique sans concessions mise en avant par le réalisateur confère à collision un certain regard critique sur l’état critique de la société américaine et de son fonctionnement propre au lendemain des attentats du 11 septembre notamment.


On évite l’éloge caricatural d’un esprit américain patriote pour montrer les tensions inter-ethniques. Cependant, le réalisateur sacrifie tout de même à quelques scènes auxquelles l’émotion n’est pas étrangère. Collision n’est pas un grand film mais on peut lui concéder une très bonne direction d’acteur, une capacité à susciter des sentiments aigues avec des situations finalement banales et simples. La galerie de portrait de Collision joue constamment avec des stéréotypes ce qui permet de donner une visibilité frontale à ces quasi archétypes résultants du cosmopolitisme américain. A cet égard, Collision peut énerver à moins de se laisser prendre par des histoires où les personnages parviennent à prendre de l’épaisseur et à toucher par leur humanité. Le personnage du père de la famille Perse ou celui du jeune réalisateur noir sont au bord de l’explosion ce qui les rend touchant.

Collision pourrait souffrir de son air de famille avec des films comme Traffic ou Magnolia et peut-être surtout de l’accumulation volontaire de clichés sociaux et ethniques qui permettent de poser les différentes histoires de vies. Ainsi on retrouve une femme de ménage mexicaine au service d’un couple blanc dont la maîtresse de maison est particulièrement impossible, un asiatique vend des vietnamiens qu’il tient enchaîner à l’arrière de son fourgon tandis que deux jeunes noirs pas très malins essaient de voler des voitures. D’autres noirs sont soumis à un contrôle de routine abusif mené par un policier blanc et la famille perse considérée comme des arabes s’indigne d’être traité de sale arabe mettant aussi en évidence la part d’ignorance que peut véhiculer un comportement raciste. On frise la caricature mais l’exagération est un moyen de la création.


Ce que réussit à montrer Collision, c’est d’une part une peur de ce qui nous est étranger et l’importance de l’ignorance dans les mécanismes de tension inter-ethnique. Faute d’intégration en profondeur, le modèle de société américain a tendance à juxtaposer les communautés et le racisme ethnique peut se doubler d’un racisme social. Plus qu’une dénonciation des formes de racisme à l’oeuvre dans le tissu social américain, Collision pose l’impossibilité d’affirmer qui est bon et qui est mauvais. Tous les personnages hormis celui de la petite fille du serrurier mexicain sont ambivalents à un moment ou un autre. Seul l’innocence illuminée et magique de l’enfance semble mettre à l’abri du désenchantement. Tous les personnages comportent une part d’ombre y compris dans leurs rapports avec les représentants de leur ethnies ou groupes sociaux respectifs. Certains font honte à leur propre ethnie, d’autres se font honte à eux-mêmes. Là est tout le paradoxe d’une situation où l’individualisme s’affronte à l’appartenance à des stéréotypes communautaires et ethniques. Il est difficile de se soustraire à la condition d’un stéréotype. 

Le titre original de collision est Crash ce qui fait évidemment penser au film éponyme de David Cronenberg, artistiquement supérieur à Collision. Les deux films n’entretiennent cependant aucun lien de parenté hormis une vague  phrase que le personnage de Don Cheadle prononce au début du film à propos du manque de contact entre les gens à Los Angeles. Au fond, Paul Haggis essaie d’exprimer un sentiment d’absence de contacts réels et sincères dans une grande mégalopole comme Los Angeles où on est toujours entouré de tôle, protégé dans les voitures. Le désenchantement appartient au monde moderne et faute de se rencontrer, les vies rentrent en collision.


Verdict :

Paul Haggis livre un film à la réalisation finalement assez classique et pourvu d’un scénario bien écrit. On pourra apprécier autant la bande originale que la distribution assez étoffée de ce film chorale qui parvient tant bien que mal à dresser un état des lieux d’une société américaine stéréotypée. Collision suscite des émotions fortes avec des situations du quotidien dans une grande ville.


A voir : Un film qui essai de porter un regard lucide bien que confinant à un stéréotype de la société américaine.
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, on passe tout de même un bon moment même si on pourra autant apprécier que détester un film bien réalisé mais pas vraiment révolutionnaire.