Dans la tribu Malaussène, il y a quelque chose de curieux, de louche, d’anormal même diraient certains. Mais à y regarder de près, c’est le bonheur qui règne dans cette famille joyeusement bordélique dont la mère sans cesse en cavale amoureuse a éparpillé les pères de ses enfants. Pour Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel et frère aîné responsable de cette marmaille, la vie n’est jamais ennuyeuse. Mais quand les incidents surviennent partout où il passe, attirant les regards soupçonneux de la police et de ses collègues de travail, il devient rapidement vital pour le héros de trouver pourquoi, comment, et surtout qui pourrait bien lui en vouloir à ce point-là ? Benjamin Malaussène va devoir mener sa propre enquête aux côtés d’une journaliste intrépide surnommée Tante Julia pour trouver des réponses.
Il y a des monuments de la littérature française que l’on rêve de voir portés à l’écran, souvent pour la qualité de leurs auteurs et pour des trames résolument bien écrites et des personnages rentrés par le biais d’une page d’écriture dans la culture populaire. C’est le cas de Benjamin Malaussène, malheureux héros de Daniel Penac dans « Au bonheur des Ogres », que l’n retrouve également dans d’autres suites littéraires telles que : « La féé Carabine » ou encore « La petite marchande de prose ». Il était donc parfaitement logique que le cinéma s’y intéresse, et c’est dans les mains et dans l’esprit de Nicolas Barry et sous la production de Dimitri Rassam déjà producteur du précédent film du réalisateur.
Et le résultat est assez réjouissant. Et même si lors de sa sortie en salle, les critiques de grands médias qui se prennent bien souvent pour des gardiens du temple, n’y ont pas vu d’un bon œil une adaptation qui se veut finalement assez fidèle et parvient avec beaucoup d’intelligence à s’approcher de l’esprit du livre. On peut effectivement y voir une certaine influence dans l’univers et dans la narration, de Jean Pierre Jeunet, mais le réalisateur a surtout l’intelligence d’un mêler ses propres inspirations et de donner à l‘histoire, à la fois contemporains et nostalgique avec des détails empruntés aux années 70 et d’autres plus proches de nous.
Le scénario a l’intelligence de garder une certaine légèreté dès lors que l’on parle d’un sujet difficile et particulièrement sensible actuellement, tel que l’enlèvement d’enfants. Ici la trame tourne surtout autour d’un personnage prit à tort pour un criminel et qui, dans un parallèle un peu hasardeux, prend conscience que sa vie ne fut qu’exploitation maladroite, par sa mère d’abord, mais par son patron également. Avec un trait fin de caricature, une bonne dose d’humour et une direction d’acteur décalée, le réalisateur nous entraîne dans son univers.
Et pour cela il se repose sur une distribution efficace de bout en bout. A commencer par Raphaël Personnaz qui trouve la juste tonalité, pour donner à son personnage une espèce d’innocence et en même temps une grande rigueur morale, qui rappelle sans hésiter les personnages interprétés par Pierre Richard dans ses plus grands succès.
En conclusion, « Au bonheur des Ogres » est une adaptation de Daniel Pennac, qui n’a pas à rougir de sa simplicité et encore moins des qualités techniques et narratives dont elle fait preuve. L’interprétation est impeccable et les risques scénaristiques parfaitement assumés dans un ensemble cohérent.