Qui a Peur de Roman Polanski ? Un ouvrage qui nous a passablement agacé !

Verdict:Mauvais

par: Emmanuel Galais



L'analyse du cas Polanski : la fabrication d'un monstre à l'ère de la falsification généralisée.

 
La figure d'un Polanski haïssable a été forgée au long cours, dès l'assassinat en 1969 de son épouse Sharon Tate : en était-il « si innocent » (sic), tant du fait de son œuvre « satanique » que de sa vie supposément dissolue ? Une partie des médias instilla ce poison dans l'opinion. Relancé par l'épisode de sa relation sexuelle illicite avec une mineure en 1977, un acharnement irrationnel, en roue libre depuis la sortie de J'accuse en 2019 et la frénésie accusatoire née de #MeToo, le poursuivit sa vie durant. En témoigne encore le tir de barrage contre son dernier film en date, « The Palace », présenté fin 2023 à la Mostra de Venise. L'image d'un prédateur maléfique s'est ainsi superposée à l'homme et à l'artiste, tel un masque odieux lui collant au visage. Fruit toxique d'une fabrication médiatique jamais interrogée, elle s'est peu à peu imposée comme vérité indiscutable. Or de multiples façons, la question de la vérité – et de sa corruption – travaille au cœur du cinéma de Roman Polanski. Cet essai croise un examen au scalpel des procédés falsificateurs qui ont accouché du « monstre » Polanski, empreints d'une détestation d'autant plus fanatique qu'elle se grime en vertu, avec une analyse de l'art de la vérité tel qu'il se déplie dans l'œuvre du cinéaste. Une œuvre capable d'armer notre esprit face au « parti pris de ne rien savoir », au « déchaînement furieux de passions sectaires » qui, au-delà du cas emblématique de Polanski, caractérisent le règne déréalisant, et de plus en plus étendu, du fake.


Vous trouverez, également, la motivation complète du tribunal de Cracovie, établie par le juge Dariusz Mazur, pour refuser en 2015 l'extradition de Roman Polanski par la Pologne.


Le cas de Roman Polanski, réalisateur de « Rosemary’s Baby » et de « Le Pianiste » suscite toujours les passions, surtout lorsqu’il s’agit du sacro-saint débat de la séparation de l’œuvre de l’homme. Car Le réalisateur a signé des œuvres majeures comme « Répulsion » en 1965, « Le Bal des Vampires », bien sûr, en 1967, « Rosemary’s Baby » en 1968 et surtout « Tess » en 1979 et « Le Pianiste » en 2002, mais bien d’autres encore. Figure emblématique du cinéma, adulée et révérée, il est apparu sous une autre image en 1977, lorsque les parents de la jeune Samantha Geimer, 13 ans, portèrent plainte contre le réalisateur, 43 ans au moment des faits pour viol. 5 chefs d’inculpation furent d’abord retenus contre lui : Administration d’une substance placée sous contrôle en forme de méthaqualone, Acte impudique ou acte de violence obscène sur enfant âgé de moins de 14 ans, Rapports sexuels Illicite avec une mineure, Viol aidé par l’usage de drogue et d’alcool, Sodomie sur personne de moins de 14 ans. 


Après des négociations entre les deux parties et sous contrôle d’une juge les six chefs d’inculpations, furent réduite à un seul : Rapports sexuels illicite avec une mineure. Un procédé qui visait ainsi à réduire la peine encourue par Roman Polanski et protéger l’intimité de la jeune fille, Le réalisateur fut envoyé au centre pénitentiaire de Chino, pour une période qui pouvait aller jusqu’à 90 jours (il n’y resta que 42, du fait de sa bonne conduite) et fut l’objet d’une expertise psychiatrique visant à qualifier sa dangerosité. Au bout de cette période, et suite à l’avis des experts, le juge accéda à la demande des avocats de Roman Polanski, de le laisser sortir des Etats-Unis afin de terminer le film qu’il avait commencé, pour ensuite revenir et purger sa peine. Mais voilà, une photo fut prise du réalisateur en compagnie de deux jeunes femmes, et imprimée dans la presse, provoquant l’ire du juge. Et c’est là, que les choses dérapèrent ! Car le juge comme le procureur, avides certainement de popularités et de projecteurs san lancèrent dans une forme de harcèlement et d’envie de mise à mort de Polanski, qui ne prit jamais fin, y compris en 2015, lorsque la cour de Los Angeles demanda l’extradition de l’artiste de suisse puis de Pologne. (Je résume, bien sûr, l’histoire de façon radicale, tous les faits sont repris dans le complément associé au livre de l’auteure).


J’en arrive donc au livre de Sabine Prokhoris, Philosophe et psychanalyste, auteure de plusieurs livres. Un ouvrage qui voudrait, donc, c’est son ambition affichée, réhabilité un homme sur lequel les autorités judiciaires américaines et les médias se sont acharnés pendant des décennies. Et c’est précisément là que pour le lecteur les choses dérapent. Car, s’il y a des livres qui brillent par leur écriture et leur subtilité, ce dernier n’en fait pas partie. « Qui a peur de Roman Polanski ? » est un amoncellement de morgue de l’auteure envers les victimes, que ce soit Samantha Geimer, je cite : « une relation sexuelle illicite et dont, à l’évidence il aurait dû s’abstenir » ou envers Valentine Monnier, dernière victime présumée du réalisateur aura le droit à tout un chapitre, dans lequel la soi-disant psychanalyste, s’évertue avec une rigueur malsaine à remettre en doute sa véracité lui refusant du même coup le droit de se revendiquer comme une victime.


Au-delà de cette bile qu’elle déverse, tout au long de ces 210 pages dans un style pompeux et confus, ce qui choque le plus ce sont les mécanismes que l’auteure utilise pour nous enfermer dans une réflexion qui nous mettrait d’office dans une position d’adhérant à l’antisémitisme. Car Sabine Prokhoris, nous livre d’abord tout un chapitre revenant sur le drame que vécut Roman Polanski en 1969, lorsque sa femme Sharon Tate, enceinte de lui, fut assassinée par les sbires de Charles Manson. Il y fut traité, il est vrai, très injustement et très honteusement, ce qui n’a strictement rien à voir avec les faits répréhensibles dont il fut l’auteur. D’autant que Prokhoris, va utiliser ce drame tout au long de son indigeste ouvrage, en martelant régulièrement que la judéité de Roman Polanski serait la source de l’acharnement médiatique dont il est la victime depuis les faits de 1977. La ficelle est bien trop grosse pour ne pas être vue et elle vient à l’encontre de toute forme morale, car elle installe le lecteur dans un siège qui n’est pas le sien pour mieux lui verser dans l’esprit cette puante réflexion qui est la sienne et dans laquelle elle ne fait preuve d’aucune subtilité et encore moins d’humanisme envers les personnes qui ont pu souffrir de l’attitude de Polanski.


Seul, le réalisateur bénéficie de tous les honneurs ! Bien pratique tout de même. Porté en victime, en saint immaculé de la création artistique, en figure inaltérable d'une pensée souillée, par la médiocrité et la haine de l'autre (On Notera l'humilité de l'auteure qui ne cesse de critiquer le style des autres, mais se garde bien de faire preuve de talent). Et oui, Roman Polanski est un très grand réalisateur, on lui doit des œuvres majeures, mais cela ne vient pas changer les faits. Et il n’était pas nécessaire de salir les victimes présumées ou avérée et de cracher sur tous les médias, qui, étonnamment, l’auteure se garde bien de le dire, ont pourtant longtemps et justement déroulés le tapis rouge et reconnu le talent de l’artiste. Cela ne cange rien sur les faits de 1977, et sur le fait que Samantha Geimer avec 13 ans au moment des faits et lui 43 ans, de la ne change rien au fait que des femmes ont fait entendre leurs voix pour mettre à jour leur souffrance et que si le mouvement #MeToo, les a aidés dans cette douloureuse libération, ce n’est que bénéfique pour notre société, plutôt que de putride soi-disant philosophe et psychanalyste qui les enfermerait dans un silence de mort. Cela n’a rien à voir avec le fait que Roman Polanski soit Juif, il serait Musulman, Bouddhiste ou Catholique, la chose serait la même et tout aussi révoltante.


Pour conclure, je dirais que l’acharnement dont fut victime Roman Polanski depuis la plainte pour viol des parents de Samantha Geimer en 1977, est révoltant, et malheureusement évident. Il a été la cible d’un procureur et d’un juge avide de popularité et de médias toujours à la recherche de faits divers sordides. Mais de là à écrire un tel ouvrage, qui se révèle une insulte pour les victimes ainsi que pour la communauté juive que l’auteure prend en otage pour donner corps à sa vision confuse et révoltante d’une affaire sordide, dont le seul responsable est cet homme de 43 ans qui n’a pas su refreiner ses pulsions et a trouvé facile d’abuser d’une jeune fille de 13 ans.

En complément à l’ouvrage, la motivation complète du tribunal de Cracovie, permet au lecteur, et du coup c’est beaucoup plus intéressant, de voir comment les autorités américaines et particulièrement le procureur David Wells  et le Juge Rittenband se sont acharnés et ont usés de bien des transgressions légales pour condamner Roman Polanski à une peine bien plus lourde que celle annoncée au début de l’affaire.

Editeur : Le Cherche-Midi  Dimension : 0,10 x 0,10 x 0,10 cm Nombre de Pages : 211   Prix Conseillé : 21.50€