A l’attention de ses troupes postées au Nord du pays (ah, oui, nous sommes en Chine quelque part entre le XVIIIe et le XIXe siècle), le Gouverneur (Terence Yin) fait escorter une cassette comprenant 50 000 taels non-marqués par un duo de redoutables guerriers appelés les Gémeaux (Grace Huang & Andrew Lin). L’itinéraire prévoit une halte au Jungle Village, coin tristement théâtre d’incessantes guerres de Clans.
Zen-Yi dit X-Blade (Rick Yune), fils du roi du Clan du Lion, en apprenant comment papa Lion d’Or (Chan Kuan Tai) est mort, fonce presto au village pour régler ses comptes avec ses frères assassins Lion d’Argent (Byron Mann) et Lion de Bronze (Cung Le). Ces 2 derniers embauchent le mercenaire Brass Body (Dave Bautista) afin de le neutraliser et ainsi mener à bien la nouvelle orientation familiale : la suprématie sur tous les autres Clans et le coffre pleins de sous.
Sur place, vient d’arriver Jack Knife (Russell Crowe), un énigmatique anglais éloquent qui entretiendra son addiction pour opium et femmes lors d’une halte au Lupanar du coin tenu par Madame Blossom (Lucy Liu).
Sur les lieux, se trouve Le Forgeron (RZA), un afro-américain qui doit, en un temps record, concevoir pour le compte du Clan des Loups ET le Clan des Lions de quoi crever la peau de l’autre. Il s’en serait volontiers tenu à l’écart mais n’accepte uniquement que pour banquer de quoi racheter à Madame Blosson le contrat de sa régulière Lady Soie (Jamie Chung) en vue de lui faire vivre la vie de château loin ailleurs.
Le temps que chacun choisisse sa cause et ses camarades d’infortune, la cargaison arrive au village. Va pas falloir tarder à sortir la serpillière.
CROIX DE BRAS, BRAS DE FER
Dans la continuité des déclarations d’amour aux grands classiques de l’action estampillés Shaw Brother / Golden Harvest avec du Quentin Tarantino sur la jaquette pour dire «c’est bon, mangez-en», l’Homme aux Poings de Fer est un sujet bien ennuyeux. Du moins il est ennuyeux d’aborder le quoi-penser d’une telle affaire qui a pourtant sur le papier tout pour combler l’amateur de cinéma déviant : aux commandes un musicos grisé par une expérience filmique atypique (RZA, figure majeure du Wu-Tang Clan) ; une casting séduisant incluant du caméo parfois surprenant ; une thématique de choc ; les meilleures intentions du monde ; …
A la fois confus et simpliste, le scénario dépeint un monde violent compilant littéralement des samples de films de kung-fu, western, historico-moyenâgeux, chanbara et fictions de gangsta US - aux fonds communs finalement pas si éloignés - pour mieux exploser à la fin avec de l’animation japonaise (entre autres Brass Body qui peut rappeler Tessaï dans Ninja Scroll).
Mis en boite en Chine avec le budget d’une grosse prodde locale et employant pas mal de techniciens du coin parmi le staff, le résultat à de quoi diviser … Le premier réflexe et non le moindre est l’odieux jeu de comparaison avec des réalisations périphériques que le marketing situera plus proche d’un Kill Bill que d’un Royaume Interdit, option Grindhouse et réécriture décomplexée de l’Histoire. En somme : du Tonton Quentin.
D’un coté, lorsque le dernier Tarantino sort (des sentiers battus), à défaut de faire l’unanimité il suscite quasi-toujours l’intérêt d’une marée humaine de fans, curieux et critiques du fait que le bonhomme s’est singularisé du paysage cinématographique contemporain par une certaine idée de cinéphilie qu’une personnalité, un amour / connaissance encyclopédique évidents ne seraient rien sans ses talents en écriture de dialogues et de direction d’acteurs … Fatalement, l’audacieux qui souhaite emprunter un même chemin et qui ne se laisse pas décourager par la hauteur de la barre risque très gros s’il n’a pas au moins un argument solide pour se défendre face à un public parfois intraitable.
Mon tout se divise grossièrement en 3 parties, les 1e + 3e traitant principalement de problématiques, leurs résolutions, ce qu’il faut de combats aussi violents qu’acrobatiques et de clins d’œil old-school.
La 2e partie sera un peu plus calme. Pendant qu’un des Camps va gagner en puissance, on en apprendra un peu plus sur les origines du Forgeron jusqu’à la façon très instructive dont il prendra conscience des possibilités qu’offre le fantastique flot d’énergie qui traverse son corps ! Si seulement cette phase n’avait pas été survolée afin de très certainement respecter une question d’efficacité et de tempo, elle aurait achevé de le catapulter comme figure éminemment tragique, apportant par la même occasion une explication «vraisemblable» aux envolées parfois spectaculaires - qu’on estime plus ou moins acquis par tout autre combattant.
Là où le concurrent (in)direct Tarantino récupère les codes de ses pelloches favorites selon ses goûts pour proposer au final quelque chose de très différent, The Man with the Iron Fists est vendu comme un hommage basique et pas une révolution ... C’est assez intéressant qu’on insiste dessus car il ne propose finalement pas grand-chose de plus qu’un hommage !
Déférence au rythme contrarié donc, qui va essayer d’équilibrer d’autres aspects comme cette esthétique toc faussement fauchée qui cohabite avec la direction artistique d’un gros clip de rap et sa B.O. invitant de grands noms de la scène hip hop, rock alternatif, pop HK, … mais également traiter sur un même pied d’égalité les autres protagonistes !!
On peut avoir de l’affection pour les acteurs en eux-mêmes, ici tous beaux et stylés comme dans un comic-book (les surnoms qui tuent, les costumes clinquants, les postures de bon aloi) … mais la majorité de leurs performances, oscillant entre l’honnête compo de série B et le surjeu qui peut faire lever les yeux au ciel, ne rendra pas leurs personnages spécialement attachants : les voir souffrir, se faire mutiler, se sacrifier ou mourir arrache tout sauf des larmes.
Pour peu que ce qu’il offre à ce niveau suffise, RZA (American Gangster, Gi Joe 2) se file quand même le beau rôle du tranquille comme ça qui fait 2 fois plus fort que le Boxeur Manchot lorsque s’allient son qi, ses techniques de forge et une sacrée soif de carnage. Valeureux et droit dans ses bottes à défaut de briller dans l’archétype de charisme de héros tour à tour détaché du bazar ambiant avant de devenir une machine à tuer au passé traumatisant.
Comme la qualité des relations va varier en fonction de qui «vous trouvez qu’il joue bien» (notion totalement subjective), c’est généralement assez mou, surtout les moments entre RZA et la très appréciée Jamie Chung (Dragonball Evolution, Sucker Punch, Very Bad Trip 2 & 3). Surnagent tout de même quelques passages marrants comme les rencontres pleines de tension sexuelle entre Russell Crowe (American Gangster, Les Misérables, Man of Steel) et Lucy Liu (Charlie et ses Drôles de Dames 1 & 2, Kill Bill, Rise : Blood Hunter) ou éventuellement les séquences de Byron Mann (Street Fighter, Catwoman).
Vous ne vous arrêtez pas à ça ? Tant qu’il y a de la baston, y a de l’espoir ? Ici vous aurez de quoi caler votre buffet, ça se saute souvent dessus pour se faire mal avec dans les manches des armes toutes droit sorties d’un jeu d’arcade (ne me demandez pas comment se rétractent les lames de l’armure de X-Blade) et des chorégraphies de Corey Yuen généreusement tartinées d’effets sanguinolents (pas outrancière façon Ninja Assassin (2009) mais la production paie sa prothèse, sa tripaille, son vrai / faux sang). Vous en aurez certainement vues de plus inoubliables mais cela reste ici varié, sympa et - détail qui en vaut un autre - tout le monde se bat (vous verrez si le soi-disant sexe faible l’est vraiment) … Juste dommage que le montage ne les mette pas toujours bien en valeur …
CONCLUSION :
L’éponge passe toujours si les (1ers) essais de novices / inexpérimentés transpirent le bon esprit et la coolitude. Le métrage ne semble pas avoir été fait pour être avant tout cool mais surtout témoigner d’une affection et d’un respect d’influences, l’exposant de manière baroque, le parsemant d’ouvertes références qui parleront sans peine au connaisseur sans omettre d’exprimer un petit message spirituel.
N’allant pas beaucoup plus loin que cette ambition, cumulant sur la durée des enjeux restreints, des imbrications d’éléments difficiles, des gros trous dans la narration, des persos peu passionnants, des affrontements bien saignants mais pas top, … Le drame avec ces Poings de Fer est d’être réduit en l’état à moins qu’une relecture (très) mal dégrossie d’Un seul Bras les tua Tous utilisant le copyright du Tarantino Style (dont vous attendrez son prochain méfait au ciné avec impatience, estimant que c’est plus proche du «vrai» cinéma que cette intention de moyenne facture).
Si vous êtes plus souples, ne faites pas constamment dans le rapprochement ou estimez que toutes ces digressions ne doivent pas prendre le pas sur le divertissement, vous apprécierez un minimum le voyage bien que pas dupes des faiblesses d’un projet qui, passé de mains en mains, laisse un sacré point d’interrogation sur l’intacte vision originelle de RZA. Peut-être aimerait-on croire que la base, ainsi qu’un traitement plus long, auraient eu plus de choses à offrir que juste proposer de passer un bon moment.
Si tel est le cas, il est à souhaiter qu’RZA poursuive ses efforts pour une prochaine tentative. Comme on dit, sans mauvais jeux de mots : c'est en forgeant qu'on devient forgeron.