Portrait de Tom Savini, Maquilleur spécialiste des effets spéciaux
Maquilleur, spécialiste des effets spéciaux, acteur, cascadeur et réalisateur, Tom Savini a plus d’une corde à son arc, pour le plus grand bonheur des cinéphiles.
Par Julien Sabatier
Avant-propos
S’il est un domaine regorgeant d’artisans de l’ombre, c’est bien le cinéma. Pour la plupart inconnus du grand public, ils confèrent néanmoins une sérieuse valeur ajoutée aux oeuvres auxquelles ils contribuent. Tom Savini est de ceux-là. S’il ne s’amusait parfois à faire l’acteur, on ne connaîtrait probablement pas le visage de ce personnage attachant sans qui le cinéma d’horreur ne serait pas ce qu’il est. En effet, Savini est une pointure, un maître en matière de création d’effets spéciaux (maquillages prothétiques et effets gore) mais pas seulement. Portrait du monsieur dans cet article.
L’enfer du devoir
C’est le 3 novembre 1946 que Tom Savini voit le jour aux Etats-Unis et plus précisément à Pittsburgh, ville mythique pour les amateurs de zombie movie puisqu’il s’agit du fief de George A. Romero. Agé d’une dizaine d’années, le jeune Tom découvre les exploits de Lon Chaney, c’est la révélation. Dès lors, il va passer de longues heures dans sa chambre à élaborer des maquillages. Plus tard, il rendra hommage à l’acteur de L’inconnu en prénommant son fils Lon qui, lui-même, appellera le sien Chaney. La boucle est bouclée. Au-delà des impressionnantes métamorphoses de Lon Chaney, Savini fut aussi fortement marqué par les travaux de Jack Pierce et Dick Smith. Dès son plus jeune âge, il se prit aussi de passion pour la magie, l’influence s’en ressent dans toute son oeuvre. A vingt-deux ans, le maquilleur est pressenti pour assurer les effets spéciaux de La nuit des morts vivants mais ne pourra démontrer l’étendue de son talent sur le film de Romero, l’oncle Sam ayant d’autres projets pour lui : l’expédier en plein bourbier vietnamien. En tant que photographe de guerre, Savini sera confronté de plein fouet à l’horreur de la mort et de la mutilation. Tout au long de sa carrière, il mettra un point d’honneur à restituer le sentiment que suscite un vrai corps quand il est privé de vie et atrocement altéré. S’il a occupé plusieurs postes dans la création cinématographique, notre monsieur a toujours privilégié les maquillages, allant jusqu’à écrire deux manuels sur le sujet et ouvrir sa propre école où il forme une centaine d’étudiants.
Color me blood red
Artisan passionné et consciencieux, Tom Savini est reconnu dans sa profession et son surnom de parrain ou roi du gore, quoique trop restrictif, est loin d’être usurpé. Saisissants et réalistes, ses effets spéciaux comptent parmi les meilleurs. Pour s’en convaincre, il suffit de revoir Zombie. La diversité, la quantité et la qualité des effets ne peuvent que forcer le respect. Féru de magie, Savini obtient des résultats bluffants avec des procédés parfois basiques. Ainsi se souvient-on des têtes en plâtre utilisées dans Zombie et Maniac (la simplicité au service de deux scènes stupéfiantes), de la machette découpée dans Zombie (la scène étant tout simplement « filmée » à l’envers) ou encore de l’éviscération dans Le jour des morts vivants (avec ce faux plancher dans lequel était dissimulé le corps de l’acteur). L’illusion étant l’art de détourner l’attention, le fait que Savini ait pour habitude de prendre en charge la réalisation des scènes à effets spéciaux n’est pas innocent.
L’homme aux mille visages
Tom Savini débute officiellement sa carrière cinématographique en 1974, signant des effets gore poisseux pour Deranged. Quatre années plus tard, soit dix ans après la tentative avortée de 1968, il collabore enfin avec son ami George Romero. Sur Martin, il cumule pas moins de quatre fonctions, excusez du peu. Les deux hommes travailleront ensemble sur six autres longs-métrages (Zombie, Knightriders, Creepshow, Le jour des morts vivants, Incidents de parcours, Le territoire des morts). Tout au long de sa carrière, Savini portera plusieurs casquettes et souvent plus d’une sur le même titre (pour une filmographie exhaustive du bonhomme, on se reportera au site IMDb). Il est maquilleur sur Maniac, Vendredi 13, Necronomicon et Killing Zoé, chargé des effets spéciaux sur Zombie, Creepshow et le quatrième opus de Vendredi 13, cascadeur sur des films comme Zombie et Incidents de parcours. Le roi du gore fera aussi l’acteur dans une grosse trentaine de films, jouant, entre autres, un biker moustachu dans Zombie, une victime dans Maniac, un éboueur dans Creepshow, un shérif excité dans L’armée des morts ou encore son propre rôle dans un épisode des Simpsons en 2001. Tom Savini va parfois au-delà de la simple apparition et s’invite plus longtemps à l’écran, c’est le cas dans Une nuit en enfer où il campe le mémorable Sex machine. En 1990, Savini s’essaie avec succès à la réalisation en signant le remake de La nuit des morts vivants. Bien qu’artistiquement irréprochable et presque meilleur que l’original de 1968 (ce qui n’est pas un mince compliment), le métrage commence seulement aujourd’hui à bénéficier de la reconnaissance qu’il mérite. Juste retour des choses. A noter que notre homme s’apprête à passer une seconde fois derrière la caméra avec The forest. Pour terminer le survol de sa filmographie, on remarquera que Tom Savini est attaché à tous les films de zombies estampillés Romero (de près ou de loin) : La nuit des morts vivants (1968), Zombie (1978), Le jour des morts vivants (1985), La nuit des morts vivants (1990), L’armée des morts (2004) et Le territoire des morts (2005).
Conclusion
Grand gamin de soixante ans, Tom Savini peut donc se prévaloir d’une carrière cinématographique exemplaire. Excellant dans toutes les voies qu’il a choisi d’explorer, le grand Tom est un artiste accompli qui a écrit son nom en rouge sang dans l’histoire du septième art.