Pas si connu en France, Garfield, le gros chat orange créé par Jim Davis, est pourtant une vedette de la BD dont les bandes se retrouvent chaque jour dans plusieurs milliers de journaux à travers le monde. Était-ce pour autant une bonne idée d’en faire un film, même avec Bill Murray pour faire sa voix ?
Titre original : Garfield, the movie
USA, 2004
Réalisateur : Peter Hewitt
Acteurs : Breckin Meyer, Jennifer Love Hewitt, Stephen Tobolowsky, Bill Murray pour la voix VO de Garfield et Cauet pour la voix VF de Garfield
Musique de :
Adapté de la BD de Jim Davis
Durée : 1h20
L’histoire
Garfield, gros chat orange gourmand et paresseux, vit avec son maître Jon. Tout se gâte quand celui-ci prend un chien, Odie. Et tout se gâte encore plus quand Odie prend la poudre d’escampette. Garfield part à sa recherche.
Plutôt que de cautionner cette trahison honteuse de la BD, permettez–moi de vous rediriger sur le site officiel de Garfield
http://www.garfield.com/ où vous pourrez trouver l'intégralité des bandes parues depuis 25 ans (dans la rubrique Today’s comics puis The Vault). Remontez donc jusqu’à la première bande, le 19 juin 1978 ! Vous pouvez aussi demander à recevoir par mail la bande du jour, je vous garantis que c’est une bonne façon de commencer la journée.
Faut que je vous explique : je suis un inconditionnel de Garfield, la BD. J’ai lu et relu les 25 fois 365 bandes sorties depuis son début, de préférence en VO dans le texte, et j’y trouve plus de " sagesse " (comprenez de petites phrases sentencieuses et bien senties) que dans la Bible et La Fontaine réunis. C’est donc en fan total du personnage que je suis allé voir le film. Je n’en attendais pas grand chose : les dessins animés, pourtant supervisés par Jim Davis, étaient assez mous, et le papa de Garfield se tenait cette fois-ci encore plus à l’écart. De plus, l’humour cynique et définitif de Garfield s’accommode parfaitement de 3 ou 8 cases, mais semble mal indiqué pour un film d’une heure vingt.
Résultat des courses : 1/4 d’heure à presque sauver, et le reste à brûler (y compris le négatif). A tout seigneur tout honneur, commençons par parler de Garfield dans le film, dont la représentation en images de synthèses est plutôt réussie (à quelques incrustations près, surtout quand on le tient dans les bras). Le matou est assez expressif, et reste fidèle au dessin de Jim Davis. Bill Murray est un excellent choix pour sa voix, et rien ne peut lui être reproché. De même, Jon et Liz arrivent presque à ressembler à la BD. Attention, je n’en suis pour l’instant qu’à l’apparence, j’aborderai les personnages et me défoulerai un bon coup un peu plus tard. Déjà, pour Odie, c’est moins net. Le choix d’un Garfield en CGI et d’un Odie réel est un peu limite, mais comme Odie ne parle pas, il se contente de ne pas ressembler au Odie de la BD mais se comporte comme lui. On n’en dira pas autant d’Arlene, représentée en vrai chat qui parle avec une bouche en image de synthèse. Comme par exemple dans Comme chiens et chats, mais en plus raté. Et le pauvre Nermal, en plus de subir la même mâchoire pixellisée, est passé d’un chaton nain gris rayé à un siamois adulte, je vous jure, les malheurs des manipulations génétiques. En fait, le plus ressemblant, c’est Pookie (le nounours de Garfield, pour ceux qui ne connaissent pas).
Voilà pour les réflexions qu’à vrai dire vous pouviez déjà vous faire en regardant les photos du film. Mais ce que vous ne pouviez pas voir, c’est : est-ce que tout ce petit monde a le même caractère que dans la BD ? Pendant quelques minutes, on croit que oui. Garfield se réveille, ne pense qu’à manger, martyrise Jon, et a quelques bons mots. Ça part bien. Sauf que dès qu’Odie arrive, ça commence à se déliter, pour carrément partir en sucette dans la partie principale du film. Premier grief : Garfield n’est presque plus paresseux (courir partout pour trouver Odie, ça semble largement hors de son champ de possibilités, même en répétant qu’il n’a pas la forme), plus cynique (pas de remarques désabusées sur le monde extérieur, au contraire il y passe presque tout le film), plus narcissique (il est même désintéressé), en clair il devient un citoyen modèle, ce qui est bien loin de son personnage de départ. Devenant ainsi fade dans ses actions et ses goûts, le spectateur s’en détache, et ses aventures sont mille fois moins jubilatoires que ses bandes en 3 cases. D’autant plus que si quelques répliques sont drôles, les autres sont assez plates, et Garfield, à force de parler tout le temps pour ne rien dire de drôle, finit par devenir gonflant par moments. Dans la même veine de non ressemblance, Jon n’est plus le looser invétéré, le nerd de service amateur d’accordéon ou de gadgets ringards, le dragueur repoussant et roi du râteau. C’est devenu juste un gars gentil et qui finit avec la belle vétérinaire. En clair, Hollywood n’a pas supporté que les héros (Garfield et Jon) ne soient des anti-héros. Pour un film grand public, il leur faut un exemple pour la jeunesse, quelqu’un qui ait les vraies valeurs. Tant pis, espérons juste qu’ils auront assoupli leur position pour le Guide du routard galactique.
Mais en fait, massacrer les personnages ne suffisait pas, il a fallu qu’ils affublent le film d’un scénario lamentable et inadapté. Pour un héros tout entier dédié à l’inaction, le scénariste a pondu un film d’action. C’est assez audacieux, et je me dois d’admirer son courage, juste avant d’aller participer à sa lapidation imminente. Faire courir le gros matou dans la moitié du film, fallait oser, mais il ose encore plus et lui fait danser le hip hop, ce qui me donne le droit d’amener des pierres bien tranchantes pour sa mise à mort. Le ressort du scénario est de plus parfaitement idiot, le méchant insignifiant, et les rebondissements aussi mous qu’un matelas sur lequel Garfield se serait fait les griffes jusqu’à en extraire les ressorts. Si vous ajoutez une musique insignifiante et du hip hop horripilant (et totalement déplacé), vous comprendrez que la bande son est au niveau du reste.
Une conclusion en deux temps. Tout d’abord, Garfield le film trahit complètement Garfield la BD, en nous montrant totalement autre chose. Seul le tout début ressemble un peu à ce qu’on pouvait espérer. Comme Mission impossible en son temps, le film prend des distances abyssales avec le matériau d’origine après le premier quart d’heure. Mais alors que le film de De Palma, même s’il donnait des envies de suicide aux puristes de la série, était une réussite (un peu contestée, je vous l’accorde), Garfield ne propose rien en remplacement qu’un film d’action pour kids un peu mou, entre Comme chiens et chats et Spy kids, et qui ne plaira qu’à votre petit frère de 2 ans s’il n’est pas très regardant et qu’on le laisse rentrer dans la salle.
A voir : pour les tous petits mômes, ou juste pour voir pendant 10 minutes Garfield prendre vie, avant plus d’une heure de calvaire
Le score presque objectif : 4/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, même si vous êtes fans, refaites-vous donc l’intégrale de la BD
Sébastien Keromen