Qui n’a pas rêvé de voir l’Iliade portée à l’écran, avec la démesure de cette histoire ? Si on vous propose Brad Pitt en Achille, Eric Bana en Hector, Orlando Bloom en Pâris et Diane Kruger en Hélène, avec Wolfgang Petersen aux commandes, ça vous tente ? Alors, à l’assaut de Troie !

Titre original : Troy
USA, 2004
Réalisateur : Wolfgang Petersen
Acteurs : Brad Pitt, Eric Bana (Hulk), Orlando Bloom (Le Seigneur des anneaux, Pirates des Caraïbes), Diane Kruger (Mon idole, Michel Vaillant), Peter O’Toole, Brian Cox (La 25e heure, X-men 2), Sean Bean (Goldeneye, Le Seigneur des anneaux), Brendan Gleeson (Le Général, Gangs of New-York), et Julie Christie dans un petit rôle
Musique de : James Horner
Adapté de l’Iliade, de Homère, rien que ça
Durée : 2h35

L’histoire
Pâris, prince de Troie, a enlevé Hélène, femme du roi de Spartes, Ménélas. Le frère de ce dernier, Agamemnon, n’attendait que ce prétexte pour ajouter Troie à ses conquêtes. Enrôlant Achille, guerrier hors pair, et accompagné d’Ulysse, roi d’Ithaque, il va défier Troie et son champion, le prince Hector. La bataille peut commencer…


Comme son nom l’indique, Trois est un petit film intimiste qui réunit trois personnes dans une pièce et… ah ? on m’informe qu’en fait, Troie est un énorme péplum recréant certaines des plus grandes batailles de toute l’histoire. Et effectivement, c’est bien l’une des premières qualités de Troie : son ambition, sa démesure, son côté « tiens, si on faisait une bataille entre 5 000 mecs et 10 000 mecs en jupette ? ». Avec ses 185 millions de dollars de budget, je peux vous assurer que les 15 000 mecs et les 15 000 jupettes sont là, avec les 15 000 boucliers, épées, arcs, flèches, lances qui vont avec. Et au lieu d’une flotte de zodiacs (qu’un budget limité aurait imposée), on a bien des navires de guerre grecs à portée de vue. Et la ville de Troie, reconstruite grandeur nature. Et un cheval de Troie gigantesque. Comme on dit, tout l’argent est à l’écran.
Deuxième (et dernière ?) bonne idée du film, une reconstitution très minutieuse de l’histoire, à l’exception de la disparition des interventions divines et du surnaturel. Après avoir vérifié dans un bouquin de mythologie, toutes les actions du film correspondent à l’Iliade. Sauf que la mère d’Achille n’a pas vraiment l’air d’une nymphe, que lui est juste un excellent guerrier, sans pouvoirs surnaturels (à ce propos, sa fin, et la possible explication de sa légende, sont remarquables de finesse, oui, ça étonne dans un film comme ça). Sauf que les hommes appellent les dieux en vain, et que seuls les prêtres font respecter la loi divine. Sauf qu’on ne parle pas de la lignée divine d’Hélène (fille de Zeus et Leda). Sauf que Hera n’est pas à côté d’Achille quand il défie Hector. Peut-être le budget ne le permettait-il plus ? Cela dit, cette disparition du surnaturel est à double tranchant : elle prive le film de spectaculaire et de magie, mais ramène l’enjeu à un niveau humain, à une histoire plus épurée. Ce qui serait une bonne chose, si les humains étaient mieux définis.


Car si l’histoire et le décor sont bien plantés, la sauce a du mal à prendre. Première cause : les personnages. Les acteurs n’y sont pas pour grand chose, et se débrouillent plutôt bien, mais les dialogues sont plats à pleurer, et les motivations des héros restent assez simplistes : l’affrontement entre je-veux-être-le-maître-de-tout et de tu-n’entreras-pas-chez-moi lasse assez vite. Seul le personnage d’Achille, qui se débat entre la quête de gloire et de postérité, le remords d’avoir tué tant de personnes, son indépendance à tout prix, et son amour pour une femme, relève un peu le niveau, mais aurait tout de même pu être traité un peu mieux. Il y a bien quelques beaux rôles, quelques belles tirades, quelques émotions, mais le tout conserve un côté un peu théâtral qui nous empêche d’y croire complètement. La reconstitution d’époque, bien que sans faille, fait un peu trop propre et retarde encore l’immersion. En fait, il faut bien presque une heure pour « oublier » la reconstitution et rentrer dans l’histoire.
Aussi outrée et grandiloquente qu’elle soit, l’histoire avait encore de quoi nous fournir du grand spectacle, des grands sentiments et des grands exploits. Ce qu’elle fait par moment, avant d’être poignardée dans le dos par les deux principaux défauts du film. Le premier et le moindre des deux, c’est la mise en scène, qui est assez inégale. Si certaines scènes sont réussies et bien filmées (le combat entre Achille et Hector, superbe), certains mouvements de caméra ressemblent à des caprices de réalisateur (du genre « ça va pas vraiment avec l’action, là, mais j’aimerais vraiment faire un grand plan tournant »), et certains sont même des fautes de goût caractérisées (la vue subjective dans le casque d’Hector, au moment du combat, ne manquera pas de déclencher les rires dans toutes les salles, comme dans la mienne). L’ensemble est plutôt réussi, mais de temps en temps certains plans font décrocher le spectateur de l’action, et c’est tout de même plutôt gênant. Mais pas aussi gênant que la musique.


Vous le savez : la bande son d’un film est très importante pour moi. Et là, c’est une torture. James Horner, pourtant habituellement recommandable, a à peu près massacré le film à lui tout seul. Vous avez ici deux types de musique. La première utilise des chœurs, mais qui sonnent beaucoup plus ethnique qu’antiques, et aurait mieux collé à un Tarzan ou à une expérience hallucinogène. A chaque fois qu’ils retentissent, vous maudissez la musique. Et puis il y a aussi de la musique plus classique, orchestre symphonique pour musique de guerre, à l’image de celle du Seigneur des anneaux. Musique de guerre avec plein d’instruments, donc jouée très fort. Mais quand on joue une musique très fort, elle a intérêt à être bonne, ce qui est loin d’être le cas ici, où elle est au mieux insipide. Comme la musique tente de ponctuer chaque temps fort du film, vous comprendrez que pour ceux qui y sont sensibles, elle tue chaque temps fort du film. Pas de survivants.
Au final, Troie mélange le bon et le moins bon. Une bonne histoire, avec un parti pris intéressant de bannir le surnaturel, des personnages un peu taillés à la serpe mais bien interprétés, des scènes de batailles nombreuses et réussies sans être du jamais vu, et une musique qui donne envie de défenestrer le compositeur. Soit un film tout de même assez prenant, quoiqu’un peu long, mais qui aurait mérité une meilleure écriture, une meilleure fluidité de mise en scène, et une meilleure musique. Soyez exigeants, demandez le meilleur.


A voir : pour un péplum épique ambitieux et parce qu’il y en a très peu
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +/-0, déçu, mais il y a tout de même du spectacle, voyez-vous même

Sébastien Keromen