"Il était une fois dans l'Est" de Larissa Sadilova

Verdict:Chef D’oeuvre

par: Emmanuel Galais



Printemps, été, automne, hiver. Les jours s'égrènent harmonieusement dans un paisible village de Russie. Anna prend chaque semaine le bus pour aller vendre ses tricots à Moscou. Mais elle en descend après quelques virages. Le même jour, son voisin routier va charger son camion pour une longue semaine de voyage. Il s'arrête lui aussi immuablement à la sortie du village... Désir, amour, suspicion et badinage, rien ne peut rester longtemps secret...

La vie d’un amateur de cinéma qui s’amuse, avec sérieux et passion à chroniquer des films afin de partager avec les internautes est souvent faites de rencontres.
Avec un réalisateur, une actrice, un acteur ou une galerie de personnage. La vie d’un critique est une aventure qui semble n’avoir aucune limite, on passe des mers du Sud aux confins infinis de l’espace. On rit à gorge déployée puis on s’émeut et l’on s’indigne par la force ou le désarroi des histoires que l’on nous raconte. Il peut y avoir un choc visuel, un autre culturel et parfois juste un instant suspendu dans le temps. La vie d’un cinéphile amateur de mots est également faite de voyages. Souvent aux quatre coins des Etats-Unis ou du Canada, d’autres fois en Europe, surtout en France ou en Angleterre. Également, de longs voyages en tout genre dans une Asie Millénaire ou contemporaine.


Et puis parfois, il y a plus étonnant, plus dépaysant : L’Amérique du sud, le Kirghizstan et la Russie.
Patrie d’un cinéma qui a tellement influencé de cinéastes Européens ou Américains. Un pays qui ose tout, le fantastique, l’historique, la science-fiction ou le drame. Avec des cinéastes comme Sergueï Bodrov (Nomad) ou Sergueï Mikhailovich Eisenstein et sont « Cuirassé Potemkine » en 1926 qui inspire Coppola pour une scène de ses « Incorruptibles », la Russie sait exporter des histories et nous tirer les larmes des yeux comme avec « Quand Passent les cigognes » de Mikhail Kalatozov en 1958. Avec « Il était une fois dans l’Est » de Larissa Sadilova, votre serviteur s’est subitement retrouvé dans un espace-temps, fait de poésie, de douceur et de colère parfois.


Dans cette histoire d’adultère, en pleine une Russie rurale, la réalisatrice Larissa Sadilova, nous emmène dans une intrigue simple, presque une tranche de vie qui s’égrène doucement et nous fait découvrir, finalement, un autre visage de son pays. Pas celui de la colère, de la violence ou de la mémoire ancrée dans un passé tumultueux, non, celui d’une Russie paisible, où les générations se côtoient, où les femmes ont des envies, des rêves, et des désillusions, au même titre que des hommes ont des volontés et parfois manquent de courage. Jamais dans l’excès, la réalisatrice nous embarque dans son histoire avec une simplicité désarmante. Une narration paisible, dans laquelle un homme et une femme vivent une relation adultère. Non pas qu’ils soient malheureux dans leurs couples respectifs, non ils ont simplement pris goût à l’interdit, à ces moments volés où ils se retrouvent et s’aiment physiquement et psychologiquement.


Au-delà de cette histoire d’amour surprenante c’est une peinture de la Russie que nous propose la réalisatrice nous offre une peinture sobre et parfois nostalgique de son pays.
Toujours régit par un système patriarcal, Larissa Sadilova inverse les rôles et nous montre à quel point les femmes portent le monde. Par leur force, par leur dignité, leur détermination et surtout leur fausse soumission qui permet de mettre en lumière le manque de courage des hommes lorsqu’ils sont acculés à la vérité ou à l’engagement. Avec une mise très inspirée du cinéma de John Ford et de Sergio Leone, d’où le titre, la réalisatrice filme large, prend son temps, s’attarde sur les visages, sur les dialogues réduits au stricte minimum pour laisser les silences parler et offre une carte postale éblouissante de la ruralité de son pays.


En conclusion, « Il était une fois dans l’Est » est une romance surprenante, réalisée avec beaucoup de douceur et une véritable intelligence dans l’écriture scénaristique.
La réalisatrice nous offre une peinture de son pays et nous fait voyager dans une Russie que l’on ne voit jamais par chez nous.