Baby Boom : L'interview



Thierry Lorenzi et Julien Renaud, soit respectivement le réalisateur et le producteur du court-métrage Baby Boom ont gentiment accepté de se plier à l’exercice de l’interview pour DVDCritiques.




01 - Pouvez-vous vous présentez aux lecteurs de DVDCritiques ? Revenir sur vos parcours respectifs ?




Thierry Lorenzi : Tout d’abord merci à DvdCritiques.com de nous accorder cet entretien. Mon parcours est plutôt conventionnel. Je tombe dans l’univers du cinéma tout petit. Le problème c’est qu’autour de moi, et à plus de 100 000 kilomètres à la ronde, il n’y avait rien ni personne qui pouvait m’aider à en faire mon métier. Je n’ai jamais cru en l’école et encore moins en une école de « réalisation ». Mais il faut reconnaître qu’un parcours dans les études spécialisées est un bon moyen de se tester.



Julien Renaud : Nous nous sommes rencontrés avec Thierry lors de nos études à l’Université de Corse en 2003. Par la suite en 2004, nous avons tous les deux opté pour la voie « Techniques de l’Image et du Son » afin de réaliser les projets qui nous tournaient déjà dans la tête. A la fin de ce cursus (et même pendant), j’ai tout de suite compris que la complémentarité et l’ambition nous faisaient regarder dans la même direction. Nous avons donc logiquement crée Black Box Production fin 2004.



 

02 - Parlez-nous de Fantasmagoria, votre précédent court-métrage ?



T.L. : Fantasmagoria est un court métrage réalisé en 2004 lors de notre cursus universitaire. Il est inspiré par l’expression populaire de Lamartine « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Comme toujours, l’impulsion de départ vient d’un fort besoin d’exprimer mes névroses sans pour autant que cela devienne ennuyeux. J’avais écrit un script boiteux en un week-end, mais l’ambition de départ n’était pas tellement la structure narrative. C’était surtout le désir de faire une belle image.



J.R. : C’est pour cela que nous le caractérisons souvent de « film de fin d’études ». Nous avions du matériel vidéo à notre disposition dans le cadre de notre formation et en avons profité à fond ! Alors bien sûr : pas d’acteurs pros, pas de moyens (tout de même 800 euros de budget !), mais Thierry avait prévu ces contraintes en terme de mise en scène et nous avons rassemblé à deux le mini budget pour mener à bout le projet. Il a ensuite pas mal tourné dans les festivals et a été diffusé sur France 3 Corse. Avec le recul je ne le renie pas mais il faut qu’il garde sa place dans son contexte et avec ses défauts.

 

03 - Passons maintenant à Baby Boom, quel était le budget du film ?



J.R. : Le budget du film est d’environ 55 000 euros. C’est une belle somme certes, dans la moyenne des courts français mais une grande partie du budget a été consacrée à la réalité du tournage en Corse : déplacements des personnes et du matériel, logement, ... qui constituent entre 20 et 30 % du budget ! Quand on tourne en pellicule, en Corse, avec une certaine ambition, il faut tout faire venir de Paris. Je parle pour le matériel, car le casting et l’équipe auraient été les mêmes quel que soit le lieu. C’est une terre d’accueil pour les tournages, plus que d’initiative.



 

04 - Comment êtes-vous parvenus à dégoter des techniciens aussi prestigieux ?



T.L. : A vrai dire, tout s’est enchaîné très vite, et nous devons beaucoup à Thierry Pouget (le directeur de la photographie), ainsi qu’à François Cognard (ex Starfix) qui, en quelque sorte, nous a pris sous son aile. C’est grâce à eux. Mais, à vrai dire, je ne sais pas l’expliquer… c’est une affaire d’alchimie. Le cinéma est basé sur le relationnel. L’humilité sincère compte énormément sans doute, et on n’a jamais revendiqué quoi que ce soit.



J.R. : Avant tout, je suis convaincu que les équipes se forment autour d’un projet (si possible de qualité et ambitieux). Nous avons regardé, observé les personnes qui, de par leurs univers et leurs travaux, pouvaient donner au film son identité. Après, bien sûr, il faut se jeter à l’eau, prendre contact, mais toujours autour du film et de ce qu’il représente en terme de défi et de challenge.



 

05 - Comment s’est déroulé le casting ? Ca a été facile de convaincre ces acteurs confirmés (Prestia / Nobletz / Salasca) ?



T.L. : On avait déjà fait appel à Jo Prestia et à Didier Nobletz pour un court métrage qui n’a pas pu se faire pour des raisons financières. Baby Boom était une bonne raison de les rappeler et tous, après lecture du scénario, ont dit oui tout de suite. Je suis fétichiste et j’ai en partie grandi avec un cinéma Hongkongais où il est fréquent de voir toujours la même équipe et acteurs selon le réalisateur. Gabrielle Veislinger me suit depuis Fantasmagoria et elle est indirectement liée à la naissance de Baby Boom. Mais ils ne sont pas là au hasard pour autant. Je ne crois pas au casting. Si c’était une science exacte, il n’y aurait pas de film avec de mauvais jeux d’acteurs. Par contre, je crois au « visage, au physique comme décors ». Pierre Salasca a atterri sur le film pour cette raison là. Sa personnalité et son physique ont énormément influencé le personnage du mercenaire. Etre comédien, c’est d’abord avoir un talent et une volonté naturelle. Après, il y a la technique qui permet de maîtriser son pouvoir et j’avoue que ça c’est aussi très impressionnant, voire effrayant (rires).



J.R. : Encore une fois, tout se passe autour du film que l’on présente aux gens. Si le projet plaît, qu’ils peuvent se mettre en « danger », tenter des choses, il n’y a aucune raison d’essuyer un refus.



 

06 - Comment le tournage s’est-il déroulé (lieux, durée des prises de vues, etc.) ?



J.R. : Le tournage s’est déroulé en octobre 2007, sur 3 jours, à Corte, petite ville du centre Corse. Ca se voit dans le film non ? (rires). Voilà un défi que nous nous étions fixé, ça se ressent bien dans le budget, mais qui peut le plus peu le moins, alors autant aligner les difficultés tout de suite et prouver de quoi on est capable. Cela dit, quel que soit le lieu, l’important est d’être bien entouré par une équipe responsable et professionnelle. On a tenu à ce que l’hébergement et la restauration soient irréprochables. C’était la moindre des choses.

 



07 - Parlez-nous de votre choix de tourner en pellicule ?



T.L. : On avait la volonté de travailler avec un grand directeur de la photographie. Alors, le choix de la pellicule s’impose par logique. C’est le support sur lequel il est le plus difficile d’éclairer. Il n’était pas question non plus de faire un film « discount » avec des caméras semi-professionnelles. Et puis, je ne suis pas convaincu par les caméras HD numériques. A moins de s’appeler Michael Mann, et avoir un budget énorme pour pouvoir travailler l’image dans ses moindres détails. Une société d’effets numériques nous avait pourtant conseillé de filmer en HD. Mais le filigrane du film était justement la dévolution de la technologie qui trouve son point culminant dans l’anéantissement total de toute chose. Ca me gênait d’utiliser les dernières générations de caméras pour filmer un film qui mélange des éléments futuristes avec des éléments rétro. Le grain de la HD n’aurait pas rendu le côté âpre que demandait le film.



 

08 - Le seul petit reproche que j’aurai à faire à Baby Boom, c’est son côté un peu frustrant …



J.R. : 100 % revendiqué ! Si le court était une fin en soi ça se saurait. Encore une fois, le but est de montrer notre façon de travailler, de monter un projet et de le mener à terme du début à la fin, en laissant la porte ouverte à l’avenir. Le background, le développement en long, nous l’avons. Mais il faut considérer Baby Boom comme un aperçu, il faut qu’il suscite des réactions et qu’il intéresse des partenaires.



T.L. : J’avais conscience de cela dès le début de l’écriture. Et je ne voulais pas tourner un court métrage d’une durée supérieure à 10 minutes. Alors après c’est difficile d’exprimer son point de vue dans un si petit métrage. Surtout quand on s’aperçoit du puits abyssal philosophique qui peut découler lorsqu’on se met à utiliser la technologie comme une antinomie à la Vierge Marie. Bien entendu, ça ne me dérange pas du tout que l’on voie Baby Boom comme un comic book. C’est ce qu’il est en premier. Un divertissement. Je ne veux pas que mon propos empêche les personnages d’exister. Mais comme la plupart des films de genre, recentrez-les dans le contexte dans lequel ils sont nés, et des consciences s’entrouvriront. Encore faut-il avoir le niveau intellectuel et culturel nécessaire pour les décoder.

 



09 - Votre court-métrage a-t-il déjà été montré au public ?



J.R. : Pour l’instant, il n’a pas été diffusé. Les premières projections se feront au Festival Mauvais Genre à Tours le 13 avril prochain et à l’Etrange Festival de Lyon le 4 avril. Le film est en compétition sur ces deux événements. Il sera diffusé aussi sur France 3 Corse Via Stella prochainement.

 



10 - Quel est votre sentiment général sur la situation du cinéma de genre en France ? En particulier, quel est votre ressenti quant à la difficulté de monter des projets disons « différents » et votre point de vue sur le phénomène de fuite des cerveaux (exil des jeunes réalisateurs français aux Etats-Unis) ?



T.L. : On est toujours un peu aigri quand il s’agit d’aborder ce sujet. Je dirais qu’il va beaucoup mieux que dans les années 90. On sent une volonté de faire des choses. Le succès du Pacte des Loups est l’élément déclencheur principal. Je pense que pour bien répondre à la question, il faut prendre le point de vue du spectateur. A partir de là, il apparaît plusieurs facteurs encore tabous qui règnent dans le cinéma français. Celui du talent de nous autres, auteurs, en premier lieu, qui n’est pas toujours au rendez-vous, ensuite des comédiens français et puis enfin le goût du public. Et tout cela, c’est lié à un problème culturel qui par logique va bientôt devenir un problème de déficience intellectuelle. Vous dites « fuite des cerveaux » … tout est dit.



J.R. :  Je considère le cinéma de genre comme une étiquette en France. Une étiquette que nous n’avons jamais voulue et qui a toujours été apposée par « l’autre cinéma ». Est-ce que les Américains ont conscience qu’ils pensent « genre » ? Le problème c’est qu’on s’accroche maintenant à cette étiquette en revendiquant le style plutôt que le propos. Certains films de genre mériteraient un effort d’analyse pour comprendre qu’ils contiennent également un propos, une vision.



 

11 - Quels sont vos projets ?



J.R. : Nous allons continuer à promouvoir Baby Boom durant l’année. Nous sommes prêts pour toute éventualité : nous comptons produire un dernier court-métrage (complètement différent) et, si Baby Boom suscite des réactions et un intérêt, un projet long est déjà dans nos petits papiers.

 



12 - Aujourd’hui, on vous donne carte blanche avec un budget de 20 millions d’euros, vous tournez quoi ?



T.L. : Mine de rien, c’est difficile de répondre à cette question (rires). Je ne conçois pas l’écriture d’un film en cochant des cases selon la ressource financière. Même si ça permet d’être plus à l’aise.



J.R : Déjà, on reste calme (rires). Décrocher un gros budget ne veut pas dire produire n’importe quoi. D’abord, il faut un bon projet, après s’il demande du budget, il faut lui donner sa chance.

 





Propos recueillis par Julien Sabatier.



Remerciements à Thierry Lorenzi et Julien Renaud pour leur disponibilité.



DVDCritiques.com – Avril 2009